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Lectures & Annonces de Parutions - février 2017

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Lectures & Annonces de Parutions - janvier 2017

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Lectures & Annonces de Parutions - décembre 2016










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Annonces de parution octobre 2016










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Annonce de parutions de septembre 2016








DÎNER FANTASMA

 

DÎNER FANTASMA

Auteurs:  Ryoko Sekiguchi et Felipe Ribon

Editeur:  Manuella Éditions

 

Billet de  Alain Lewinger

 

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Que mangent les fantômes ?

Inspirée de tradition japonaise et illustrée de photos éthérées, cette petite nouvelle fantasmagorique nous entraîne de rêves en rêves à la rencontre improbable  de nos chers disparus. Drôle et émouvante, Ryoko Sekiguchi  cuisine pour des âmes aimées, attendues tout aussi bien du paradis que du purgatoire.

Dans ce livre où tout est évanescent, à commencer par le titre à peine lisible sur la page de couverture, ne vous attendez à rien de concret; même les photographies admirables sont totalement abstraites .

Un jolie moment de poésie, à peine morbide.

Annonce de parutions début 2016






Annonce des parutions de fin 2015



Annonce de parutions juin 2016

Les éditions de l'Épure fêtent leur 25 ans




Annonce de parutions mai 2016



Tuade

 

LA TUADE DU COCHON  

 

Billet de Johannès Dumourier  

 

 

En référence aux écrivains G. Lévêque , N. Pellet et V. Balaÿ  

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Ce dix-sept janvier, le froid mordant de la bise, celui qui fait cailler les viandes, envahit le modeste laboratoire de la ferme.

Aujourd’hui, n’en déplaise à Roseline qui l’a détrôné, c’est la fête de Saint-Antoine le grand patron des cochons.

La tradition veut que la queue du porc tué l’an dernier, soit mangée pour la Saint-Antoine. Tuer le cochon développe la convivialité en rassemblant ce jour-là parents et amis venus aider. C’est l‘occasion d’offrir au curé, au postier, à l’instituteur et à quelques amis, la fricassée composée d’un peu de boudin et d’un petit morceau de filet. C’est une sorte de remerciement aux services rendus au cours de l’année.

Au XXIème siècle « la tuade » du cochon est un fait de société en voie de disparition. Au cours de cette fête intime, les femmes s’activent à la cuisine en épluchant, coupant, hachant et pétrissant. Les hommes dans la lueur du jour naissant installent le matériel et poussent la bête. Le feu crépite déjà sous la chaudière, mettant l’eau en ébullition tout comme les officiants d’un jour. L’eau bouillante est indispensable dans le rituel de la mise à mort. Le sacrifice est proche, minutieusement planifié. Il faut faire vite pour ne pas apeurer davantage l’animal qui est solidement attaché sur l’échelle inclinée. Tout se déroule sans faille. Le couteau plonge dans la gorge de la bête, le sang coule sur des mains expertes qui le remuent pour la fabrication du boudin. On retourne le corps sur la braise. On verse de l’eau bouillante sur ce corps inerte, on gratte, on frotte, on racle, on rase, en un tout on prépare la carcasse. Le saigneur (le tueur) ouvre le ventre du cochon avec précision et en sort les entrailles qui seront lavées et travaillées en vue des futures fabrications.

L’heure est venue de partager la brioche en buvant une tasse de café.

Tandis que les femmes s’activent aux fourneaux, les hommes font le dépeçage. Le cochon est décapité, les deux jambons et les épaules sont découpés. Ainsi démembré, les côtes sont détachées et le lard du dos prélevé intact. En marge du nettoyage minutieux des boyaux, le tueur dépose tous les morceaux sur des tables recouvertes de toiles blanches afin de préparer le boudin et la viande. Les oignons et le persil coupés fin, le sel et le poivre en fine poudre, une pincée d’épices, mélangés au sang, précieuse matière qui, avec les fines lanières de lard, deviendra du boudin. La viande musclée des cuisses et des épaules, associée au gras ferme sans couenne est découpée, hachée, pétrie et aromatisée pour être transformée en saucisson. Que dire du fromage de tête recouvert de graisse ? Et les saveurs des pieds et des oreilles du cochon, subtile duo ?

En ce jour de labeur, les repas pourvus et arrosés ajoutent une note de gaîté à ces riches pauses. La journée s’achève dans l’ambiance chaleureuse commune aux tuades.

Puis, avec la précieuse fricassée soigneusement enveloppée dans un torchon, chacun retourne chez lui dans le froid et la bise, affrontant un vrai temps de cochon.

Une sommelière dans votre cuisine

 

Une sommelière dans votre cuisine  

 

 

Auteurs : Estelle Touzet, Claire Vocanson, Eugénie Rambaud 

Éditeur: Éditions du Chêne, 2015

 

Billet de Marie-Claude Maddaloni  

 

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« Partir du vin pour inventer les saveurs qui l’honoreront ».

Je l’attendais avec impatience, cette professionnelle qui saurait me parler gentiment, sans doctes sentences et termes savants, des vins que j’aime et pourquoi ou, à l’inverse, des vins que je ne connais pas. Mais Estelle Touzet, notre sommelière, n’est pas venue seule. Accompagnée d’une cuisinière, Claire Vocanson, Estelle Touzet s’est introduite dans ma cuisine en me parlant simplement d’arômes, de nez, d’accords vins et mets pendant que Claire me suggérait une recette qui permettrait, pour le vin choisi, « de mettre en scène très simplement... son élégance et son onctuosité ».

 

Pour chaque vin, donc, un premier accord avec une recette simple à réaliser : « la recette tombée du frigo ». Le second accord aborde la recette centrale d’un « menu complet qui, de l’entrée au dessert, saura donner la réplique à la bouteille. »

A chaque rencontre entre vin et recette, la sommelière vous invite ainsi à saisir « la partition au sein du duo vin-mets : la saveur, la texture, la longueur en bouche des aliments répondant aux arômes, à la matière et à la persistance des vins ».

Ainsi, elle vous aide à comprendre votre plaisir et à faire de votre dégustation « une expérience complète qui sollicite tous vos sens. »

 

33 chapitres pour 31 vins plus 2 pour bière brune et cidre brut, « conçus sur le même modèle : un temps de découverte du vin, un temps de déclinaison des arômes et un temps de réalisation des recettes. »

Un livre qui m’accompagne, avec simplicité et même avec une certaine complicité, dans ma cuisine et qui s’y installe comme un compagnon au long cours.

Annonce de parutions mars & avril 2016




Annonce de parution février 2016

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Annonce de parution Janvier 2016

 

MANGER ET BOIRE entre 1914 & 1918

Auteurs : Collectif coordonné par Caroline Poulain  

Editeur:  Editions Snoeck

 

 La bibliothèque publie un beau livre sur l'alimentation pendant la Grande Guerre, tant au front qu'à l'arrière : se nourrir est à la fois un besoin premier, un facteur de bien-être ou de cafard, un enjeu aux multiples facettes - sanitaire, économique, industrielle, logistique, symbolique, familiale...- Avec les contributions d'historiens spécialistes de la période. L'occasion aussi de découvrir les menus et livres de recettes conservés dans le fonds gourmand.




 

Souscription littéraire 

Une création littéraire de Eve Marinone et création graphique de MaY

Editeur:  Az'art atelier éditions

 

 

La première bande dessinée culinaire bilingue français/anglais !

 

Une histoire, des histoires, plein de personnages, riches en aventures, toujours avec une finalité culinaire (recettes à la clé !).

Cette fois, l'auteur fait appel à ses souvenirs d'enfance et d'adolescence…complétés par son imagination : elle raconte la vie d'un immeuble et de son quartier à travers les yeux de deux adolescents Tomàs et Révérence, gourmands et passionnés de cuisine, leurs rencontres à fleur de papilles, leurs surprises et découvertes savoureuses autant que parfois…étranges.

 

Un beau et surtout BON programme !!!!!!

 

 Az'art atelier éditions fait connaître et vend sans but lucratif des œuvres d'auteurs et d'illustrateurs. Les bénéfices de chaque publication sont investis dans de nouveaux projets d'édition. En achetant ce livre avant sa parution, vous aidez l'auteur et son éditeur à publier le sens dessus-dessous des apparences, vous participez à la création littéraire de az'art atelier éditions, à son engagement auprès des auteurs et vous contribuez à rendre possible une publication plus rapide.

Prix : 20 € (chèque à l'ordre de az'art atelier éditions –

Paiement par Paypal sur le site http://www.azartatelier-editions.com  

Les nourritures

 

Les Nourritures, Philosophie du corps politique 

Auteur: Corine Pelluchon 

Editeur: Seuil, 2015 

Billet de Marie-Claude Maddaloni  

 

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Le sous-titre de cet ouvrage résume bien la pensée de Corine Pelluchon.

Le corps humain en tant qu’organisme devient un acteur politique dans la perspective d’une philosophie de l’existence « intégrant ce que l’écologie nous enseigne sur le « vivre de » ». L’objectif de l’auteur est donc de démontrer que « manger, c’est …être d’emblée dans l’éthique et la politique » puisque cet acte établit un rapport de responsabilité avec les autres, humains et non-humains. Comme chez Emmanuel Lévinas, auquel l’auteur fait souvent référence, et contrairement à la pensée de Martin Heidegger, il est question, aujourd’hui, de l’existant, non de l’existence, dans une nouvelle perspective de la philosophie du sujet.

Dans une première partie appelée « Phénoménologie des nourritures », Corine Pelluchon analyse le rapport entre le corps et ce monde-aliment. La jouissance du goût, la valeur artistique de l’alimentation comme dans la cérémonie du thé à laquelle Corine Pelluchon consacre plusieurs pages, le fondement écologique de l’existence comme l’exprime dans son œuvre Tetsurô Watsuji qui inspire Corine Pelluchon, la culture de la nature au travers de l’agriculture, l’empathie pour le monde animal sont des manières de penser ce monde. Mais il ne s’agit pas d’éluder, à l’opposé, les désordres alimentaires que représente le problème de la faim et de la malnutrition. Corine Pelluchon met en garde contre le discours productiviste et dénonce le système économique international et les règles du marché mondial.

 

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, « Un monde commun à instituer », Corine Pelluchon propose des pistes pour construire une société où « la politique est inséparable de l’espoir d’une vie meilleure…[où] la justice est inséparable du goût, c’est-à-dire de la capacité à reconnaître la beauté du monde ».

Elle analyse dans un premier chapitre intitulé « Un nouveau contrat social » les théories classiques du contrat, de Thomas Hobbes à John Rawls, en passant par Jean-Jacques Rousseau et John Locke. A partir de cette analyse, Corine Pelluchon pose la question suivante : « quels sont donc les principes de la justice comme partage des nourritures ? ». Elle en propose 9, que de manière très rapide, j’énumèrerai ainsi : scepticisme moral, recherche de consensus, rapport des êtres humains à l’humanité, rapport des êtres humains aux générations futures, droit de chaque être humain et de chaque animal à la nourriture, droit à l’habitation, respect des autres cultures, organisation du travail et des activités économiques, devoirs envers les animaux.

Le deuxième chapitre ne s’intitule rien de moins que « Reconstruire la démocratie ». Vaste sujet qui dépasse et mes compétences et le cadre du feuilleton gourmand. Je laisse donc le soin au lecteur de découvrir les pistes proposées par Corine Pelluchon.

« Au-delà des frontières nationales », titre du dernier chapitre, le cosmopolitisme qu’envisage Corine Pelluchon suppose « un sujet et une humanité convaincus que l’avenir du monde commun…dépend de leur capacité à instituer les règles d’une justice ». Et la généralisation des mouvements associatifs prouve qu’un « processus culturel est en cours ». Ce processus s’exprime « par le désir de mieux vivre en mangeant mieux, en ayant une nourriture plus saine et plus juste…, de protéger l’environnement, d’encourager un certain type d’agriculture qui respecte notre relation au vivant et valorise le travail des hommes et d’améliorer la condition des animaux ». Mais pour Corine Pelluchon, il faudra continuer, par d’autres travaux, à répondre aux difficultés des éthiques environnementales et animales…parce ce qu’elles se sont adressées à la raison et non au cœur et aux affects ».

 

« Définir des critères universalisables pour penser la condition humaine et, à partir de là, dégager les principes du droit politique et élaborer une théorie de la justice conçue comme partage des nourritures », c’est par cette citation que l’on pourrait conclure l’analyse de l’essai philosophique de Corine Pelluchon.

 

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Annonces de parutions novembre 2015





Signalé par Anik Buj


Valence, août 1536. Tandis que la guerre fait rage entre François Ier et Charles-Quint, le jeune dauphin François, celui-là même qui avait été fait prisonnier par l’empereur quelques années auparavant, meurt brutalement. Epidémie ? Empoisonnement ? Trahison de Charles-Quint ? Les rumeurs vont bon train. Lorsque son échanson se voit accusé d’avoir versé de l’arsenic dans l’eau du Dauphin, Quentin est obligé de défendre l’honneur de son ami. Mais qui pourrait convaincre le roi que son fils est bien mort de mort naturelle ? Il faudrait pour cela un médecin de génie, un esprit libre, un pourfendeur de l’injustice, un… Rabelais, bien entendu. Pour ce bon vivant, rien de pire que la tactique de la terre brûlée que pratiquent les soldats du roi. Or, comment réfléchir si l’on a l’estomac creux ? Mais l’époque n’est guère tendre avec les empoisonneurs, et le temps presse si Quentin ne veut pas voir son ami écartelé en place publique…

Lamb

 

Lamb 

 

Réalisateur: d’Yared Zeleke 

Film éthiopien,  

 

Billet de Vincent Chenille  

 

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Lamb suit le parcours affectif et initiatique du jeune Ephraïm.  Alors que l’enfant vient de perdre sa mère lors d’une sécheresse, son père le laisse en garde chez des cousins pour aller de son côté à la ville, gagner de l’argent et attendre que la pluie revienne, car il est paysan. Ephraïm a du mal à faire le deuil de sa mère. A plusieurs reprises, il tente de fuir de chez ses cousins pour retourner « chez eux », même si la terre ne nourrit plus son homme. Son attachement se traduit aussi par une brebis, qu’il emmène avec lui chez ses cousins, et qui est son seul lien affectif (il la tient sans arrêt en laisse comme un cordon ombilical) et par la cuisine, qu’il fait aussi bien que sa mère.

Cela lui vaut l’opprobre des hommes pour qui la cuisine est une activité de femme, même s’ils reconnaissent qu’Ephraïm la fait bien. Ils le destinent plutôt au labourage, mais Ephraïm a du mal à fouetter les bœufs. Les fêtes de la Croix approchant, ils décident que le moment sera venu pour lui d’égorger le mouton, ou plutôt la brebis. Impossible pour Ephraïm qui décide d’acheter le ticket de retour en car pour lui et sa brebis, en cuisinant des samoussas et en les vendant sur le marché. Il aura tout juste le temps et l’argent de confier sa brebis à une bergère, pour éviter que la bête ne soit égorgée. Découvrant l’argent qu’il a accumulé, sa tutrice le giflera, car sa jeune cousine (elle n’a que quelques mois) est en train de mourir de dénutrition (même si la région est moins touchée par la sécheresse). Ephraïm a préféré sa brebis à sa cousine. C’est sa brebis qui l’humanisera. Voulant fuir sa famille avec elle, il constatera que la brebis ne veut plus retourner au pays, car là, elle a une prairie verte. Avec son argent, Ephraïm achètera donc des légumes, des courges, ainsi qu’un gigot pour sa cousine. L’accomplissement initiatique interviendra lors des ripailles, des danses autour de l’abondance de nourriture apportée par Ephraïm. Le jeune garçon, qui participe à la cuisine, ne tient pas à manger de l’agneau. Mais il l’acceptera, parce que c’est la grand-mère (donc une femme) qui le lui mettra à la bouche. Et il aimera cela. A partir de ce moment-là, il pensera aussi à son père, parti à la ville. C’est-à-dire que ce rite culinaire l’aura fait entrer dans sa dimension d’homme.

Ce film éthiopien reprend donc la dialectique du végétal féminin en opposition à l’animal masculin, que l’on trouve régulièrement maintenant dans les films occidentaux qui parlent de nourriture. Il se rapproche d’Hungry hearts, le film américain avec cette mère végétarienne qui n’admettait pas de faire manger de viande à son enfant touché par le rachitisme. On y trouve pour finir la même tolérance, malgré l’opposition du végétarien et du carnassier. Dans Hungry hearts, c’est le père qui admettait le végétarisme de son épouse, dans Lamb, ce sont les femmes qui admettent la consommation de viande.

Cette proximité avec le cinéma occidental s’explique par la mondialisation. Dans la famille, c’est l’aînée des cousines, qui sait lire et qui s’informe, qui, d’autre part, soutient la consommation de lentilles et de pois chiches lors de la fête de la Croix, parce qu’on y trouve autant de protéines que dans la viande. Et puis, il y a le café du village, où les hommes débattent autour du journal. Ce média informe la population que l’agriculture éthiopienne doit être exportatrice. Le parcours d’Ephraïm, avec sa brebis convoitée, éclaire sur la situation éthiopienne dans la mondialisation et sur le débat du végétarisme et de la nourriture carnée. Les anciens constatent que la nourriture est plus rare qu’il y a vingt ans. Des anciens qui vivent dans un coin pas très touché par la sécheresse. Quand ils parlent de nourriture, il s’agit de viande. La terre est réservée aux végétaux à cause des exportations. Ephraïm manquera d’y perdre sa brebis en voyageant avec elle sur une zone interdite ; une zone où l’on abat les broutards. La viande manque pour les questions de nutrition, mais aussi pour le plaisir. La cousine, intermédiaire en âge, attend avec hâte les fêtes de la Croix où l’on « peut manger ce qu’on veut : pain d’épices, mais aussi ragoût de poulet et ragoût de mouton ».

Le film n’occulte pas la question de la raréfaction de l’eau dans le choix de privilégier les cultures aux troupeaux. Au début du film, Ephraïm se fait rabrouer, car il vient de voler un épi de sorgho dans une zone touchée par la sécheresse, toujours pour nourrir sa brebis. Le film y répond par une variété de sorgho plus résistante à la sécheresse. Finalement, il défend l’idée que l’agriculture doit d’abord nourrir sa population avant d’être exportatrice pour des raisons nutritionnelles, mais aussi de diversité des espèces vivantes.

L’homme irrationnel

 

L’homme irrationnel  

Réalisateur: Woody Allen 

Billet de: Vincent Chenille 

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Wody Allen est l’un des cinéastes les plus importants en termes de références alimentaires à l’écran. Son nouvel opus, L’homme irrationnel, vient le confirmer, avec cette histoire de professeur de philosophie qui retrouve l’appétit après avoir assassiné (de façon alimentaire) un juge inique. Dans son film, l’alcool entretient son nihilisme destructeur, alors que les aliments solides témoignent de sa vitalité retrouvée. A travers cette réjouissance alimentaire autour d’un meurtre, Woody Allen dresse un portrait de la radicalité. Le film se présente donc comme une antithèse de Hunger games.

DVD et Blu-ray novembre 2015

A noter surtout la sortie d’un coffret de l’intégrale Jane Campion.

Parmi ces films, on peut noter particulièrement, concernant les repas, An ange at my table. Le titre dit bien ce qu’il entend. Il s’agit du portrait d’une jeune fille poussée à la vocation d’écrivain et dont la vie sexuelle est absente, à la différence des jeunes de son âge : d’où l’identité de l’ange.

Identité qui signifie aussi être évanescent, transparent, invisible à table.

Et c’est une des caractéristiques effectivement de Jane, peu souvent présente à l’heure des repas dans sa famille ou avec d’autres jeunes. Ce n’est pas par manque d’appétit. Alors que sa tante l’appelle pour manger, Jane prétexte qu’elle n’a pas faim pour ne pas venir. Mais dès que sa tante s’est éloignée, elle se jette sur la nourriture, tant elle a faim. Jane est un être à part dans ce monde et elle ne trouvera vraiment sa place à table qu’en Espagne, lors d’un repas de paëlla qu’elle organise. Mais il ne réunit que des écrivains.

Le film de Jane Campion est une des meilleures illustrations de la table au cinéma, une traduction du rapport de l’individu au groupe.

 

 

 

Mad Max : the fury road

 

 

A noter, bien sûr, la sortie vidéo du film de George Miller, que nous avons chroniqué au printemps.

 

 

 

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Annonces de parutions octobre 2015



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UMIH Le guide du gaspillage.pdf
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Encore des nouilles

 

Encore des nouilles  

 

Auteur: Elisabeth de Meurville,  

Editeur: Les Échappés  

 

 

Billet de Gérard Allemandou  

 

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Peu d'entre nous se souviennent que P. Desproges, à l'initiative de d'Elisabeth de Meurville, journaliste incontournable de notre métier, livra quelques chroniques en 1985, à la sérieuse revue « Cuisine et vins de France ». Elles sont rééditées aujourd'hui sous le titre : « Encore des nouilles ».


Il est des livres qui font du bien, celui-ci en est un, tant la plume de Desproges ressemble au personnage. Aussi acide qu'irrévérencieux, l'humoriste manie avec talent la mauvaise foi et l'outrance, joue avec la provocation comme avec l'a priori. Dans ces « gaudrioles épistolaires » comme il intitule lui-même ses pamphlets, il envoie quelques méchancetés bien vues, malmène de façon jubilatoire la profession et ses habitudes moroses, et même frise le mauvais goût sexiste quand il assène : « une bonne conne qui ne pense pas c'est bien ». Le point d'exclamation, déjà mis à toutes les sauces, est assassiné : « genre de ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut que heurter la pudeur » et il règle un vieux compte avec l'asperge aussi injuste que tendre. Quel intense plaisir que celui des mots et des formules, « le vin est femelle et le bien boire érotique »- , que ces coups de gueule pétris de bon sens et du plaisir de vivre exaltant avec passion son amour de la table avec lequel il joue de façon improbable dans sa chronique : « L'amour à table ». Jusqu'à la fin il gardera son l'humour répliquant à l'annonce qu'il lui est faite d'un « crabe » qui l'emportera : « Le soir même chez l'écailler du coin j'ai bouffé un tourteau. Ça nous fait un partout. » Plongez-vous dans ce petit ouvrage, c'est un excellent moment de plaisir.


Desproges

Encore des nouilles

(Chroniques culinaires)

Les Échappés 2014 – 14,90€

Paul Vermont

Extrait de la Revue de Paris parue en 1835 

Auteur: Paul Vermont  

Billet de Gérard Allemandou 

 

Le hasard de mes lectures m'a fait trouver ces quelques lignes de Paul Vermond dans la Revue de Paris de 1835.

L'histoire trop souvent se répète. Souhaitons simplement que les food truck d'aujourd'hui,– quel nom barbare, –ne dureront pas plus que les omnibus – restaurant de M. de Botherel.  

 

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Annonces de parutions juin 2015


Lus dans la presse et sur internet (juin 2015)

Cette nouvelle rubrique reprend quelques uns des articles que nous font parvenir quotidiennement Françoise Hache-Bissette, Anick Buj, Denis Saillard et quelques autres passionnés. Ces articles, souvent polémiques, n'engagent que leurs auteurs.

 

Le voile se léverait-il sur les arnaques en cuisine ?

 Cuisine en prison: un moyen d'évasion et de compensation ?

 Fin de parcours pour Gmag

 La diplomatie des terroirs

 Les rendements de l'agriculture biologique: un quiproquo tenace ?

 Nouveau décret sur le fait maison: décryptage en 10 points.

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Annonces de parution mai 2015 


La main à la pâte - Éditions Alternatives

Auteure: Cécile Pellerin.

Les Editions Alternatives lancent une nouvelle collection Food'in, et proposent, par ce biais, d'initier à une cuisine moderne et conviviale, plutôt tendance, synonyme de plaisir et de simplicité. L'air de rien, sans se prendre la tête ni stresser derrière les fourneaux, ces ouvrages (au nombre de quatre pour le moment*) offrent au lecteur un panel de recettes plutôt classiques et fondamentales, déclinées ensuite en d'autres recettes plus originales, parfois inédites ; histoire de varier le plaisir et l'esthétique, d'initier à d'autres saveurs, d'autres gourmandises.

Les Erreurs dans la cuisine - Éditions courtes et longues

Auteurs: Gilles Stassart et Jean Poderos.

Quand la cuisine nous dévoile ses erreurs... Des Erreurs dans la cuisine ? La tarte Tatin, certes. Mais il existe d’autres grandes erreurs savoureuses. Saviez-vous que le sel ne renforce pas le goût des aliments ? Qu’un bon produit ne fait pas forcément un bon résultat ? Que pour bien cuisiner un plat, il faut parfois le faire brûler ? En 33 erreurs, on appréhende le patrimoine culinaire mondial sous un angle nouveau, dans un voyage à travers l’histoire, la peinture et les arts graphiques. Et à chaque nouvelle erreur, un grand chef dévoile l’une de ses recettes, accessible mais élaborée, à déguster le livre à la main. Lauréat du Prix Archestrate 2014



Les nourritures, philosophie du corps politique - Éditions du SEUIL

Auteure: Corinne Pelluchon.

Nous devons avoir l’ambition de repenser les relations que nous entretenons avec la nature, à travers un pacte qui nous lie aux non-humains. Ce n’est que de cette manière que nous parviendrons à donner à l’écologie un fondement anthropologique.


La Gourmandise et la faim. Histoire et symbolique de l'aliment (1730-1830) - Éditions Le Livre de Poche

Auteur: Jean-Claude BONNET.

C’est dans les livres de cuisine, dans l’Encyclopédie et dans les périodiques, que l’on voit la gastronomie se constituer, au cours du XVIIIe siècle, comme un fleuron de notre culture nationale. Sur cette question de l’aliment, de grandes œuvres littéraires - Rousseau, Diderot, Mercier, Chateaubriand - ouvrent des perspectives inédites. Mais la gourmandise à travers laquelle s’exprime un bonheur propre au siècle des Lumières, ne saurait faire oublier la question chronique de la « disette » et de la faim qui devient lancinante durant la Révolution, avant le retour tonitruant des plaisirs de la table. S’ouvre alors le règne des « gastrolâtres » qui voit la consécration de Grimod de La Reynière comme premier gastronome et du « dieu Carême » comme cuisinier artiste..



La nourriture dans les oeuvres d'art

 

Il CIBO nelle arte  

Jusqu'au 14 juin

Palazzo Martinengo, Brescia (Italie)

 

Signalé par Françoise Hache-Bissette

 

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Plus de renseignements.

EXPO: l'Art de manger

 

Rites et traditions  

Jusqu'au 12 juillet 2015,

ouvert tous les jours de 11 h à 19 h,

sauf le mardi et le jeudi,

 

Musée Dapper, 28 à 30 rue Paul Valéry,Paris.

Métro: Ligne 2 - station Victor Hugo /Ligne 6 et 1 - station Charles de Gaulle - Étoile ou Kléber

RER: Ligne A - station Charles de Gaulle-Étoile

Bus: Ligne 52 - station Paul Valéry / Ligne 82 - station Victor Hugo

Parking: Avenue Foch : entrée au n° 8 de l'avenue Foch /Place Victor Hugo : entrée au n° 80 de l'avenue Victor Hugo

 

 

La thématique de cette exposition s'attache à mettre en lumière des traditions, des savoirs et des actes qui se vivent au quotidien ou de façon exceptionnelle, lors de cérémonies ou de rituels en Afrique, en Insulinde et en Océanie.

 

Commissaires de l'exposition : Christiane Falgayrettes-Leveau, directeur du musée Dapper & Anne van Cutsem-Vanderstraete, historienne de l'art ; avec la collaboration de Gilles Bounoure, pour l'Insulinde et l'Océanie.

Scénographie : Marc-Olivier Trouvin, architecte. 

 

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 La cuisine des herbes (Liban – France)

Prochaine conférence du séminaire « NOURRITURES » 

organisé par le LABORATOIRE d'ANTHROPOLOGIE SOCIALE 

dirigé par Aïda KANAFANI-ZAHAR et Noëlie VIALLES

 

Conférence de Aïda KANAFANI-ZAHAR  

mardi 7 avril 2015 de 10h00 à 12h00

Collège de France, 11 Place Marcelin Berthelot, Paris 75005, salle 1

 

 

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Annonces de parution avril 2015 


Revue de la Bibliothèque nationale de France

N°49 : La Gastronomie, du sens aux sens

Sous la direction d’Alina Cantau (chargée des collections Gallica) et Dominique Wibault (Chargée de collection en gastronomie)

Le goût des autres. De l'expérience de l'altérité gastronomique à l'appropriation - Europe XVIIIe-XXIe siècles

Denis Saillard et Didier Francfort (dir.)

Presses universitaires de Nancy

Le sacre du Roquefort

L’émergence d’une industrie agroalimentaire (fin XVIIIe-1925)

Auteur: Sylvie Vabre

Coédition Presses universitaires de Rennes

 



 

L'alimentation et le temps qu'il fait - actes du colloque  

Auteur : Monique Chastanet 

Edition Hermann:  

Signalé par Françoise HACHE-BISSETTE  

 

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Le clos du maréchal Pétain  

Auteur : JEan Vigreux 

Editeur: PUF 

Signalé par Anik Buj 

 

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La route gourmande - tous les titres disponibles.
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Enquête dans les cuisines du pouvoir

Parutions

 

Chefs des chefs. Élysée, Kremlin, Buckingham, Maison Blanche...  

 

Auteurs : Gilles Bragard et Christian Roudaud  

 

Éditions du Moment, 2013  

 

Billet de Bénédicte Cartelier 

 

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Retour aux Archives d’avril 2015

L’auteur principal, Gilles Bragard, a dirigé l’entreprise fondée par son père en 1933, spécialisée dans les vêtements professionnels pour les métiers de bouche, avant de la vendre en 1994. Il est également le fondateur en 1977 du « Club des Chefs des Chefs » qui rassemble les cuisiniers des chefs d’État des principaux pays. Il n’est pas cuisinier de formation mais se définit plutôt comme le « couturier des chefs ». Quant à Christian Roudaud, écrivain et journaliste, il est l’auteur notamment de Ils sont fous ces Anglais et collabore à divers journaux.

Au terme d’une enquête minutieuse pour laquelle les auteurs ont rencontré un grand nombre de chefs des palais présidentiels du monde entier, les auteurs abordent en douze chapitres les différents aspects du métier de ces « cuisiniers de l’ombre » : le recrutement, les conditions de travail, le métier au féminin, le rôle de la gastronomie dans les relations internationales, etc. Le livre fourmille d’anecdotes très vivantes et se lit « comme un roman ».

En matière de recrutement, les procédures varient beaucoup d’un pays à l’autre. Si en France la règle de la continuité de l’État s’applique aussi aux fourneaux, il en va tout autrement ailleurs. A la Maison Blanche, le chef actuel a ainsi subi un déjeuner-test éprouvant tandis qu’à Buckingham Palace, la personnalité du candidat semble compter autant sinon plus que ses capacités culinaires. Quant à la méthode russe, elle semble si secrète que Jérôme Rigaud, le chef français finalement choisi, s’est trouvé testé et sélectionné sans même le savoir.

De telles précautions sont évidemment destinées à garantir la sécurité des chefs d’État et de gouvernement. Outre un casier judiciaire vierge, les cuisiniers doivent se soumettre à une scrupuleuse enquête de personnalité. Discrétion, loyauté et probité sont indispensables. Sur ce dernier point, la Russie se montre particulièrement sourcilleuse ainsi que le raconte Jérôme Rigaud : tous les ingrédients sont pesés au gramme près pour éviter le vol (le « coulage ») de la part du personnel. A cela s’ajoutent des mesures destinées à contrer les tentatives d’empoisonnement. Ainsi, aux États-Unis, après les attentats du 11 septembre 2001, Walter Scheib, le chef de l’époque, vit sa liste de fournisseurs habituels se réduire des deux-tiers. Même à l’extérieur, les Américains demeurent particulièrement méfiants, multipliant les contrôles avant toute visite officielle. Quant à l’emploi de goûteurs, cela n’a jamais pu être vérifié. Cette peur de l’empoisonnement est de toute façon très présente en Afrique, dans les pays arabes et surtout en Israël. Autre menace, moins dangereuse mais tout autant prise au sérieux, notamment au Royaume-Uni, le risque de fuite dans la presse à scandales. D’où la présence d’une clause de confidentialité incluse dans les contrats des cuisiniers de Buckingham Palace.

La « diplomatie de l’assiette » est un aspect bien connu de la gastronomie depuis le prince de Talleyrand mais les auteurs apportent des précisions souvent très drôles sur le sujet. Si le porc et l’alcool sont généralement proscrits des réceptions officielles en France, c’est aussi le cas des plats populaires ou régionaux de même que des plats « exotiques » comme le couscous. En outre, les services protocolaires s’efforcent de connaître à l’avance les éventuels allergies et régimes des grands de ce monde ainsi que leurs goûts afin d’éviter tout « couac » diplomatique. Toutefois, une gaffe est toujours possible. Ainsi, alors que l’aversion de Georges Bush envers le brocoli était connue de tous, celle de François Hollande envers les asperges ne l’était visiblement pas des Allemands qui lui en servirent le jour de son investiture, le 15 mai 2012, lors d’un dîner avec Angela Merkel !

Après la suprématie de la gastronomie française, la tendance actuelle est au recrutement de chefs nationaux, notamment au Royaume-Uni où le chef anglais Jamie Oliver servit un menu exclusivement composé de produits d’origine britannique lors du sommet du G20 de Londres en 2009. Certes, l’influence française demeure bien vivante (les menus sont toujours rédigés en français à Buckingham Palace) mais les cuisiniers français ne sont plus systématiquement préférés.

Le stress des chefs des chefs est particulièrement intense. Plus qu’ailleurs, ils n’ont pas le droit à l’erreur. Joël Normand, chef de l’Élysée sous François Mitterrand, raconte ainsi comment il dut remplacer au dernier moment des escalopes de foie gras poêlées qui s’étaient délitées à la cuisson par des tranches de gigot froid, à la grande colère de Mitterrand.

Autre facteur de stress, l’angoisse de la page blanche pour des chefs qui doivent se renouveler sans cesse au risque de lasser leurs « clients » qui, à l’inverse de ceux d’un restaurant, sont toujours les mêmes.

Impossible de résumer un tel ouvrage, il faut le lire (et même le relire) pour en savourer toutes les anecdotes. Sur le même sujet, on pourra aussi se référer au livre de l’ancien chef des cuisines de l’Élysée, Bernard Vaussion, intitulé Au service du Palais. De Pompidou à Hollande, 40 ans dans les cuisines de l’Élysée, écrit en collaboration avec Christian Roudaut et paru aux Éditions du Moment en 2014.

 

 

Grain de riz, grain d'or

 

Le livre du riz  

 

Auteur : Maït Foulkes 

 

Éditeur : Philippe Picquier 

 

Billet de Alain Lewinger  

 

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Retour aux Archives d’avril 2015

  Parsemé d’anecdotes, de poèmes et de citations, ce petit livre nous promène à travers les rizières d’Asie en nous livrant de savoureux récits sur les traditions, les croyances et les rites qui entourent cette céréale, ancestrale et sacrée. Les riz sont multiples et multicolores, adaptés aux différents sols et climats asiatiques :  culture, récolte et  préparation, travaux pénibles, sont souvent confiés aux femmes.

Depuis cette lecture, je ne manque jamais de faire tremper mon riz basmati dans une eau froide pendant une dizaine de minutes avant de le jeter dans la même quantité de bouillon de poule en ébullition, parfois aromatisé d’épices : cannelle, cardamone, cumin, curcuma …hum !

 

 

GASTRONOMIE ET POLITIQUE

 

Une autre approche interculturelle franco-espagnole  

 

 

Auteur : Sylvie ANCELOT  

(L’Harmattan, 2014)

 

Billet de Bernard Lafon  

 

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Retour aux Archives de mars 2015

Comme bien souvent, le sous-titre est le plus qualifiant.

L’objectif est d’observer, à travers le prisme de la gastronomie, le côte à côte, mais aussi le face à face de deux nations voisines qui depuis longtemps entremêlent pratiques culinaires et pratiques politiques. Sylvie Ancelot brosse à grands traits les origines et les spécificités des deux cuisines, pénétrées l’une et l’autre par l’histoire européenne où les alliances, les traités, avaient presque toujours un épilogue gastronomique, volet indispensable de toute diplomatie. Notre époque contemporaine, ère d’une compétitivité globalisée, génère un besoin de classement. On classe donc les cuisines comme on classe les universités pour en dégager les excellences (qui font d’ailleurs débat) et pointer ce que l’on appelle trop facilement la ou les modernités. Ainsi, la cuisine ibérique serait fortement régionale et conviviale, la française serait plus intellectuelle. Il est vrai que le succès des Lumières fut modeste au pays de Cervantes. Ceci pourrait expliquer cela. On peut sans doute regretter que l’auteure ne s’attarde pas suffisamment sur l’histoire tourmentée du 20ème siècle espagnol, siècle qui donne naissance à ce que l’on peut définir comme une « cuisine d’affrontement et de résistance ». La guerre civile et le régime politique qui en résulta ne laissèrent aucunement la gastronomie en dehors des luttes et des débats politiques. On découvre qu’il existait de délicats petits plats parmi lesquels une soupe à la Mussolini, un colin à la sauce phalangiste, qui ont dû disparaître assez rapidement des cartes et menus, mais qui ne sont pas sans signification. On ne retrouve pas cette gastronomie très particulière en deçà des Pyrénées. En l’état actuel de la recherche, aucune trace, semble-t-il, d’une quelconque « sole à la De Gaulle » ou d’une roborative « potée de Pétain ». En contrepoids, plus durable, la cuisine de Pepe Carvalho, le cuisinier préféré de Manuel Vasquez Montalban.

Aidée par le boom touristique des années 60, cette histoire tourmentée raffermit les cuisines régionales et singulièrement la cuisine basque.

Autre trait distinctif de l’Espagne: l’enseignement et la recherche, avec une université gastronomique de plein exercice, le Basque Culinary Center, logée à Saint-Sébastien et présidée par Ferran Adria, entouré de grands chefs espagnols et internationaux. Dans sa sagesse, l’UNESCO *a reconnu les mérites de l’une et de l’autre. L’Espagne fait partie de la « Diète méditerranéenne »,** la France a son « repas gastronomique des français »***

Portraits de cuisiniers, repères chronologiques, petites et grandes histoires de cuisine, repas « diplomatiques », différences et complémentarités construisent l’architecture de l’ensemble et se succèdent au fil de chapitres dont l’organisation est parfois difficile à appréhender. Un ouvrage néanmoins agréable à lire et documenté qui nous présente un état de ce que l’un a apporté à l’autre et réciproquement, mais aussi deux façons de dire et de faire, à la fois singulières et bien proches aujourd’hui.

 

* voir le site www.unesco.org/culture

**… ensemble de savoir-faire, connaissances, pratiques et traditions, basés sur un modèle nutritionnel qui est demeuré constant dans le temps et dans l’espace... Inscription en 2010, l’Italie, la Grèce et le Maroc en font également partie. S’y ajoutent en 2013 Chypre, la Croatie, le Portugal.> 

***… pratique sociale coutumière, le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature… Inscription en 2010.> 

Annonces de parution mars 2015 

Cliquez sur la photo pour accéder à plus de renseignements

Ségolène Lefèvre  

 Monique Chastanet,

Gérard Chouin, Dora De Lima et Thomas Guindeuil

Pour une histoire de l’alimentation en Afrique avant le XXe siècle

 Azélina Jaboulet-Vercherre

The Physician, the Drinker, and the Drunk


Traditions culinaires en montagne

 

La cuisine savoyarde  

Auteur : Pascal Roman 

Editeur : Les cahiers du colporteur, Editions de l’astronome, 2014  

 

Billet de Catherine Gerbod 

 

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Retour aux Archives de février 2015

L ’essor des sports d’hiver a popularisé la cuisine savoyarde mais en la limitant à la tartiflette, à la fondue ou la raclette. En inventoriant le patrimoine culinaire montagnard, Pascal Roman nous en fait découvrir la richesse et la variété. Adoptée au XVIIIe siècle, la pomme de terre se transformait par exemple en farçons, en matefaims, en nioques (sorte de gnocchis) ou encore en pela, l’ancêtre de la tartiflette.

L’auteur évoque aussi d’autres spécialités un peu oubliées comme le bescoin, les rissoles ou le berthoud. Il montre comment la production alimentaire combinait les objectifs d’autosubsistance et de vente. L’élevage laitier constituait la principale source de revenus dès le Moyen-Age. Le beurre et les fromages comme le reblochon, le beaufort, l’abondance ou le chevrotin étaient élaborés pour être vendus. Seuls la tomme et le serac faisaient partie de l’alimentation quotidienne. Ils permettaient d’utiliser le lait écrémé et le petit lait issus de la fabrication du beurre. Le cochon fournissait le saindoux pour cuisiner et la principale viande. La marmotte ou le chamois le complétait !

Ce livre bien documenté nous montre comment les réalités économiques, le climat ou l’histoire façonnent l’alimentation locale. L’auteur a aussi rassemblé la riche iconographie illustrant le texte.

 

 

Hérédités alimentaires et identité gastronomique

 

Suis-je réellement ce que je mange ?  

Auteur : Kilien Stengel  

Editeur: Éditions L’Harmattan, collection Questions alimentaires et gastronomiques, 2014 

 

Billet de Marie-Claude Maddaloni.  

 

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Retour aux Archives de février 2015

Kilien Stengel a travaillé dans le domaine de l’hôtellerie-restauration avant d’intégrer l’équipe de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation à l’Université François-Rabelais de Tours. Son ouvrage est une réflexion, conduite à haute voix, pourrait-on dire, autour de « l’identité gastronomique » de chacun de nous. En effet, Kilien Stengel nous interpelle, nous pose des questions, nous amène à fouiller dans nos souvenirs d’enfance pour y retrouver les « parfums, saveurs, textures, couleurs, impressions et plaisirs » afin de faire face « aux impressions néfastes de l’impressionnant monde adulte. »

Quel est « votre patrimoine alimentaire immatériel » ? Question essentielle, car pour Kilien Stengel, « la mémoire et l’héritage familial jouent un rôle fondamental dans la construction de l’individu mangeur ». Mais ce patrimoine, nécessaire, n’est pas suffisant pour construire « votre [propre] art du bien-manger et du bien-boire » et pour répondre à la question : « Comment devenir gastronome ? ».

Alors, conseille Kilien Stengel : « prenez un crayon et laissez les saveurs, les couleurs, les olfactions du fond de votre mémoire guider vos mots…tirez-en une bible personnelle de vos confrontations avec le passé et de vos confortations avec votre esprit et votre corps ». Ainsi va se construire « votre véritable personnalité de table », « votre identité gastronomique ». Pour autant, cette « passion gourmande » ne doit pas se transformer en déséquilibre gourmand. « Mais alors qui définit l’exagération et la frontière alimentaire ? ». Kilien Stengel met en garde, en faisant également un détour par la philosophie, contre toute idée préconçue : « Une fois pour toutes, il faut renoncer à cette illusion d’une « bonne » cuisine française…Le « bon » n’existe que par la définition personnelle que chacun lui porte ».

Il s’agit donc pour Kilien Stengel de « manger responsable », grâce à « l’observation et la connaissance des diversités des produits, des recettes, des cultures alimentaires et des goûts d’autrui ». Seule, cette prise de conscience, certainement soutenue par un projet institutionnel de transmission des connaissances (peut-être utopique mais pas impossible pour l’auteur), pourra faire cohabiter ses propres attentes gustatives et celles des autres. À la lecture de cet ouvrage, on ressent à chaque ligne le plaisir qu’éprouve Kilien Stengel à transmettre au lecteur comme certainement à ses étudiants, à l’université, le goût et la force de « penser sa nourriture ».

 

 

La Méditerranée à table

 

Une longue histoire commune ,

Ibook en deux tomes  

  Tome I: version 2 octobre 2014; tome II: avril 2013

 

Auteur : Marie Josèphe Moncorgé 

Éditeur: Tambao, avril 2013  

 

Billet de Liliane Plouvier  

 

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Retour aux Archives de février 2015

Tome I, La cuisine, Préface Paul Balta

Marie Josèphe Moncorgé ne se borne pas à plonger le lecteur dans l’éblouissant monde de la Méditerranée. Elle se livre à une vaste étude qui voyage de l’Extrême Occident à l’Extrême Orient et aborde, qui plus est, des sujets allant bien au-delà des questions strictement culinaires. Autrement dit, l’ouvrage de Marie Josèphe Moncorgé est une véritable encyclopédie de gastronomie historique.

Bien sûr la Méditerranée est au cœur de celle-ci. Sur ses rivages naissent l’agriculture, l’écriture, la roue et… la gastronomie. Le premier livre de cuisine est écrit en Mésopotamie vers – 1700 et pose les jalons de nombreuses spécialités qui survivent non seulement dans les cuisines méditerranéennes mais aussi septentrionales : les pains, les galettes, les pâtes, les tourtes. L’auteure ne se borne pas à remonter à la paléo-Babylonie, elle visite l’Egypte pharaonique, la Grèce, la Rome et la Perse antiques, le monde arabe qui lui succède avec les brillants califats abbasside de Bagdad et omeyyade de Cordoue. Ensuite elle examine l’Occident latin, qui s’éveille durant le Moyen Âge central, et la formation consécutive de nouveaux Etats non seulement en Méditerranée (dans les Péninsules ibérique et italique, Provence, Byzance et sa reprise par Istanbul) mais aussi hors Méditerranée (comme France et Angleterre) pour aboutir in fine au XXIe siècle.

Cette étude chronologique est complétée par différents articles thématiques dans lesquels l’auteure retrace notamment l’histoire des produits en provenance du Nouveau Monde, pomme de terre, haricot, chocolat, courgette et courge, piment et poivron. D’aucuns ont mis plusieurs siècles avant d’être adoptés par les Européens.

Marie Josèphe Moncorgé consacre, en outre, tout un chapitre à l’étonnante aventure de l’aubergine, adorée par les uns, honnie par les autres. Elle refait aussi une histoire des pâtes, analyse les péripéties de l’escabèche, examine le parcours plusieurs fois millénaire du garum qui possède de nombreux avatars aujourd’hui, se lance dans les différents procédés de feuilletage à la feuille : principalement phyllo et brick, qui sont souvent confondus à tort, puisque le premier désigne une feuille crue (et est décrit pour la première fois par Athénée dans la recette du catillus ornatus), le second une feuille cuite (à blanc). L’auteure ne semble pas avoir fait clairement la distinction.

Enfin, les textes sont émaillés par de nombreuses recettes de l’Antiquité à nos jours et enrichis de belles illustrations.

L’e-book se termine par une bibliographie, ainsi qu’une liste de livres de cuisine pertinents parus depuis l’Antiquité jusqu’au début du XXe siècle.


Tome II, Fromages, desserts et boissons de la Méditerranée

Marie Josèphe Moncorgé commence ce Tome II de la Méditerranée à table par les fruits, principalement les agrumes, les raisins et les fruits secs, dont elle retrace le parcours depuis les origines à nos jours. Parallèlement, elle examine leur usage en cuisine et leur statut diététique à travers les âges. Ensuite, elle consacre une étude comparable aux produits laitiers : laits de divers animaux femelles, laits fermentés parmi les quels les yaourts ont droit à un examen à la loupe, fromages dont sont analysées les différentes catégories ; un § est, en outre, consacré à l’intolérance au lactose.

La confiserie occupe une place privilégiée. Marie Josèphe commence par le nougat, son cheval de bataille (auquel elle a consacré un livre papier, cf. le c-r dans P@pilles-net d’octobre dernier) ; au Moyen Âge il figure parmi les « épices de chambre » (surnommées boutehors), au même titre que d’autres confiseries : pâtes de fruits, fruits confits, bonbons (en sucre tiré ou pétri) appelés alors « dragées ».

Ces confiseries sont aussi des médicaments et décrits dans le traité pharmaceutique, dit Antidotarium, du pseudo-Mesué élaboré entre les XIIe et XIIIe siècle probablement en Italie mais circulant dans toutes les officines européennes. Les sirops (syrupi) y occupent une place importante ; d’aucuns sont strictement médicamenteux, d’autres « délectables » et aromatisés notamment à la menthe, la grenade, la violette, la rose. Tout l’Occident en consomme et pas seulement la France comme le pense Marie Josèphe Moncorgé. Sirop et sorbet dérivent également de l’arabe sharab. Selon l’auteure, le sorbet aurait été introduit en France par Audiger au XVIIe siècle qui l’aurait ramené d’Italie en même temps que les eaux de fleurs ou fruits et les liqueurs. En revanche, les glaces (gelati lattiginosi) n’apparaîtraient qu’au XVIIIe siècle, toujours en Italie….

Suivent la saga du miel et du sucre ainsi que l’histoire des boissons anisées très populaires dans toute la Méditerranée. Leurs origines remonteraient à l’Egypte pharaonique. Marie Josèphe Moncorgé a fait une découverte intéressante dans le traité d’Abulcasis (médecin arabo-andalou du Xe siècle) qui, en parlant de la distillation, évoque pour la première fois l’arak. Une discours sur alcool et islam clôt le chapitre. A l’instar du tome 1, le 2 contient de nombreuses recettes de l’Antiquité à nos jours, de belles illustrations, une bibliographie, ainsi qu’une liste de livres de cuisine pertinents parus depuis l’Antiquité jusqu’au début du XXe siècle.

Concluons avec Paul Balta que Marie Josèphe Moncorgé est d’une incroyable érudition. « Erudition très alléchante, loin de l’austérité ou de l’ennui. Sa Méditerranée à table, une longue histoire commune, à la fois livre d’histoire, encyclopédie culinaire, manuel de recettes, se lit comme un roman ».

 

 

Plus de renseignements et inscription gratuite.

Nourritures extra terrestres

 

Recettes culinaires étranges  

Auteurs : Dona et René Sussan

 

Éditeur: Denoël, collection Présence du futur.

Billet de Yannick Fereng  

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Retour aux Archives de février 2015

"Œufs de Ganzer" d'Aldébaran, "Beignets saturniens", "Oignons pulpeux" de Bételgeuse et autres "Perchettes d'algues" d'Alastor...

Régulièrement, les auteurs de science-fiction, et plus précisément de Space-opéras, confrontent leurs héros avec des pratiques ou des recettes culinaires étranges, mais qui ne sont en général qu’évoquées dans le cours du récit, au même titre qu’un décor insolite ou qu’une coutume exotique.

« Et si on mettait un peu de pratique dans tout cela ? », se sont sans doute demandés en 1994 Dona et René Sussan. Ce dernier, sous le pseudonyme de René Réouven, est surtout connu pour ses polars atypiques, pastiches géniaux qui souvent puisent leur inspiration dans les coins obscurs de la littérature, ces passages peu ou pas développés par les auteurs et qui pour cette raison même constituent de puissants stimulants pour l’imagination.*

Dans les « Nourritures extra-terrestres » la science-fiction est livrée à semblable traitement à partir d’un travail de dépouillement aussi sidérant que sidéral sur un corpus d’une centaine d’œuvres représentant autant de mets, qui sont ici explicités et livrés à la curiosité du lecteur sous forme de véritables fiches cuisines intégrées dans le corps du récit (avec bien sûr des équivalents terriens pour les ingrédients, la quatrième de couverture prenant la peine de préciser que les auteurs ont testé les recettes et n’en sont pas morts !).

Si l’intérêt du roman en lui-même reste mineur, quoique plaisant (les amateurs du genre devinent assez vite sur quelle fameuse référence est basée l’intrigue), l’originalité de la démarche reste unique dans l’histoire du genre.

Une curiosité à (re)-découvrir (et à expérimenter).



*Voir ses extraordinaires « Histoires secrètes de Sherlock Holmes », où Réouven donne chair et âme aux enquêtes sans cesse évoquées, mais jamais racontées par Conan Doyle.

Précision utile : quasi introuvable, sauf… à la BnF, site François-Mitterrand, sous la cote 8- Y2- 88292 (550)

 

 

Magazine Gmag Hebdo

 

Journal d'informations comestibles  

Rédacteur en chef : Laurent Seminel  

Billet de Alain Lewinger 

 

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Retour aux Archives de février 2015

Directeur de la rédaction, Laurent Seminel, éditeur de Menu Fretin, nous livre une nouvelle version de son site remarquablement réalisé. Des interviews de chefs, des recettes mais pas que: articles sur l'évolution de la cuisine, critiques (mesurées) de certaines pratiques entre amis, annonces d'événements, voilà un joli magazine virtuel pour se tenir au courant de l'actualité culinaire.

 

Accès au site.

Le commerce du bétail charolais

 

Histoire d’une filière viande

XIXème – XXème siècles  

Auteur : Dominique FAYARD  

Editeur: Presses Universitaires de Rennes - Presses Universitaires François Rabelais de Tours. Collection « Table des hommes ». 2014 

 

Billet de Bernard LAFON  

 

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Retour aux Archives de décembre 2014

Très difficile dans l’espace imparti de rendre compte d’un ouvrage de plus de 300 pages, fruit d’un travail universitaire qui aura duré 10 ans, portant sur un aspect de l’histoire rurale peu connu, à savoir la construction d’une filière. L’étude, sur deux siècles, a pour sujet l’une des plus réputées d’entre elles : le charolais et un lieu d’excellence, le Brionnais*, dans le département de Saône et Loire, pays où l’on « cultive le bifteck » et son fameux marché de Saint Christophe en Brionnais. Singulier, le Brionnais réunit de nombreux facteurs favorables : qualité des sols, abondance et diversité des herbages (on parle de crus comme pour le vin), hydrographie et climat propices, mais aussi situations sociales particulières : le droit de clôture et la liberté de culture existaient bien avant le Code Rural de 1791.

 

Ce creuset vit naître et s’éteindre au fil du temps :  les emboucheurs qui engraissaient du bétail, acquis maigre et revendu gras, les maquignons, négociants faisant commerce de bovins, les grossistes (ou chevillards). Apparition de groupements de producteurs, de filières d’export dans la seconde moitié du 20ème siècle. Chacun étant lié à une activité dominante, mais non exclusive.

 

Ce livre, tiré d’une thèse de doctorat récompensée par la mention « très honorable », nous conte par le menu (sa lisibilité est l’un des mérites de l’ouvrage) les causes et les conséquences du passage du gras au maigre : de l’embouche, qui répondait à la demande des centres urbains et industriels au 19ème siècle, à l’élevage allaitant envoyant des bovins maigres dans des pays engraisseurs (Italie, Espagne, Grèce), les incertitudes et les crises, l’arrivée des groupements de producteurs, la création d’une filière qualité **. L’émergence de grandes sociétés exportatrices est plus récente, la SICAREV, installée à Roanne, également fournisseur de centrales d’achat (Casino, Carrefour, Auchan, Leclerc) en est un bel exemple.

 

Ces mutations, liées majoritairement à l’évolution de la demande, aux progrès technologiques et à la politique d’ensemble de la Politique Agricole Commune (PAC) ne furent pas fondamentalement bouleversantes. Ce monde agricole a gardé son caractère multiforme, où les complémentarités dominent encore, ainsi que quelques permanences, tel le marché de Saint Christophe en Brionnais, devenu un lieu de tourisme de masse, qui témoigne de la faculté d’adaptation et de renouvellement de structures anciennes (création du marché au cadran)***.

On peut cependant s’interroger sur l’avenir, l’auteure estimant que la concentration toujours plus grande de la filière met en péril le commerce du bétail, plus que jamais dépendant des fluctuations économiques où l’argent règne en maître.

L’ouvrage, grâce notamment au recours à des sources orales et à des enquêtes de terrain, obligatoire au vu de la minceur des archives imprimées, se lit comme une enquête et s’adresse tout autant aux spécialistes qu’à un public non averti. Nombreuses illustrations choisies en collaboration avec notre ami Marc COMBIER.

Un livre incontournable pour appréhender l’histoire d’une viande qui a fait et fait toujours les beaux jours de nos assiettes.

 

*Coordonnée par l’auteure, une demande d’inscription du pays Brionnais Charolais au patrimoine mondial de l’UNESCO est en cours d’élaboration.

**voir la contribution de Dominique FAYARD : « Du pré à l’assiette, l’AOC « bœuf de Charolles » : une viande typique produite dans un territoire d’exception » Papilles n° 39.

*** En 1994, le Conseil National des Arts Culinaires classe le marché parmi les 100 sites remarquables du goût en France.

 

 

Les meilleurs accords mets et vins

 

Auteurs : Catherine Gerbod & Jacques Vivet 

Editeur: First Editions 

Billet de Michel Tanguy  

 

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L’accord met et vin ? C’est la question que tout épicurien passant à table est en droit de se poser. Ce livre tente de nous guider dans une tâche des plus ardues pour qui n’a pas de connaissance en la matière.

Mais d’ailleurs qu’est-ce qu’un bon accord ? Blanc ou rouge ? Vin tranquille ou effervescent ? Une première piste à suivre, son envie du moment. Découverte, vin chic ou canaille, léger ou capiteux, sec ou liquoreux, le vin sera d’abord celui de l’instant. Accords classique ou complice, efficace ou inattendu, avec l’offre des vins AOP ou IGP, français ou étrangers, nous n’avons que l’embarras du choix, nous disent les auteurs.

Dix principes de base sont ainsi énoncés pour être sûr de ne pas se tromper. Le premier, le plus sage, adapter la puissance du vin au degré de finesse du plat. Trop puissant, le nectar écraserait le plat, trop léger il serait trop discret. Ensuite, osez l’alternance et les diversités chromatiques. Blanc et poisson ne sont pas forcément fait pour se marier. Tout comme le camembert, qui pourrait préférer un cidre bien fait, à un rouge trop tannique.

Une fois choisi, le vin devra être bien servi. C’est à dire à bonne température, parfaitement oxygéné, c’est à dire ouvert dans un délai adapté au moment de la dégustation, et surtout versé dans un verre apte à révéler les qualités de la boisson. Alors le vin d’Alsace séduira l’asperge blanche et sa sauce mousseline, le chinon rosé les crevettes marinées au sésame, le côte du Jura blanc des madeleines salées noix et Roquefort. Un plus ici, tous les plats sont suggérés avec plusieurs accords, pour que chaque buveur puisse choisir l’appellation qui lui convient le mieux.

 

 

L’alimentation au travail depuis le milieu du XXème siècle

 

Revue: Le Mouvement social

Auteurs: Stéphane Gacon, François Jarrige , Xavier Vigna, Vicky Long, François-Xavier Nérard, Ferrucio Ricciardi, Éliane Le Port,

Marie –Line Jamard .

 

Éditeur: La découverte ; revue n° 214 d'avril-juin 2014 

Billet de Suzy Viboud  

 

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Retour aux Archives de novembre 2014

Le numéro de cette revue présente 7 études de cas sur l’alimentation au travail dans les sociétés industrielles de 4 pays (France, Italie, Royaume-Uni, URSS) à des époques différentes du siècle dernier. Les auteurs présentent les diverses formes du repas sur le lieu de travail et leurs enjeux et abordent les questions de la mise en place d’une alimentation encadrée par le patronat, les diverses formes de sociabilité qui se mettent en place autour du repas pris sur le lieu de travail, la construction d’une culture ouvrière à travers des liens sociaux développés au travail, l’alimentation populaire et les discours qui lui sont relatifs, révélateurs d’un certain ordre social et politique, sans oublier le contenu de l’assiette ou de la gamelle du travailleur.

Il est difficile d’établir précisément la naissance et l’évolution de l’alimentation au travail même si elle semble assez ancienne au sein des sociétés agricoles ou des corporations de métiers. La restauration d’entreprise s’est développée avec l’accélération de l’industrialisation à partir de la Révolution Industrielle. L’instauration du repas dans l’entreprise était liée à la lutte contre la misère paradoxalement motivée par la peur du peuple et le souci de l’humain mais aussi dictée par le souci d’efficacité économique grâce à un ouvrier mieux nourri.

Les pics de fréquentation de ces espaces de restauration sur les lieux de travail correspondent aux pénuries en temps de crise ou de guerre. Le consentement de l’ouvrier à la restauration collective est étroitement lié à la distinction entre temps de guerre et temps de paix et entre régimes libéraux et totalitaires pour lesquels cette pratique alimentaire s’inscrit dans un projet global.

 

  1- L’étude des cantines et de l’alimentation ouvrière au Creusot rend compte des 3 âges du paternalisme ouvrier et montre l’évolution des rapports entre ouvriers et patrons, les différentes stratégies et formes d’encadrement de la main d’œuvre et aborde l’intervention d’un 3ème acteur, l’Etat.

 

  2- La 2ème étude de cas s’attache à la restauration collective des ouvriers en France pendant la Grande Guerre, période de transformation et d’accélération du processus qui apparaît comme un enjeu décisif. Il est en effet impérieux d’améliorer le ravitaillement du personnel des usines pour, dans le cadre de l’effort de guerre, assurer la productivité du travail et la paix sociale. L’initiative coopérative se développe pour gérer restaurants, cantines ou magasins d’approvisionnement pour les ouvriers et en même temps l’esprit coopératif est profondément modifié car la coopérative, dominée de manière écrasante par l’initiative patronale, joue désormais un rôle de prestataire de service.

La fréquentation de ces cantines reste aléatoire. Les raisons en sont l’insatisfaction sur la qualité de la nourriture, la méfiance à l’égard d’un profit supplémentaire qu’en tirent les patrons, la restriction de la consommation de vin, le besoin de détente et de liberté entre les temps de travail, le plaisir de se retrouver entre ouvriers autour de leurs propres petites « popotes » souvent partagées. L’accélération du développement des cantines sera sans lendemain et beaucoup fermeront à l’issue de la guerre.

 

  3- L’analyse des cantines d’entreprise en Grande-Bretagne dans la 1ère moitié du XXème siècle souligne leur extraordinaire multiplication durant la Grande Guerre et la poursuite de leur développement jusqu’à la 2ème Guerre Mondiale. Cela répondait au souci de préserver la santé et la vigueur de la main d’œuvre mais aussi, de la part des patrons, de repousser la législation sur l’hygiène et la sécurité au travail. La restauration collective avait également une vocation disciplinaire et contribuait à la rationalisation industrielle.

 

  4- L’étude de la restauration au travail et des questions alimentaires dans l’URSS stalinienne des premiers plans quinquennaux montre combien la croissance fulgurante de la démographie urbaine, l’afflux massif d’ouvriers et l’explosion industrielle provoquent une transformation profonde des villes soviétiques et posent des problèmes majeurs dont celui du ravitaillement au moment où l’URSS est confrontée à une pénurie alimentaire d’une extrême gravité.

La mise en place du réseau des cantines ouvrières répond à une ambition politique et théorique bien vite soumise à l’épreuve de l’urgence, du fait de la crise alimentaire qui ne permettra pas à ces cantines d’assurer leur mission. Pénurie, absence d’hygiène, dysfonctionnement voire découragement du personnel qui y travaille, absence de solutions symbolisent l’impuissance des premiers plans quinquennaux à restructurer le pays.

 

  5- Une approche de la cantine à travers le prisme du paternalisme industriel s’appuie sur l’exemple de l’usine Dalmine en Lombardie, véritable « laboratoire » et rouage de subordination et de dépendance de la population ouvrière, sous l’égide du fascisme, qui permet en même temps de mettre en place la rationalisation du travail. La cantine est l’illustration de ces enjeux tout autant politiques qu’économiques.

 

  6- La 6ème étude de cas insiste sur la place particulière donnée à l’alimentation sur le lieu de travail. Les témoignages des ouvriers sur les comportements et les stratégies alimentaires sont riches d’informations sur les lieux, les temps de repas et de pause, la nourriture et les rapports sociaux qui leur sont liés.

 

  7- Enfin, l’enquête au milieu des années 1990 sur l’alimentation durant la pause méridienne à EDF-GDF, entreprise alors encore fortement marquée par l’esprit « maison » au service du public et la fierté de cette appartenance, permet d’approcher ce qui est mis en jeu dans l’usage pratique du temps du repas.

Le réfectoire, symbole de résistance des travailleurs, également bastion de résistance aux changements structurels de l’entreprise, atteste d’une pratique socialement plus homogène et ouvrière et marque la volonté d’autonomie des salariés. La cantine quant à elle est appréciée pour sa commodité (« pieds sous la table ») et perçue comme un « entre-soi » attendu partagé entre des groupes identiques.

Quant au repas dans le bureau, pratique majoritairement féminine, il permet de recréer un espace intime sur le lieu de travail, de se mettre « hors-jeu » et apparaît souvent comme le signe d’un repli face au changement politique de l’entreprise.

Globalement, devant la volonté de la direction de standardiser le temps du repas, les pratiques du personnel sur ce temps de pause, révèlent une tendance à se tenir à l’écart ou à s’isoler ensemble.

 

 

 Les vertus santé du Chocolat

 

VRAI/FAUX sur cet aliment gourmand  

Auteur : Dr Hervé Robert  

Editeur: EDP Sciences 

Billet de Norbert Levinger  

 

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Deux ouvrages sur le chocolat sont proposés à notre gourmandise par le Dr Hervé Robert qui a publié le premier “100% chocolat” en collaboration avec Katherine Khodorowsky (2006), et le second seul “les vertus santé du chocolat”.

Le premier ouvrage revient sur la saga du chocolat, des origines mayas et aztèques, la diffusion aux cours européennes de ce breuvage magique jusqu’à ses applications médicinales. Elle précède l’industrialisation de sa fabrication qui permit sa démocratisation jusqu’à devenir la confiserie universelle d’aujourd’hui.

Ce bel ouvrage richement illustré nous fait revivre aussi tous les rituels autour du chocolat à travers les siècles, les publicités et enfin, toutes les étapes de sa fabrication depuis le cacaoyer jusqu’à la tablette fondante.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, 40 recettes autour du chocolat, certaines simplissimes pour initier les enfant à la pâtisserie, d’autres créations sophistiquées de grands chefs. Un beau livre qui donne de furieuses envies de croquer !

Le second ouvrage dans la collection “alimentation et santé” permet au Dr Robert de faire le point de façon scientifique sur les vertus et les dangers du chocolat (rassurons-nous son seul danger est l’addiction..)

Il détaille après les procédés de fabrication, la composition du chocolat, macronutriments comme micronutriments sans oublier les calories.

Les bienfaits du chocolat sont maintenant établis, en dehors du bonheur hédoniste de sa dégustation : il fait peu augmenter la glycémie, les graisses du chocolat ne sont pas toxiques, c’est du “bon” cholestérol. Ses polyphénols réduisent les radicaux libres et augmentent les anti-oxydants ; ils sont anti-inflammatoires. Consommé avec modération, le chocolat ne fait pas grossir ni ne favorise le diabète. Il contient de nombreuses substances ayant un effet antistress et c’est même un réel anti-dépresseur... le chocolat améliore la vigilance, peut-être la mémoire, c’est un aphrodisiaque léger…

Ne nous privons donc pas de ce délice, et consommons-le avec modération, mais surtout avec plaisir et sans culpabilité ! Cet ouvrage très sérieux, nous donne bonne conscience et dans notre monde d’interdictions sans cesse plus nombreuses, c'est si bon de pouvoir associer plaisir et santé.

 

 

Ni cru ni cuit

 

Histoire et civilisation de l’aliment fermenté  

Auteur : Marie-Claire Frédéric  

Editeur : Alma éditeur, 2014 

Billet de Bénédicte Cartelier  

 

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L’auteur est une journaliste culinaire (Cuisine Actuelle, Gala Gourmand) auteure de plusieurs livres de cuisine parmi lesquels Cuisine Bling Bling (First, 2008). Elle tient également un blog généraliste (www.dumieletdusel.com) dans lequel elle livre de nombreuses recettes et conseils et un blog spécialisé dans les aliments fermentés (www.nicrunicuit.com) qui est à la fois à l’origine du livre Ni cru, ni cuit, et son prolongement.

L’ouvrage de Marie-Claire Frédéric Ni cru, ni cuit. Histoire et civilisation de l’aliment fermenté, est une véritable somme sur la question. Dans la première partie, l’auteur revient sur l’origine de notre alimentation et entend démontrer l’antériorité de la fermentation sur la cuisson et sa supériorité sur tout autre mode de conservation des aliments. En outre, c’est la fermentation qui serait à l’origine du passage de la sédentarisation au néolithique. Ferment de société, ferment de culture mais aussi ferment d’humanité : partout en tout temps, la consommation d’aliments fermentés est le signe de l’appartenance à l’humanité. Pour cela, Marie-Claire Frédéric s’appuie sur une documentation solide tirée des meilleures sources ainsi qu’en témoigne une bibliographie abondante, peu usuelle dans ce type d’ouvrage. Aussi bien s’agit-il autant d’un ouvrage d’anthropologie que de gastronomie.

Plus concrète, la deuxième partie de l’ouvrage, découpée en six chapitres, décrit l’histoire des aliments fermentés par grandes catégories : les viandes, les poissons, les boissons, les céréales, les produits laitiers, les légumes et les fruits. C’est à mon avis la partie la plus intéressante, où l’on apprend notamment que le corned-beef est à l’origine du bœuf salé et fermenté apporté aux Etats-Unis au XIXème siècle par les colons irlandais avant de revenir en Europe sous la forme de la boîte de conserve trapézoïdale qui fut longtemps l’ordinaire des soldats, des détenus et des familles modestes. Des recettes du monde entier ponctuent agréablement le propos, telles celles du gravlax (littéralement « saumon enterré ») scandinave, de l’hydromel éthiopien, du porridge écossais, de la caillebotte vendéenne citée par Rabelais ou encore du kimchi (chou fermenté) coréen que j’ai eu l’occasion de goûter in situ… et que je ne recommanderais pas aux palais délicats !

La troisième partie revient sur l’origine du processus de fermentation et sa définition scientifique : « Un aliment fermenté est (…) un aliment qui a été transformé par des micro-organismes : bactéries, levures, moisissures, champignons. ». On distingue ainsi différentes fermentations parmi lesquelles le faisandage, la fermentation lactique (les yaourts mais aussi la choucroute ou le saucisson !), la fermentation alcoolique, la fermentation acétique (le vinaigre), la fermentation malolactique (le vin), la pourriture noble, la fermentation propionique (le comté, le gruyère ou l’emmental) et enfin, la fermentation butyrique (responsable du goût rance du beurre). Au-delà de ces aspects scientifiques, l’auteur souhaite surtout promouvoir les aliments fermentés qui seraient d’après elle les meilleurs atouts pour notre santé. Bien plus, elle n’hésite pas à dénoncer « l’inflexible pasteurisation du monde » qui serait liée à notre peur des microbes. Ainsi, la pasteurisation à l’œuvre dans nos sociétés depuis le XIXème siècle irait de pair avec le puritanisme au nom d’une prétendue pureté originelle. Pour autant, tout n’est pas noir et le dernier chapitre du livre, intitulé « L’irrésistible revival du fermenté », décrit les premiers indices d’un revirement en faveur des aliments fermentés : le retour au terroir, la promotion de l’umami par l’industrie elle-même, la bataille en faveur des fromages au lait cru, etc.

Au total, l’ouvrage de Marie-Claude Frédéric est savant, instructif, parfois un peu abscons mais suffisamment bien construit pour que chacun puisse y trouver son bonheur. Ce n’est pas un livre que l’on lit d’un bout à l’autre mais auquel on peut se référer grâce à un appareil critique bien conçu. On regrettera toutefois l’absence d’index de même que le manque de recul de l’auteur par rapport à son sujet : non la fermentation n’est pas l’alpha et l’oméga de l’alimentation !

 

 

L’actualité des sorties vidéos

Le jour se lève / Alien

The rover / Affreux sales et méchants / Un roi à New York / Fahrenheit / La conquête de l'espace / THX 1138 

Billet de Vincent Chenille 

 

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L’actualité des sorties vidéos, DVD et Blu-Ray peut être aussi l’occasion de découvrir ou redécouvrir des films avec des scènes ou des séquences alimentaires remarquables. Ce mois-ci, on peut noter la sortie de nouvelles éditions enrichies de deux classiques, Le jour se lève de Marcel Carné (1939) et Alien de Ridley Scott (1979).

Le jour se lève est à noter pour l’anecdote. Dialoguée par Jacques Prévert, une scène présente les ouvriers sableurs à l’usine, qui boivent du lait pour protéger leur organisme du sable ; et tout particulièrement l’ouvrier Gaston, dont le lait qu’il consomme est singulier, puisque la vache dont il a été tiré broutait essentiellement du raisin !

Plus sérieusement, Alien nous offre la scène d’indigestion la plus spectaculaire de l’histoire du cinéma. Ames sensibles s’abstenir, puisque la paroi abdominale y est perforée en gros plan. Kane, un astronaute du Nostromo a été contaminé par un parasite sur une planète. Il accouche d’un monstre, un alien, par le ventre. La fin des années 70 est encore très marquée par les mouvements féministes de la décennie, et il y a un souci d’inverser les rôles dans le film. Ainsi l’homme d’action du film est une femme, le lieutenant Ellen Ripley, et c’est un homme qui accouche. Cependant cette scène d’indigestion est annonciatrice de l’invasion qui va suivre. Les boyaux de l’astronaute sont mis en parallèle avec les boyaux d’accès du vaisseau spatial. Après avoir pris possession du corps de l’astronaute, le parasite va se diffuser dans l’ensemble du réseau de l’appareil détruisant les humains qu’il rencontre au passage. Il y a une morale alimentaire ascétique derrière cette propagation du parasite. C’est qu’avant son indigestion, les astronautes ont remarqué que Kane mangeait beaucoup. Il nourrissait le monstre en même temps que lui-même et ainsi a transmis son parasite à tout le monde. Moralité pour éviter l’invasion des aliens : une diète sévère est préconisée.

Signalons aussi l’édition vidéo de The rover de David Michôd, sorti sur les écrans en juillet et que nous avons chroniqué il y a deux mois.

Citons ensuite, pour l’anecdote, la sortie vidéo d’Affreux sales et méchants (1976) d’Ettore Scola. Situé dans un bidonville italien, le film nous montre la dégustation par le patriarche familial de son plat préféré : la queue de vache.

Plus consistante est la sortie d’Un roi à New York (1957), l’avant-dernier long métrage de Charles Chaplin. S’il n’a jamais fait de film ayant pour unique sujet la cuisine, la gastronomie, Charles Chaplin est un des rares cinéastes à avoir au moins une scène alimentaire importante dans chacun de ses longs métrages. Dans Un roi à New York, il parle de la communication autour de l’alimentation. Nous sommes en 1957, avènement de la télévision et du rock n’roll. Le niveau sonore du rock vaut une scène amusante dans un restaurant où Chaplin, alias le roi Shahdov, n’arrive pas à passer commande à cause de la musique. Le serveur ne l’entend pas, alors le roi mime ce qu’il veut : soupe de tortue et caviar. C’est un clin d’œil au grand acteur du muet qu’était Chaplin. Langage universel, le mime n’arrive cependant pas à se faire comprendre du garçon. Le rock n’roll créait alors beaucoup d’incompréhension entre les générations. Mais c’est sur la télévision que Chaplin insiste. Pour pouvoir assurer son train de vie, le roi Shahdov est obligé de faire de la publicité pour du whisky ; une publicité en direct qui tourne au burlesque, puisque le roi crache aussitôt le breuvage, le trouvant infect, alors que la caméra tourne encore. La publicité fera rire et la marque sera satisfaite des résultats. Chaplin critique le monde des médias, ses méthodes pour faire consommer n’importe quoi, mais aussi les critères de choix des consommateurs.

Autre sortie importante, celle de Fahrenheit 451 (1966), d’après le roman de Ray Bradbury, en hommage aux trente ans de la disparition de François Truffaut. Dans ce film, Linda Montag ne consomme pas d’aliments, mais des pilules et des gélules. Elle n’a pas de pathologie définie, mais soigne son humeur : elle oscille entre les tranquillisants n°8 et les pilules rouges stimulant n°2. Ces pilules ne la nourrissent pas, mais ce film de science-fiction se situe dans un monde où la faim n’existe plus et où le règlement de l’humeur ne passe plus par les aliments, mais par les médicaments. De plus, avec les travaux de la seconde moitié du XXe siècle sur l’alimentation des cosmonautes et leur transcription à l’écran (dès 1955, avec La conquête de l’espace de Byron Haskin), la gélule est apparue comme un moyen de concentrer la nourriture et de résoudre en une fraction de seconde les besoins physiologiques de la journée. Fahrenheit 451 fait passer la gélule de la table du cosmonaute à celle du quotidien. Ce que raconte le film, c’est que régler ses humeurs par les médicaments plutôt que par l’aliment étouffe la sensibilité. Le seul moment où Linda retrouve de la joie, c’est suite au lavage d’estomac dû à ses abus de médicaments. Linda redécouvre la faim et les sensations. Au reste, Linda n’est pas la seule à manger peu. Son mari Guy, on ne le voit guère que boire un verre de lait et de jus d’orange. Il ne touche pas aux fruits qui sont dans la cuisine. Il n’a pas besoin de pilules, en revanche il est pompier. Dans le futur de Fahrenheit 451, les pompiers brûlent les livres : pas de livres, pas d’états d’âme. Sans esprit didactique, le film met en parallèle la disparition et des livres et des aliments. Le film aura de l’influence, puisque cinq ans plus tard le futur réalisateur de La guerre des étoiles, George Lucas, tournera THX 1138 décrivant un futur totalitaire où hommes comme femmes ne s’alimentent que de gélules pour maintenir leur équilibre chimique.

 

Le nougat dans tous ses états

 

Une histoire méditerranéenne de confiserie  

 

Auteur : Marie Josèphe Moncorgé 

Tambao éditeur, 2014, 203 pages  

Billet de Liliane Plouvier 

 

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Marie Josèphe Moncorgé dirige un excellent site internet dédié à l’histoire de la cuisine (www.oldcook.com) et a, de surcroît, consacré plusieurs ouvrages numériques voire imprimés à celle-ci. Aujourd’hui elle nous propose une étude sur le nougat, parue une première fois sous forme d’e-book en 2013. Vu son succès, l’auteure a décidé de la présenter en version papier.

Elle nous entraîne dans un passionnant voyage à travers le temps et l’espace qu’elle présente sous la forme d’un jeu de piste. L’histoire du nougat débute à l’époque gréco-romaine. Les traités médicaux proposent différentes formules à base de miel et de fruits secs pilés ou entiers : principalement amandes et pignons, considérés comme béchiques c’est-à-dire soignant la toux. Ces ancêtres non seulement du nougat mais aussi du massepain sont rangés parmi les médicaments à lécher appelés ecleigmata en grec et electuaria en latin. Ils sont par définition destinés à soigner les affections des voies respiratoires. Durant le haut Moyen Âge, les pharmaciens arabes stimulés respectivement par les califes abbassides de Bagdad et omeyyades de Cordoue les reprennent et peaufinent ; ils les traduisent par la’uqat (du verbe la’aqa = lécher). Cependant, ces confections à la fois gourmandes et médicamenteuses entrent parallèlement dans l’office tout en étant retoilettées et en recevant une autre appellation. En Orient, elles sont baptisées natif-s. Celles de Harran, actuellement en Turquie, sont faites avec du blanc d’œuf mêlé à des amandes ou pignons voire noix ou noisettes et inaugurent les nougats blancs. Warrak (Xe siècle) en donne la recette dans son Kitab al-tabikh (livre de cuisine). En Occident (al-Andalous) la littérature culinaire des XIIe et XIIIe siècles parle de ma’qud voire faludaj.

Les confiseries pharmaceutiques arabes font leur entrée dans l’Occident latin via la voie médicale. Les médecins-traducteurs attachés à l’école de Salerne (XIe siècle) et à celle de Tolède (XIIe siècle), soit latinisent le terme scientifique arabe la’uq sous forme de looch, soit conservent les noms gréco-latins. Au bas Moyen Âge elles pénètrent à la fois dans l’office (sans quitter pour autant l’officine) et les langues vernaculaires. Marie Josèphe Moncorgé en fait une étude comparée fouillée. Dès le XIVe siècle, le Llibre de totes maneres de confits catalan décrit des turron (du latin torrere = griller, dessécher) et pinyonat ou pinyonada ; ils désignent respectivement un nougat blanc aux noisettes et des nougats aux pignons aussi bien blancs que noirs (sans blancs d’œuf).  Ceux-ci sont également attestés dans le Languedoc et en Italie :  le  

« pinhonat » apparaît dans la littérature occitane également au XIVe siècle, tandis que le pignocati/pignochati italien n’est mentionné qu’à la fin du XVe siècle dans un livre de cuisine napolitain. Nostradamus en donne une recette dans son Confiturier paru à Lyon en 1555. Le célèbre médecin astrologue affirme qu’il vient d’Italie (et non de Catalogne…). Quant au torrone italien et au « torron » franco-catalan, le premier est cité dans un texte crémonais de 1544 et le second dans le Thresor de santé (1607).

Cependant, d’autres appellations sont utilisées en Italie et en France : le nucato, un nougat noir aux noix, figure dans un traité de cuisine toscan du XIVe siècle. Nucato est à l’origine du provençal nugo, de l’italien moderne nociata et du français nougat. Celui-ci serait mentionné pour la première fois dans un ouvrage pharmaceutique édité à Lyon en 1595, puis dans le susdit Thresor de santé en même temps que le « torron » ; les « nogats&torrons » ne sont pas faits aux noix mais aux amandes (et au miel). Le texte précise que ce sont des spécialités du Languedoc et de la Provence.

En Italie, le nougat aux amandes s’appelle mandorlato qui aurait été la douceur préférée du doge de Venise (vers 1500). Enfin, la copeta, qui désigne aussi bien des nougats noirs que blancs figure dans le texte crémonais cité de 1544. Il dérive de l’arabe qubbayt mentionné dans les livres de cuisine andalousiens. La nature du qubbayt est plus ambiguë ; c’est une préparation à base de sucre/miel et de blancs d’œuf mais l’auteur (surnommé l’Anonyme andalou, XIIe siècle) ne cite aucun fruit sec. On ne peut toutefois en tirer aucune conclusion pertinente car le manuscrit en question est défectueux.

L’étude de Marie Josèphe Moncorgé ne s’arrête en si bon chemin. Elle examine non seulement les différentes recettes modernes mais poursuit ses recherches au-delà des Balkans : elle nous entraîne de Turquie jusqu’en Extrême Orient via les pays du Maghreb et du Machrek …

Cette étude particulièrement instructive et appétissante mettra sans aucun doute l’eau à la bouche de tous amateurs de nougat et de bonne chère.

Elle est en vente directe chez l'éditeur : http://www.tambao.fr/pages-nougat

 

 

ENCORE DES NOUILLES

 

Chroniques culinaires  

Auteur : Pierre Desproges

Textes présentés par Élisabeth de Meurville 

Editeur : Les Échappés 

Billet de Alain Lewinger  

 

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Jubilatoire !

Toujours mort mais encore vivant dans nos esprits et nos cœurs, Desproges sait nous secouer le ciboulot pour nous contraindre à le suivre dans ses mondes merveilleux de délires et d’absurdités où l’on se fend la gueule.

Voilà bien longtemps que je n’avais autant ri, le nez dans un bouquin.

À travers ces chroniques culinaires publiées dans la très sérieuse revue Cuisine et Vins de France, agrémentées d’extraits de différents sketchs publics ou radiophoniques (on a évidemment une pensée pour Claude Villers, ancien président des BG et du Tribunal des flagrants délires où Desproges officiait comme procureur), nous retrouvons toute la verve d’un comique à jamais immortel.

Je ne résiste pas à l'envie de citer ce conseil d'une grande profondeur : ne refusez pas à votre bouche ce que vous accordez à vos fesses (extrait de la page 101, si vous la trouvez…)

 

 

Sociologie de l'alimentation

 

SOCIOLOGIES DE L’ALIMENTATION  

Auteur : Jean Pierre POULAIN  

Editeur: Presses Universitaires de France -2002 

 

Billet de Bernard Lafon  

 

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Constat de l’auteur : la fonction structurante de l’alimentation dans l’organisation sociale d’un groupe humain rencontre inévitablement le regard sociologique. Il ambitionne donc de faire l’état des lieux, non point de la sociologie, mais des sociologies de l’alimentation, tant les pratiques alimentaires questionnent l’ensemble du corpus constituant de celle-ci.

Au fil des pages et des chapitres, nous retrouvons des thématiques bien connues du public :

mondialisation, délocalisation et relocalisation, lieux de résistance identitaire, pratiques du culinaire dans la sphère publique et privée, auxquelles s’ajoutent des développement très stimulants sur ce que l’on pourrait appeler « penser le manger » et ses différentes écoles.

Ainsi, la gastro-anomie de Cl. FISCHLHER, caractérisée par trois phénomènes concomitants : une situation de surabondance alimentaire, la baisse des contrôles sociaux et la multiplication des discours sur l’alimentation.

La perspective fonctionnaliste : le repas comme institution, jouant un rôle fondamental dans la transmission normative, développée par E.DURKHEIM, M.MAUSS, M.HALBWACHS. L’anthropologie des techniques, où l’alimentation sous l’angle des techniques de consommation initiée par A.LEROI-GOURHAN. L’approche culturaliste qui pointe la très grande diversité des formes et des techniques alimentaires (R.H.LOWIE, M.MEAD).  La perspective structuraliste ou  

« …l’alimentaire, la nourriture et surtout la cuisine deviennent dans la réflexion de Cl.LEVI STRAUSS un élément aussi fondamental que l’analyse des institutions qui entourent et structurent la sexualité ».

L’obésité, la consommation des ménages, la sociologie du mangeur. Rien n’est oublié ou presque. On s’arrêtera plus longuement sur le chapitre « la sociologie de la gastronomie française », l’auteur distinguant préalablement l’alimentation de la gastronomie qualifie cette dernière …

« comme un « fait social » de première importance pour saisir l’originalité de la société française et son organisation ». Il souligne sa complexité, s’interroge longuement sur le « pourquoi la gastronomie est-elle française ? », essaie d’en discerner les racines en mettant à contribution Max WEBER et son école et nous apporte une réponse combinatoire appelant pour le moins le débat qu’il n’est pas possible d’engager ici. Le livre s’achève sur un essai de définition d’un

« espace social alimentaire » comme outil privilégié pour l’étude des modèles alimentaires.

La conclusion insistera sur la détermination des sciences de l’alimentation, condition pour l’auteur de l’émergence d’une véritable sociologie des sciences de l’alimentation, où sciences dites « dures » et sciences dites « molles », devenues productrices de contenus alimentaires, rendent possible une sociologie enfin unifiée reléguant au vestiaire les sociologies, pierre angulaire de l’étude.

 

Ouvrage de 278 pages, dont 28 pages de références bibliographiques, qui sait aller à l’essentiel parmi les nombreux exégètes de la « pensée alimentaire ». C’est une intéressante contribution à la culture gourmande.

*Jean Pierre POULAIN est professeur de sociologie à l’Université de Toulouse Le Mirail. Il co-anime entre autre le Comité de recherche : Sociologie et Anthropologie de l’alimentation, de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF).

 

 

La cuisine des tranchées

 

L’alimentation en France

pendant la Grande Guerre  

Auteur :  Silvano Serventi

Editions Sud Ouest, 2014

Billet de Bernard Lafon 

 

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Parmi les grandes batailles de 14-18, celle de l’estomac ne fut pas la moins importante. Souterraine et lancinante, elle attaquait et contre-attaquait tous les jours, au front comme à l’arrière. Il fallait, pour les uns, se nourrir pour se battre et se battre pour se nourrir, se débrouiller et faire avec pour les autres, soi-disant les moins exposés, quoique dans les zones occupées par les forces ennemies, la vie quotidienne ressemblait fort à celle de nos poilus.

Semblables au légionnaire d’Auguste au temps de la Pax Romana, les soldats emportaient au début du conflit le casse-croûte pour 2 jours. Très vite, la guerre de position amena l’adoption d’une révolution technique (déjà en usage de l’autre côté du Rhin) : la roulante. Cuisine de proximité, elle permettait un (très) relatif équilibre des repas que de courageux combattants de l’ombre « les ravitailleurs » portaient au péril de leur vie à leurs copains restés en première ligne. On découvre une intendance très organisée, capable de fournir des millions de repas quotidiens, y compris des repas hallal aux nombreuses troupes coloniales dont la grande majorité était de confession musulmane.

Bien sûr, il y avait la table des officiers, la table des beaux quartiers parisiens, à cent lieues souvent de l’ordinaire des sans-grades, choquante pour beaucoup. Difficile d’abandonner ses habitudes quand on est de la « Haute » disaient certains. Heureusement, à l’arrière, la table des paysans maintenait une « solidarité alimentaire » en assurant une continuité dans la frugalité avec celle des gars de l’avant.

On invente des recettes, on établit des menus, on chasse entre deux offensives, on « mange une bouchée » parmi les cadavres déchiquetés par les obus que l’on ne peut ensevelir, on met au point des procédés de conservation qui feront la notoriété et la fortune de certains (les sardines le Connétable, les pâtés Hénaff par exemple). Soulignons le rôle majeur de la congélation qui, à travers les bateaux frigorifiques, principalement anglais et américains, assurera la continuité de l’approvisionnement en viande des armées et du pays.

Toutefois, puisque « à quelque chose malheur est bon » dans ce monde de sang et de douleur, beaucoup découvrent d’autres aliments : le vin pour les bretons, les fromages de pays, le camembert, les richesses des régions de France à travers les colis des compagnons de misère partagés et dégustés avec gourmandise. La guerre a ouvert un nouvel horizon culinaire et bouleversé les pratiques alimentaires des campagnes. L’auteur, avec une écriture concise et une parole engagée, nous apprend beaucoup de choses sur le quotidien des consommateurs, militaires ou non.

Impossible de conclure le propos sans évoquer le Père Pinard, pour lequel on mit au point le wagon citerne et qui reçut moult hommages durant le conflit. Certes on buvait sec : officiellement ½ litre de rouge par jour et par homme, mais on pouvait « cantiner » la gnole, sans trop compter lors des moments « chauds ». Malgré tout, le problème majeur n’était pas de contenir l’ivresse, c’était celui de l’approvisionnement en eau*, autre souffrance qui s’additionnait aux autres.

Le livre refermé, on se surprend à murmurer le refrain de la Chanson de Craonne :

 

        "Adieu la vie, Adieu l’amour,

Adieu toutes les femmes.

C’est bien fini, c’est pour toujours,

De cette guerre infâme. …"

A lire pour son regard original et sans concession.

 

*« Salut Pinard de l’Intendance, qu’as l’ « goût d’trop peu » ou l’ « goût de rin »…tu vaux pas mieux qu’ta sœur la gnole qu’les Riz-Pain-Sel, is vous mélangent avec l’eau d’eun’mare à canards…Mais qué fair ?...la soéf nous démange…

 (L’Ode au pinard, Marc Leclerc, du 71eme R.I.T.Septembre 1916. Pour l’intégralité, avec orthographe rectifiée, voir : www.cepdivin.org).  

Manger au Maghreb


 

Horizons maghrébins

n° 55 / 2006, n° 59 / 2008

et n° 69 / 2013  

Sous la haute direction de Mohammed Habib Samrakandi et Mohamed Oubahli, 

Editeur: Presses universitaires du Mirail,

Université de Toulouse-Le Mirail  

 

Billet de Lilane Plouvier.  

 

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La revue Horizons maghrébins a consacré trois numéros illustrés aux pratiques de table en Méditerranée occidentale du Moyen Âge à nos jours sous la haute direction de Mohammed Habib Samrakandi, rédacteur en chef de la revue, et sous la responsabilité scientifique de Mohamed Oubahli, docteur de l’EHESS et spécialiste de l’histoire de l’alimentation dans le monde arabo-musulman et en Méditerranée. Le dernier n° (69) vient de sortir.

Le premier n° (55), paru en 2006 et introduit par Jean-Pierre Poulain, débute par un intéressant dossier sur les transferts culturels entre Orient et Occident, dans lequel est souligné le rôle joué par les Maghrébo-Andalous. C’est ainsi que, dès le Moyen Âge, les pâtes (Mohamed Oubahli) et les confiseries (Liliane Plouvier) voyagent de Bagdad à Cordoue et, ensuite, dans le reste de l’Europe. Il en va de même de la médecine et diététique (gréco-)arabes d’Orient (Mohammed Benkheira), ainsi que du thé qui arrive toutefois plus tard (de Chine) et deviendra un symbole de marocanité (Baptiste Buob). Par ailleurs, Mohamed Houbbaida et Virginie Prévost se penchent sur les interdits liés à la consommation de vin et de chien. Retenons encore l’article de Driss Boumegoutti sur le rôle joué par la cuisine dans la dynamique touristique marocaine actuelle. Citons, par ailleurs, les éclectiques contributions de Nozha Smati, Bernard Vallez, Frida Haddad, Lucette Heller-Goldenberg, Rached Lakhal, Mohamed Monkachi, Pierre-Yves Pécheux et Patrick Rambourg.

Le n° 59 (2008) débute par un vibrant hommage rendu par Georges Carantino à Jean-Louis Flandrin. Mohamed Oubahli ouvre le feu en présentant la suite de son travail sur les pâtes au Moyen Âge ; il se focalise sur les espèces arabo-berbères et la manière dont celles-ci se diffusent en France et dans le monde italique. Avec Mehdi Ghouirgate, on ne quitte pas le Moyen Âge ; il nous transporte sous le règne des Almohades, dont la subtile politique de dons alimentaires est examinée. Suivent une série de contributions très diverses abordant aussi bien les aspects historiques, anthropologiques, ethnologiques que religieux des pratiques alimentaires dans le Maghreb (Houria Oularbi Abdennebi, Sofia El Mokri, Paul Boubli, Geneviève Cazes-Vallette, Mohamed Dhifallah, Agnès de Féo). Le Mali (Monique Chastenet) et l’Empire ottoman (Frédéric Hitzel) sont également mis à l’honneur. De plus, Mohamed Habib Samrakandi donne une édition arabe parfaitement originale du poème gastronomique, Zarda ou le festin des poètes chanteurs de Ben ‘Ali al-Mesfiwi. Mohamed Oubahli en livre non seulement une traduction française (avec Abdelatif Ben Salem), mais procède en outre à une analyse historique approfondie de tous les mets cités. Celle-ci a demandé de longues recherches dans des textes et documents parfois très anciens. Mohamed Oubahli n’hésite pas à remonter jusqu’aux temps pharaoniques. Enfin, signalons des essais sur l’art distillatoire en al-Andalous (Liliane Plouvier) et sur les épices dans la cuisine marocaine (Jamal Bammi).

Last but not least, le n° 69, le dernier de ce dossier, est sorti au printemps de cette année. Comme l’indique son titre « Le goût de la viande », il se concentre sur l’alimentation carnée. Une vingtaine d’auteurs y ont contribué qui proviennent d’horizons divers. Il s’agit donc d’études multidisciplinaires, comme c’était déjà le cas dans les précédents numéros. Le n° 69 est divisé en six chapitres. Le premier, intitulé Le choix des viandes au Moyen Âge, comporte un article de Marianne Brisville, d’où il ressort notamment que les gourmets de cette époque témoignent une préférence pour la volaille, le mouton et les abats. Ces derniers font l’objet d’une étude spécifique réalisée par Mohamed Oubahli qui met notamment en exergue la h’rgma, un mets emblématique de la cuisine marocaine, fait généralement de pieds, de pois chiches et de céréales.

Le chapitre suivant, Le goût de la victime, débute par un papier sur l’aïd el-kebir au Maroc, en Mauritanie et au Sénégal d’Anna-Marie Brisebarre. Ensuite Houria Oularbi Abdennebi se penche sur une vieille tradition amazigh (berbère) du sacrifice communautaire, tel que celui-ci a été pratiqué en 2010 dans un village kabyle du Djudurja : le timecredt dont les origines remontent à la nuit des temps. A cette occasion, les villageois procèdent au sacrifice des bœufs qu’ils se partagent sur des bases égalitaires. L’abattage des bovins en France est étudié par Geneviève Cazes-Valette. Les spécificités de l’abattage rituel et de l’abattage conventionnel sont passées au peigne fin, ainsi que les controverses que ceux-ci suscitent.

De la ferme à l’étal comporte trois études. La première consacrée aux boucheries à Tunis au XIXe siècle contient une intéressante description de l’ensemble du paysage alimentaire de la ville à cette époque (Rachel Lakhal). Les deux autres études dressent un tableau de l’évolution de l’alimentation carnée dans le Maroc contemporain. Celui-ci passe d’une économie d’élevage artisanal à un système agro-industriel qui est guidé par des considérations strictement mercantiles. Avec ses méthodes de production intensive et ses pratiques douteuses, il tue les petits producteurs, empoisonne les bêtes, la terre et, en bout de chaîne, les consommateurs. Ainsi, Mohamed Taher Sraïri constate que le Maroc qui a longtemps été fidèle au régime méditerranéen d’essence végétarienne et fondé sur les céréales, les légumes et l’huile d’olive, accorde désormais une importance grandissante à l’alimentation carnée. Les volailles (poulets, dindes) et la viande bovine connaissent un essor sans précédent, mais c’est au profit des productions industrielles. Pour leur part, Saïd Chatibi, Abdelilah Araba, François Casabianca et Thierry Linck remarquent que, jusqu’à la fin des années 70, le cheptel local fournissait environ 95% de la viande bovine consommée au Maroc. Depuis lors, des génisses sont importées massivement d’Europe, au détriment à la fois des élevages autochtones et de la qualité de la viande.

Le marché de la fumée débute par un appétissant article sur la kefta du Garb dont les modes de fabrication sont en pleine mutation, la tradition artisanale faisant ici encore place à l’industrie. Driss Boumegoutti regrette les bonnes kefta-s d’antan consommées dans la gargote du kfayti, où règne une ambiance chaleureuse et conviviale, dont les femmes sont toutefois exclues…

Vient ensuite une étude intitulée Les maîtres de feu et de la vapeur dans laquelle Mohamed Ouhbali et Mohammed Habib Samrakandi décrivent l’art de la rôtisserie traditionnelle à Marrakech. Ils l’ont divisée en deux parties. La première analyse le procédé d’apprêt du mouton et sa cuisson dans un four spécial, l’farran-l-baldi (four du pays). C’est une structure en forme tronconique, entièrement enterrée et fermée ; les ovins y sont suspendus et cuits à l’air chaud et humide, autrement dit à l’étouffée. Dans la seconde partie, les auteurs font l’historique de ce four, tout en le comparant à d’autres structures de combustion : le four vertical ou tannour, la cuisson sous la cendre, les fours dits de terre ou enterrés. L’étude est illustrée par plusieurs photographies éloquentes.

Dans le chapitre suivant, Cuisiner la viande, l’art et la manière, on trouve deux articles portant sur deux mets gastronomiques : le sikbaj (Liliane Plouvier) et la t’faya (Mohamed Oubahli). Leurs jalons sont posés en paléo-Babylonie. Ils entrent ensuite dans la cuisine gréco-romaine pour se retrouver en Perse. Cependant, les recettes perses sont publiées dans les livres de cuisine et de diététique arabes du haut Moyen Âge oriental tout en étant parallèlement arabisées. Néanmoins, elles paraissent sous leur noms perses respectifs : sikbaj (= préparation au vinaigre) et isfidhbaj (= préparation blanche). Ceux-ci figurent aussi sur les tables festives d’al-Andalous quoique l’ isfidhbaj y soit appelé t’faya. Le sikbaj disparaît progressivement, du moins sous cette appellation. Un de ses modernes avatars est la muruziya maghrébine. Sikbaj est, par ailleurs, à l’origine d’escabèche. Quant à la t’faya, elle subsiste toujours au Maroc et comporte, outre de la viande, oignons, amandes et œufs ; de même, son cousin oriental transposé par espid-ba survit en Iran, mais y désigne un potage blanchi au yaourt.

L’avant-dernier chapitre, Mémoire des lieux, mémoire des mots, comporte cinq papiers. Le premier relate les propos recueillis par Mohamed Habib Samrakandi et Mohamed Oubahli d’un boucher de Marrakech, Moulay Driss Idrissi Chafik ; leur importance est capitale en raison de l’absence de travaux ethnographiques et historiques en la matière. Le deuxième décrit brièvement la chorba de la mère Zohra, qui est enrichie des petites pâtes qu’elle roule du bout des doigts sur un van en osier (El Mehdi Chaïbeddera). Suivent une bibliographie étable par Mohamed Oubahli, ainsi que deux petites anecdotes consacrées à la viande (Mohamed Nedali et Youssef Haji). Un intéressant cahier de photographies illustrant les textes clôt le dossier alimentaire du n° 59.

 

Après avoir dégusté les délicieuses et éclectiques nourritures spirituelles distillées par la revue Horizons maghrébins dans son excellent triptyque Manger au Maghreb, le lecteur mis en appétit pourra passer de la théorie à la pratique dans les nombreux restaurants maghrébins qui fleurissent partout, à moins qu’il n’ait envie de mettre la main à la pâte et se préparer une bonne petite t’faya dont Mohamed Oubahli donne plusieurs versions alléchantes. Par conséquent, bonne lecture et bon appétit !!

 

L'assiette du Touriste

 

Le goût de l’authentique  

Sous la direction de Jean Yves Andrieux et Patrick Harismendy.  

Presses Universitaires de Rennes –

Presses Universitaires François Rabelais de Tours. Collection « Table des hommes »*. 2013.

 

Billet de Bernard Lafon.  

 

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Le questionnement : quelle place l’aliment occupe –t-il dans le voyage ? Il va du nécessaire au plus élaboré pour le voyage dit gastronomique mais il peut glisser de l’un à l’autre et réciproquement.

De même, les cuisines voyagent, se métissent, s’adaptent, se transforment et participent à la construction d’identités nationales ou régionales. Elles s’invitent à la table des touristes, influencées par la géographie et l’environnement des lieux où elles se posent.

Ces paysages gastronomiques sont donc marqués par les productions, leur « être culinaire » et le façonnage de l’industrie touristique en quête de patrimonialisation alimentaire, se voulant tourner le dos aux territoires « macdonalisés » qui d’ailleurs ne rechignent pas franchement à s’adapter aux cuisines régionales établies.

Afin de dresser un état des lieux de la question, la vingtaine de contributions nous invite à cheminer, du 18ème au 20ème siècles, à travers quatre champs de recherche :

- Les produits, en fouillant la littérature commerciale du 18ème siècle, base de la découverte des richesses culinaires pour les touristes des siècles suivants, en exposant le devenir d’un aliment de prestige : la prune de Brignoles, qui participe au renom de la Ville. Examen de la migration de la culture du sarrasin dans l’ouest de la France, supplantée à la fin du 19ème en Normandie par le bocage, le lait, le beurre et qui devient un symbole fort de la Bretagne à travers crêpes et galettes. l’exemple corse où l’alimentaire (les produits miroirs) peut se conjuguer avec la gastronomie, le tourisme et l’identitaire.

- Le repérage de l’identité : l’Arménie et le goût de l’authentique avec le vin, le pain, l’abricot, la mutation du taboulé, à cheval sur trois traditions culinaires : française, libanaise et maghrébine, la sardine en boîte, bien adaptée aux voyages, consommable sous tous les climats, mais aussi expression des traditions régionales, donc vu comme gage de qualité et trait d’union de la diaspora bretonne, tout comme la crêpe la galette et la saucisse.

- La représentation, appelée mise en scène par les auteurs, à travers les guides de voyage, la carte postale, l’exposition internationale de Paris de 1937 : 27 pavillons avaient été regroupés pour former un village des régions où la gastronomie est fortement présente. Idem pour les illustrés pour la famille et l’enfance qui abondent en images de repas tandis que les histoires qu’ils contiennent mobilisent des menus et les plats préférés des contemporains, en tant qu’éléments structurants du récit.

- Dernier champ, l’authenticité : la feijoada, ragoût fait de haricots noirs et de viande de porc, vecteur de l’identité nationale brésilienne, composée de trois origines : indigène, blanche et noire, chacune se retrouvant dans cette préparation. A contrario, le savoir faire des restaurants de Hanoi, agrées par les autorités, qui adaptent au tourisme les recettes traditionnelles en modifiant très sévèrement l’usage des épices et en adoptant le triptyque : entrée/plat/dessert.

Insolites, les routes gourmandes du Québec qui valorisent des produits transformés comme le vin, le fromage, le cidre mais aussi les pratiques de transformation qui leur sont attachées. L’emblématique Pays Basque où gastronomie et produits locaux sont de puissants moteurs d’un sentiment d’appartenance à une identité commune.

 

Ces études de cas, denses et diverses nous exposent in fine la complexe et fragile construction des patrimoines immatériels. Elles sont autant de voyages/découvertes en gourmandise qui amènent nos auteurs à une conclusion sans appel : « l’authenticité d’une cuisine est au patrimoine ce que la pureté est à la race…Si les gastronomies appartiennent aux traditions, alors elles se recyclent, se transforment et l’authenticité n’est qu’une somme d’apports et d’emprunts »**.

On s’en doutait un peu. Encore fallait-il en faire la démonstration, voilà qui est fait et bien fait.

 

*Actes du 2ème colloque international et pluridisciplinaire consacré au tourisme, qui s’est tenu à Saint-Brieuc en juin 2012.

** Sur les emprunts, voir aussi l’exemple de la pasta dans le n° 40 de « Papilles ».

L’acide, neuf portraits d’assiettes.

 

 

Les saveurs sont-elles plus de quatre ?  

Auteur : Bénédict Beaugé 

Editeur: Argol  

Billet de Alain Lewinger.  

 

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Bénédict nous livre un savoureux opuscule sur la cuisine « acide » de son ami Michel Troisgros, cuisinier à Roanne.

Après une explication générale, originale sur l’acidité en cuisine, allégrement comparée à des partitions musicales ou à des couleurs, toutes à la fois douces et fulgurantes, l’auteur décrit avec précision, subtilité et humour les diverses sensations détectées lors de la dégustation minutieuse et professionnelle de 9 plats qui lui furent servis en face de la gare de Roanne.

Pour moi qui en avais mangé quelques-uns, cet ouvrage est une leçon sur l’art de déguster et d’apprécier les infimes subtilités qui font d’un plat cuisiné, une œuvre.

A tester sur place bien sûr, livre en main, ce que je ne manquerai pas de faire au cours des prochains mois.

 

L’artification du culinaire

 

Sociétés & Représentations

n°34, automne 2012  

 

Auteur : Evelyne Cohen et Julia Csergo 

Editeur: Publications de la Sorbonne 

 

Billet de Marie-Claude Maddaloni.  

 

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La revue Sociétés & Représentations consacre le dossier du n°34 à l’Artification du culinaire. Une fois surmontée, la désagréable impression que me donne l’emploi de ce barbarisme, artification, j’aborde la lecture de ce dossier dont l’objectif est d’étudier « les rapports existants entre l’art esthétique et la cuisine » et d’ouvrir des pistes « à la complexité de la question de l’artification du culinaire et à la nécessité d’une approche pluridisciplinaire ».

 

Julia Csergo, dans son article, L’art culinaire ou l’insaisissable beauté d’un art qui se dérobe, relève quelques jalons historiques dans la grande période qui va du XVIIIe siècle au XXIe. C’est ainsi qu’elle pose la question du « beau » en cuisine en se référant à l’article « goût » de l’Encyclopédie « dans lequel Jaucourt pose sur le même plan le goût pour la musique, pour la peinture ou les ragoûts ». C’est aussi à cette période que voit le jour « le clavecin des saveurs » de P. Poncelet sur lequel le compositeur et claveciniste André Grétry écrit, en 1797 : « On nous dit aussi qu’il existe un clavecin des saveurs […] Quel plaisir il y aurait pour un gourmand de préluder sur un pareil clavecin ! ». Aujourd’hui, « nombreux sont les grands chefs étoilés qui […] définissent leur cuisine et leur démarche créatrice à travers la métaphore de la peinture ». Alain Passard se veut « l’intermédiaire entre la nature et l’homme » et fait ainsi du cuisinier « une autre figure du mage romantique ».

Mireille Vincent-Cassy dans son article, La première artification du culinaire à la fin du Moyen Âge, analyse « l’importance des préoccupations coloristes et des artifices nécessitant une haute technicité » dans les recettes des cuisiniers des rois. Ces préoccupations coloristes répondent à un grand principe du temps qui est que « le bariolé dans le vêtement comme dans la cuisine introduit du désordre dans l’harmonie divine » ce qui n’empêche pas, par ailleurs, le cuisinier de « faire croire que le déguisement est la réalité » comme l’oie qui se déguise en paon ou la pièce de bœuf en ours. « C’est riche, c’est beau, donc c’est bon comme l’affirme Le Ménagier de Paris » [1393].

Dans son article, Yeux ouverts et bouche affamée : le paradigme culinaire de l’art moderne (1850-1880), Frédérique Desbuissons s’intéresse aux mouvements de l’art moderne en quête « d’un réalisme débarrassé des lieux communs…véhiculés par l’enseignement académique ». Loin de la gastronomie des tables parisiennes du Second Empire, la cuisine, comme la peinture, « à l’artifice, oppose le naturel ». Au travers des auteurs du groupe réaliste, comme Champfleury ou Courbet, de l’œuvre de Manet, on voit se développer « des motifs alimentaires qui valorisent un régime qui est la négation même des préparations compliquées et coûteuses dont s’enorgueillissait alors la France impériale ».

Dans son article, L’esthésique et l’esthétique, la figuration de la saveur comme artification du culinaire, Jean-Jacques Boutaud pose la question essentielle qui conduit sa réflexion : « Comment représenter la saveur ? Comment dire et figurer le goût ?...Comment concevoir et articuler les relations entre esthésie (sensations), esthétique (formes) et éthiques (valeurs) quand elles travaillent à représenter la saveur ? ».

 

Bénédict Beaugé s’intéresse, dans son article, Cuisine potentielle en puissance : l’Oucuipo, à la création, en 1990, à partir de l’Oulipo –l’Ouvroir de littérature potentielle- d’un groupe-fils, l’Oucuipo, qui n’a jamais compté que 2 membres mais davantage d’adeptes (sans qu’ils le sachent) et dont l’objectif était « une sorte d’hybridation de la cuisine avec la littérature et même, souvent, la plus exigeante, la poésie ».

Les douceurs du Japon, évocations éphémères de la « Beauté japonaise » (Nihon no bi), associées à la cérémonie du thé, constituent pour Sylvie Guichard-Anguis « une introduction à une esthétique, un univers littéraire, une évocation des pratiques célébrés au Japon ». Sylvie Guichard-Anguis nous fait ainsi découvrir l’histoire empreinte de rites des wagashi.

Trois autres articles complètent ce dossier, L’artification du culinaire par les expositions (1851-1939) de Denis Saillard ; Colors of caviar : le restaurant étoilé comme espace de représentation artistique de Jean-Philippe Dupuy ; Art et magie de la cuisine : la cuisine du Grand Véfour à la télévision ? de Évelyne Cohen.

Un dossier passionnant qui ouvre des pistes de réflexion inédites sur le « statut artistique de la cuisine ».

 

Tables des riches, tables du peuple

 

Gastronomies et traditions culinaires en Provence

du Moyen-Âge à nos jours

 

Auteur : Sandrine Krikorian 

Editeur: Jean Marie Desbois - geneprovence 

 

Billet de Suzy Viboud.  

 

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Sandrine Krikorian n’a pas souhaité s’en tenir à une chronologie des gastronomies provençales ou à un livre de recettes (qui en propose quand même quelques unes dont la brandade de morue et l’incontournable aïoli par Frédéric Mistral) mais plutôt aborder leur évolution au cours des âges et leurs variantes selon les lieux et les milieux sociaux.

Elle souligne également la dimension patrimoniale de ces gastronomies et traditions culinaires et s’appuie essentiellement sur les lieux et musées provençaux qui en témoignent incitant le lecteur à les découvrir. Ce sont le château de Tarascon (repas médiéval à la cour du Roi René), à Marseille, le Musée des Arts Décoratifs de la faïence et de la mode et le Musée Grobet-Labadié (tous deux pour les tables des aristocrates et de la bourgeoisie), le Musée du terroir marseillais de Château-Gombert (art et traditions de la Provence marseillaise), le Museon Arlaten d’Arles (culture rurale et urbaine du « Provençal moyen »)

 

La période médiévale est principalement évoquée à travers le banquet, rituel fondé sur un protocole au centre duquel se trouve la religion avec, à la fin du Moyen-Âge, l’amorce d’une évolution qui met le prince au centre des cérémonies et qui le valorise à travers la représentation théâtrale, le rituel se maintenant selon le modèle chrétien.

Le banquet médiéval est un repas ponctuel à portée politique, c’est aussi le moment de représentation de la hiérarchie où l’on met en avant la richesse de celui qui le donne, où le placement des convives obéit à des règles hiérarchiques, les mets étant différents selon la place que l’on occupe à la table, le mieux étant bien évidemment le plus près de l’hôte. Son déroulement comporte déjà des caractéristiques du service à la française qui sera codifié sous le règne de Louis XIV et se poursuivra jusqu’au XIX siècle. Il comportait jusqu’à huit services, le service du rôt étant central, consistant en des viandes rôties les « jours gras » et des poissons, les « jours maigres ».Les entremets s’inséraient entre les services permettant divertissements et discussions.

La classification des aliments correspondait à un principe hérité de l’Antiquité, « la chaîne de l’être » reposant sur l’idée de verticalité de l’univers, Dieu se situant en haut, et sur les éléments (feu, air, eau, terre) empilés de façon concentrique autour de la terre. D’où la différence de valeur entre un arbre fruitier qui s’élève dans l’air et une rave qui pousse dans la terre, de même entre un volatile et un porc.

La vaisselle, bien évidemment, était un élément important contribuant au faste du repas même si le partage du couvert (écuelle, verre) s’est pratiqué jusqu’au XVIIème siècle.

 

Sandrine Krikorian, se réfère essentiellement au Musée des Arts Décoratifs de la faïence et de la mode et Musée Grobet-Labadié pour évoquer les tables provençales de l’Ancien Régime. Elle aborde l’histoire de la céramique provençale particulièrement réputée aux XVIIème et XVIIIème siècles (faïences moustériennes et marseillaises).Louis XIV encourage l’usage de porcelaine (table royale) et de faïence (tables de l’aristocratie et de la bourgeoisie) en raison des fontes de la vaisselle d’or envoyée à la Monnaie, pour remplir les caisses de l’Etat vidées par les guerres.

Des innovations naissent alors dans les accessoires de table comme dans les mets. Le couvert s’individualise et des couverts de service apparaissent.

 

Les repas de fête provençaux sont rythmés par les fêtes liturgiques et composés de plats correspondant à des traditions culinaires. Religion et coutume païenne, foi chrétienne et superstition s’y trouvent souvent mêlées. La fête de Noël est prépondérante, fête familiale avec le « gros soupa » de la veillée et le « cacho-fiò », rituel autour de la bûche.

Quant à la cuisine quotidienne des Provençaux, elle a connu bien sûr une évolution du Moyen-Âge à nos jours, avec des variations d’un endroit à un autre.

> Au Moyen-Âge le pain était la nourriture de base (blanc, méjan, complet), fruits et légumes du jardin complétaient ainsi que le poisson et la viande dont la consommation à la fin du Moyen-Âge était plus importante qu’à l’époque moderne. La façon de la cuisiner variait selon les classes sociales, rôtie chez les riches, bouillie avec des légumes chez les plus pauvres. Les vins rouge et rosé arrosaient le tout. Aubergines, tomates, artichauts font leur apparition à la fin du XVème. L’huile d’olive était utilisée pour la cuisson de certains mets mais l’apogée de l’olivier ne se situe qu’à la fin du XVIIIème. La trilogie blé/vigne/olivier, caractéristique de la cuisine provençale d’aujourd’hui n’est pas attestée pour le Moyen-Âge.

À partir du XIXème, apparaissent des livres de cuisine provençale, dont le fameux ouvrage de Jean-Baptiste Reboul « La Cuisinière provençale ».

> Aux XIXème et XXème siècles, les repas quotidiens comportaient certaines spécificités selon l’activité ou le métier (ouvriers de Marseille, moissonneurs), leur nombre variait aussi en fonction de l’heure d’embauche pour l’ouvrier, de l’horaire, du lieu de travail. Les moissonneurs prenaient jusqu’à 5 repas dans la journée commencée par le « tue-ver », qui, on l’aura compris, consiste en un verre d’alcool fort.

 

Le  Museon Arlaten et leMusée du terroir marseillais proposent des reconstitutions et maisons de poupée qui permettent de se représenter à quoi ressemblait, au XIXème et XXème, une cuisine provençale, lieu de préparation des repas et cœur de la maison.

 

L’ouvrage de Sandrine Krikorian s’achève sur l’évocation des fêtes actuelles qui, dans divers villes et villages provençaux, permettent à ces gastronomies et traditions culinaires de perdurer. En annexe, notons le rapide historique de la Manufacture de faïence marseillaise de la Veuve Perrin, qui n’aurait pas eu une telle importance sans la remarquable personnalité de Pierrette Candelot.

 

Appel à la création d’un Observatoire Européen de la Gastronomie!

Francis Chevrier -photo de Jérémie FULLERINGER
Francis Chevrier -photo de Jérémie FULLERINGER

 

Dans le journal Le Monde du 24 juin,

l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA)

appelle à la création d’un Observatoire Européen de la Gastronomie! 

 

Auteur : Francis Chevrier 

 

 

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Ananas, reine des plantes

 

L’état des connaissances acquises en 1716 par les voyageurs, les botanistes, naturalistes et jardiniers sur cette plante-fruit exotique 

 

Auteur : Michael Friedrich Lochner  

Éditions Petit Génie, 2014, 213 pages  

Billet de Marie-Claude Maddaloni  

 

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Médecin et naturaliste allemand, Michael Friedrich Lochner (1662-1720) publie, en 1716, un état complet des connaissances concernant ce fruit qu’il appelle « la Reine des plantes ». Ouvrage publié en latin, langue encore utilisée dans les milieux scientifiques au début du XVIIIe siècle, il fait l’objet, aujourd’hui, d’une première traduction en français.

Une riche introduction d’Anne-Marie Bogaert-Damin, conservateur honoraire de la bibliothèque Moretus Plantin (Université de Namur), situe le traité et son auteur dans le contexte scientifique de l’époque et présente une histoire de l’ananas qu’elle définit à cette époque comme une plante rare et à la mode.

Le traité s’ouvre d’abord sur une ode à la gloire de l’ananas : « Voici Bienveillant Lecteur !... L’ANANAS de suprême éminence… Le Roi des rois a orné cette Plante d’une couronne de feuilles, comme pour lui donner un signe lumineux de suprématie et de dignité par rapport aux autres plantes. Dans ce diadème herbacé, les prémices de la future lignée royale ». Puis, Michael Friedrich Lochner « conte la découverte du fruit, cite les pays où croissent les différentes espèces… relate les tentatives de culture en Europe ». Il consacre également plusieurs courts chapitres à la description botanique de l’ananas, à ses vertus médicinales et culinaires. Je relèverai, en particulier, dans le chapitre consacré à son « usage médical » que par son utilisation « comme remède l’horrible cohorte des maux pestilentiels s’enfuit ; leur légion annonciatrice de mort gît vaincue et les douleurs s’effacent. » De même, l’ananas est conseillé « pour rétablir magnifiquement une âme languissante, animer un esprit assoupi » mais attention ! « Comme rien n’est bon qui ne puisse être mauvais,… les meilleurs ananas pris sans précaution et avec excès sont nuisibles ».

Mais quelles sont les vertus culinaires de l’ananas ? « On les mange crus, mais pourtant jamais sans aromates ni sans quelque aspersion de vin… aussi avec du poivre ». Enfin, heureux celui qui boira du « Nanaja... ce vin préparé à partir de l’ananas » et qui « recrée les esprits animaux, porte secours au cœur languissant, guérit les nausées de l’estomac… ». Michael Friedrich Loch termine son traité avec le même lyrisme que dans son introduction :

« Voilà qu’un délicieux parfum s’en va

Et cette saveur d’ambroisie

En se fondant se liquéfie

Et sa couleur dorée se teinte doucement

D’un jaillissement de pourpre.

Avancez. Pourquoi vous privez-vous

De ce régal tellement à point ? »

 

Les illustrations et lettrines de l’ouvrage original ont été reprises.

Les commentaires, annotations et biographies de la centaine d’auteurs et scientifiques cités par Michael Friedrich Lochner ont été rédigés par Yves-Marie Allain, ancien directeur du Jardin des Plantes de Paris.

BEEF !

 

 

T’es beef ou pas ?  

Nouveau magazine 

 

Billet de Patricia Moisan.  

 

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Un nouveau magazine trimestriel de cuisine est sorti en France en avril (N° 1 / avril-mai-juin 2014), avec le titre : Beef, pour les hommes qui ont du goût .

La ligne éditoriale annonce d’emblée la couleur : les hommes veulent reprendre leur place en cuisine et attention ! il ne s’agit pas de cuisine d’opérette ou de série télévisée… La virilité veut s’afficher et les symboles aussi. Alors qu’est-ce que cela donne en pratique ? Le lecteur potentiel doit déjà aimer la viande, ne serait-ce que pour comprendre les sentiments et émotions mis en exergue dans le double article sur la recherche du meilleur steak. Un conseil : les végétariens et/ou défenseurs des animaux doivent mieux s’abstenir de la lecture, ils risqueraient ensuite de faire des cauchemars. Ils ont peut-être été induits en erreur par les premières pages toutes gentillettes du magazine, où l'on vantait de la viande pour végétariens, où l'on proposait de cultiver un e-potager et déguster des petits criquets en apéro, qui sait ? Le lecteur de Beef n’a pas peur des gros chiffres qui annoncent la couleur : « 8 kilos, c’est la quantité de beurre que consomme un Français adulte par an », le titre phare doit même le faire rigoler : « Du gras », en pensant à vous savez qui… Celles qui ne sont presque pas nommées, mais qui apparaissent souvent en filigrane. Normal, en fai,t car lorsqu’on se met en cuisine, c’est aussi pour préparer des mets pour d’autres personnes et les interpeller, en se déclarant par exemple maître barbecue qui assure en durée et en dimension (!) et prévenant, puisqu’il pense aussi aux petits légumes pour ces dames. On parle bien sûr d’un vrai grand barbecue qui peut accueillir des morceaux de 5 kilos de poitrine de veau, du cuissot de sanglier, une énorme côte de bœuf, voire un cochon de lait… Au passage, amis bouchers, réjouissez-vous ! Votre clientèle masculine ne vous commandera bientôt plus que des grosses pièces que vous n’aurez même plus à désosser et à parer vous-mêmes… Les hommes en cuisine ont repris les vrais bons couteaux et appris les bons gestes, donc ils s’en chargeront… Pendant ce temps-là, vous accueillerez, de vos plus beaux sourires, leurs femmes ou compagnes venues acheter ces autres compositions, dont elles raffolent pour assurer efficacement le quotidien de quelques repas, une répartition des tâches en quelque sorte ? Une petite remarque se profile tout de même au passage : le lecteur qui suit assidument les recettes du magazine ne peut pas habiter dans un petit appartement ! Il a au moins besoin d’un jardin, d'une terrasse… Une grande réserve ou un grand frigo pour stocker les grosses pièces et aussi de grands placards ou étagères pour tous les produits d’épicerie recommandés. Car l’épicerie, c’est aussi son point fort : de la basique et indispensable huile d’olive, on y trouve aussi du fond de veau en bocal, des graines de coriandre, de cumin ou de fenouil, des tiges de citronnelle, du pul biber, du poivron moulu fumé piquant, du purple curry, de la purée d’oignons, des filets d’anchois , du vermout, du pastis… Odeurs et exotisme que l’on retrouve dans la recherche de légumes originaux, tels que des betteraves de différentes couleurs, du potimarron vert-blanc, des blettes multicolores, des carottes violettes et jaunes, des herbes potagères… Et tout cela pour cuisiner et mettre en valeur des ris de veau ou d’agneau, des magrets de canard, du filet de bœuf, de la terrine de lapin… ou pour cuisiner « au masculin ». Amateur de bonne cuisine qui commence d’abord par des bons produits, le lecteur est à la recherche du bon goût, d’exotisme, des mets faits maison et se donne les moyens pour donner le meilleur ; il aime également se cultiver, cela tombe bien, des articles de fond très intéressants peuvent combler cet intérêt. Côté photos, il en prend plein les yeux.

Mais est-ce uniquement masculin, tout cela ?.

BnF : L'Agenda gourmand 2015

 

Tous à Table  

Semainier français-anglais, broché, 176 pages, 60 illustrations  

BnF éditions  

Signalé par Gabrielle SMET .  

 

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L’agenda gourmand de la BNF vous invite à parcourir le patrimoine culinaire au rythme des saisons.

 

Renseignements et commandes

Bibliothèque nationale de France,

Département des éditions, Quai François-Mauriac, 75706 Paris cedex 13

Service commercial : Gabrielle Smet : Tél. 01 53 79 81 73 - Fax 01 53 79 81 72 - Courriel : commercial@bnf.fr.

Prix de vente unitaire de 1 à 10 exemplaires 17 €.

Jean Pierre POULAIN - Sociologie de l'alimentation

 

Les mangeurs et l'espace social alimentaire 

Auteur : Jean-Pierre POULAIN  

Editeur : Presses Universitaires de France - 2002

Billet de Bernard Lafon.  

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Constat de l’auteur : la fonction structurante de l’alimentation dans l’organisation sociale d’un groupe humain rencontre inévitablement le regard sociologique. Il ambitionne donc de faire l’état des lieux, non point de la sociologie, mais des sociologies de l’alimentation, tant les pratiques alimentaires questionnent l’ensemble du corpus constituant celle-ci. Au fil des pages et des chapitres, nous retrouvons des thématiques bien connues du public : mondialisation, délocalisation et relocalisation, lieux de résistance identitaire, pratiques du culinaire dans la sphère publique et privée, auxquelles s’ajoutent des développement très stimulants sur ce que l’on pourrait appeler « penser le manger » et ses différentes écoles. Ainsi la gastro-anomie de Cl. FISCHLHER (caractérisée par trois phénomènes concomitants : une situation de surabondance alimentaire, la baisse des contrôles sociaux et la multiplication des discours sur l’alimentation), la perspective fonctionnaliste : le repas comme institution, jouant un rôle fondamental dans la transmission normative, développée par E. DURKHEIM, M. MAUSS, M. HALBWACHS. L’anthropologie des techniques ou l’alimentation sous l’angle des techniques de consommation initiée par A. LEROI-GOURHAN. L’approche culturaliste qui pointe la très grande diversité des formes et des techniques alimentaires (R. H .LOWIE, M. MEAD). La perspective structuraliste ou «… l’alimentaire, la nourriture et surtout la cuisine deviennent dans la réflexion de Claude LEVI STRAUSS un élément aussi fondamental que l’analyse des institutions qui entourent et structurent la sexualité».

L’obésité, la consommation des ménages, la sociologie du mangeur. Rien n’est oublié ou presque. On s’arrêtera plus longuement sur le chapitre « la sociologie de la gastronomie française ». L’auteur distinguant préalablement l’alimentation de la gastronomie qualifie cette dernière … « comme un "fait social " de première importance pour saisir l’originalité de la société française et son organisation. » Il souligne sa complexité, s’interroge longuement sur le « pourquoi la gastronomie est-elle française ? », essaie d’en discerner les racines en mettant à contribution Max WEBER et son école et nous apporte une réponse combinatoire appelant pour le moins le débat, qu’il n’est pas possible d’engager ici.

Le livre s’achève sur un essai de définition d’un « espace social alimentaire » comme outil privilégié pour l’étude des modèles alimentaires. La conclusion insistera sur la détermination des sciences de l’alimentation, condition pour l’auteur de l’émergence d’une véritable sociologie des sciences de l’alimentation, où sciences dites « dures « et sciences dites « molles », producteurs de contenus alimentaires, rendent possible une sociologie enfin unifiée reléguant au vestiaire les sociologies, pierre angulaire de l’étude.

 

Ouvrage de 278 pages, dont 28 pages de références bibliographiques, qui demande a priori un esprit curieux, doté d’une solide culture générale, mais qui sait aller à l’essentiel parmi les nombreux exégètes de la « pensée alimentaire ». C’est une intéressante contribution à la culture gourmande que notre association et sa revue se veulent de promouvoir.

 

 

*Jean-Pierre POULAIN est professeur de sociologie à l’Université de Toulouse Le Mirail. Il co-anime entre autres le Comité de recherche : Sociologie et Anthropologie de l’alimentation, de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF).

Bertrand Marquer et Éléonore Reverzy - La cuisine de l’œuvre au XIXème siècle

 

Faim(s) de littérature :

regards d'artistes et d'écrivains  

Ouvrage collectif sous la direction de Bertrand Marquer et Éléonore Reverzy  

Editeur : Presses universitaires de Strasbourg, 2013  

Billet de Bénédicte Cartelier.  

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Ce livre réunit les actes du colloque « Faim(s) de littérature » organisé du 13 au 15 octobre 2011, à l’Université de Strasbourg, sur les rapports entre la démarche de l’ingestion et celle de l’écriture.

La première partie (« Diète littéraire ») explore les influences du régime alimentaire sur l’écriture, depuis la frugalité de Joseph Joubert à la boulimie des petites filles modèles de la comtesse de Ségur en passant par les « nourritures bizarres » d’Alexandre Dumas (l’ours), Balzac (le café et autres « excitants modernes »), Gautier, qui détaille dans un texte peu connu (« Gastronomie britannique » in Caprices et zigzags, 1852), la recette de la soupe à la tortue. Les écrivains étrangers ne sont pas oubliés et figurent ici sous le signe de l’inappétence, avec les figures de Shelley, Melville et Kafka.

La deuxième partie (« Le vivre et le couvert ») analyse le repas comme métaphore de la société et manifestation des rapports de force entre le peuple toujours exploité, la bourgeoisie triomphante et l’aristocratie, grâce à une relecture de l’œuvre de Stendhal sous l’angle de l’économie politique, une description minutieuse de la série d’estampes que Grandville fit paraître de 1831 à 1832 sous le titre Carte vivante du Restaurateur, une petite « physiologie » du pique-assiette autour des œuvres de Balzac (Le Cousin Pons), Eugène Scribe (Le Gastronome sans argent), Edmond et Jules de Goncourt (Manette Salomon), Maupassant (L’Aveugle), Courteline (Les Boulingrin), sans oublier bien sûr Jules Renard (L’Écornifleur). Cette deuxième partie se clôt par deux contributions portant sur des archives littéraires : la première est une lecture « ethnocritique » de La Conquête de Plassans d’Émile Zola ; la seconde explore les cahiers préparatoires au projet avorté du roman de Huysmans, La Faim, récit du siège de Paris de 1870-1871.

Enfin, la dernière section (« Goût, dégoût, ragoût ») aborde le langage culinaire de la critique artistique avec les nombreux articles de critique littéraire et artistique de Zola dans lesquels le vocabulaire de la cuisine est souvent convoqué à des fins dépréciatives, de même que dans les légendes des caricatures de Bertall, André Gill ou Cham se moquant de la peinture officielle des Salons. Cette conception négative de la faim se rencontre aussi dans les nouvelles de Maupassant, dès lors que les protagonistes appartiennent au peuple, mais se fait positive quand manger devient l’affaire de gens bien élevés. Enfin, les rapports d’André Gide avec la nourriture, entre inappétence et gourmandise, apparaissent comme la métaphore de l’abandon du symbolisme de ses débuts, même si l’écrivain ne peut échapper totalement à la recherche de la beauté pure.

  Cet ouvrage, riche et documenté, offre l’intérêt de présenter des œuvres méconnues d’auteurs connus mais aussi d’auteurs « mineurs », voire totalement oubliés tels que Xavier Forneret. Le lecteur trouvera là matière à satisfaire sa curiosité, d’autant que les notes de bas de pages sont suffisamment précises sans pour autant alourdir le texte. On peut regretter toutefois la faible représentation des écrivains étrangers (un seul texte leur est consacré), alors que d’autres auteurs auraient pu être convoqués (Goethe, Lord Byron, Emily Brontë…), de même que celle des arts plastiques. A l’inverse, on note quelques répétitions (deux textes portent sur Zola avec, par endroits, les mêmes citations). Enfin, deux contributions apparaissent « hors sujet » et un peu «jargonnantes », mais on n’est pas obligé de les lire...

 

L'Express - le diktat des régimes

 

L’express N° 3271 du 12 mars 2014  

Billet de Patricia Moisan.  

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Ce numéro propose à son tour un énième dossier sur « la folie des régimes », avec cette fois comme têtes d’affiche Alain Ducasse, célèbre cuisinier, et Gérard Apfeldorfer, psychiatre spécialiste des comportements alimentaires. Très souriants sur la page de couverture, ils déclarent pourtant être très contrariés par le diktat des nouveaux régimes alimentaires.

On peut se demander quel peut-être l’intérêt nouveau de ce dossier… On vous le précise sans tarder ! On y parle des nouvelles exigences alimentaires. Ces dernières ne répondent plus seulement à des normes esthétiques et de santé, elles puisent également leur légitimité dans le cadre d’ordre moral, exemples divers et détaillés à la clef. L’évocation de références littéraires ou déclarations certifiées de quelques grands noms comme Claude Fischler ou Pascal Ory, Arnaud Cocaul, entre autres viennent en renfort pour étayer et donner de la valeur intellectuelle au problème soulevé.

Alain Ducasse rappelle que ce qui fait notre identité alimentaire Française c’est la qualité des produits, la justesse des cuissons, des assaisonnements et cette vision rabelaisienne du plaisir à table. Il désapprouve les nouveaux diktats qui sont pour lui des nouvelles formes de communautarisme alimentaire tout en déclarant que la France fait encore de la résistance par rapport aux pays anglo-saxons ; le french paradox a encore de beaux jours mais précise toutefois qu’ il adapte des recettes de pain sans gluten, un menu haut de gamme à base essentiellement de légumes, de céréales avec très peu de protéines animales pour ses clients.

Il conclut que « la cuisine française utilise nettement moins de matière grasse, les portions sont plus justes donc elle n’a jamais été aussi bonne, fraîche et digeste. » Alors où est le problème ? Le psychiatre spécialisé dans le comportement alimentaire lance, lui, un cri du cœur « tout sauf les régimes ! » Les populations passent d’une névrose à une autre dont les normes et les interdits sont en partie responsables: névrose générale sexuelle une bonne partie du 20è siècle, c’est maintenant au tour de notre rapport avec la nourriture d’être névrosé. La solution arrive en fin de dossier ! Il faut retrouver l’alimentation intuitive…

 

Le nouvel Observateur - La jeune rue

 

 

Un projet culinaire et design fou 

Signalé par Eve MARINONE .  

 

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Eve nous signale cet article paru dans le Nouvel Observateur paru en février.
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Le social cooking

 

Quand la cuisine sert à tisser des liens… 

SIgnalé par Alain Lewinger.  

 

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Extrait d'une page relevée sur le site : http://www.alavantgout.com/le-social-cooking-quand-la-cuisine-sert-a-tisser-des-liens

Un nouveau phénomène est né : le social cooking ! Ou comment rencontrer d’autres gourmands grâce aux réseaux sociaux ! Le social cooking pourrait se définir par les réseaux communautaires gourmands qui à partir de la cuisine feraient se rencontrer les gens.

Super marmite.com est le premier de ces réseaux sociaux qui permet de repérer des bons plats dans son périmètre ! La géolocalisation le permettant, chaque inscrit peut trouver un « social cooker » proche de chez lui et comparer les différents plats proposés selon le quartier où il se trouve. Le « social cooker », lui, mitonne des portions en plus de ses besoins et les revend aux gourmands pressés du quartier ! C’est une façon d’échanger, de rencontrer et de faire plaisir aux autres. Et pour ceux qui consomment, c’est moins cher que le restaurant, le traiteur ou le café du coin! 

Livemyfood.com, lui, propose aux gourmands globe-trotter de découvrir les spécialités locales du lieu de séjour qu’ils ont choisi. Le site met en relation les habitants qui proposent un repas et les touristes. L’hôte peut partager ses spécialités culinaires préférées et sa passion pour la cuisine. Une réelle ouverture d’esprit dans votre assiette ! 

Bienvenue à ma table reprend le principe du couchsurfing mais pour la table ! Ce réseau social a pour vocation les rencontres et le partage culinaire. Leurs membres proposent des soirées chez eux ou au restaurant dans les quatre coins du monde. Sur le site, on consulte les menus, lieux, participants et prix avant de s’embarquer. Et hop ! On s’inscrit pour participer et passer un moment agréable! 

Neighbor Dining est quant à lui né d’un concept imaginé par l’artiste Luong Lu pour Vattenfall, l’un des leaders énergétique Européens. Neighbor dining permet de rassembler ses voisins autour d’un bon diner tout en réalisant des économies d’énergies ! Grâce à Foursquare, on découvre le menu du jour et on s’inscrit et l’hôte bénéficie d’une réduction d’électricité pour chaque inscrit. Bien plus qu’un moyen de réduire ses factures d’électricité, Neighbor Dining est surtout une bonne idée pour rompre la solitude sans aller loin et partager un moment à plusieurs autour d’une table !

 

Dans ces conditions, il est normal qu'un salon comme le salon Savoirs et Saveurs de Roanne s'intéresse à ce phénomène social dans son programme 2014.

 

La Côte Roannaise s’invite à table

 

La Côte Roannaise s’invite à table,

des vignerons aux racines de la Loire.  

Auteur : Jean-Luc Rocher ; illustrations : Evelyne Deveaux  

Editions Thoba’s  

Billet d'Alain Lewinger.  

 

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Retour aux Archives de Mars 2014 

Jean-Luc Rocher, adhérent de toujours des BG, toujours fidèle à promouvoir le patrimoine gastronomique du pays Roannais, signe ici un très bel ouvrage qui célèbre les 20 ans de l’AOC devenu AOP de l’appellation de la Côte Roannaise.

L’ouvrage s’ouvre sur de magnifiques portraits de vignerons et nous rappelle la fameuse série de photos parue voilà déjà vingt ans sur ces artisans du goût, de Villemontais à Ambierle. Quelques aphorismes ancrés dans le terroir commentent ces images : « Faire un métier par passion est un bonheur rare pour les gens de notre génération » (Marc-Antoine & Edgar Pluchot), « La tradition ne nuit pas à la qualité, c’est l’homme qui n’a plus la force de la respecter » (Claude Néron).

Puis reprenant le livre La viticulture en côte roannaise de Robert Bouiller, directeur du Musée Alice Taverne (où le ClgR avait enregistré la dictée gourmande, objet d’un concours au salon Savoirs et Saveurs 2013 de Roanne), Jean-Luc décrit et illustre les grandes étapes historiques des heures de gloire où la récolte s’élevait à 680 000 hectolitres puis de misère avec le désastre du phylloxéra qui ramena les surfaces de 179 à 94 hectares.

Puis, avant de passer à la table des vignerons et des cuisiniers du pays roannais qui nous offrent leurs meilleures recettes, nous avons droit à une visite guidée des exploitations superbement illustrée.

 

Vous trouverez dans ce bel ouvrage tout ce qui vous attend lors de votre prochaine visite gourmande dans cette région qui mérite le voyage.

Pascal Ory: L’identité passe à table

 

L’avenir gastronomique de l’humanité en général

et de la France en particulier  

Auteur : Pascal Ory  

Editeur: Presses universitaires de France / Fondation Nestlé France 

Billet de Bénédicte Cartelier.  

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Retour aux Archives de février 2014 

Sous-titré L’avenir gastronomique de l’humanité en général et de la France en particulier, ce livre est le fruit d’entretiens entre Pascal Ory et Monique Nemer, professeur émérite de littérature comparée à l’université de Caen et éditrice.

En préambule, Pascal Ory revient sur la genèse de la notion de patrimoine immatériel, un concept d'essence japonaise soutenu ensuite au niveau international par les pays dits du Tiers-Monde, et sur l'inscription en 2010 du repas gastronomique des Français sur la liste représentative au patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

S'il peut être a priori paradoxal de classer comme immatériel un repas, l'auteur souligne que le classement ne concerne pas tel ou tel plat du « patrimoine culinaire » de la France mais il intègre « l'achat de bons produits », « la décoration de la table», « une gestuelle spécifique pendant la dégustation » ainsi que la composition du repas qui « commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert ».

Contrairement à d'autres pays comme la Croatie par exemple dont le pain d'épices a été inscrit en même temps, la France a préféré faire reconnaître une caractéristique qu'elle juge supérieure, à savoir l'importance accordée par la nation française aux pratiques du manger et du boire.

Aux critiques suscitées par ce classement dans lequel certains ont voulu voir une revendication identitaire arrogante et désuète, Pascal Ory répond en expliquant que « tout groupe, pour faire société, a besoin de recourir à des signes d'identité tels que son nom, sa langue ou son mode d'alimentation ».

Or, dans le cas de la France, cette identité culturelle a été instrumentalisée par le politique lequel a inventé la souveraineté populaire à la Révolution. Aussi le groupe est-il pour un pays comme la France, la nation française tout entière. C'est la raison pour laquelle Pascal Ory considère que les identités culturelles sont largement des constructions politiques ainsi qu'en témoignent la promotion de la paella sous le franquisme et celle de la tomate en France au moment de la Révolution française avec l'essor du régionalisme.

S'agissant de ce dernier, l'auteur affirme que les identités régionales sont elles aussi des constructions politiques (la « cuisine du Sud-Ouest » par exemple naît avec l'émergence de cette entité; auparavant, elle n'existait pas en tant que telle).

Mais l'auteur va encore plus loin en montrant que la tradition, comme l'identité, est une construction fondée sur l'idée qu'il existerait un patrimoine culinaire propre à chaque peuple et dans lequel celui-ci se reconnaîtrait. Or, d'une part, il n'y a pas de tradition sans transmission (les deux mots partagent la même étymologie) et d'autre part, dans cette transmission, il y a toujours modification. Ce n'est jamais figé.

Si Pascal Ory reconnaît que « la profession culinaire est un des domaines où l'ancien régime culturel a perduré le plus longtemps », il souligne que nous sommes passés d'un régime de transmission à un autre qui s'opère dans les deux sphères de la cuisine qu'il distingue, à savoir la cuisine publique (professionnelle et masculine) et la cuisine privée (familiale et féminine). On observerait ainsi un recul et une masculinisation de la cuisine privée face à un essor et à une féminisation de la cuisine publique.

Les moteurs de ce changement des modes de transmission sont à la fois technique, social (passage du service « à la française » au service « à la russe » puis au service « à l'assiette ») et culturel (évolution de la médiation, du mode oral, écrit et aujourd'hui audiovisuel).

Dans le quatrième chapitre, Pascal Ory aborde (enfin!) le cœur du sujet à savoir la définition de l'identité gastronomique française. Plusieurs ingrédients la constituent selon l'auteur: l'imprégnation religieuse et notamment le choix de la religion catholique au XVIème siècle contre le puritanisme protestant, l'ancienneté temporelle et la continuité institutionnelle de la France (contrairement à l'Italie et à l'Espagne, autres pays de culture catholique), l'apparition du restaurant et la fondation concomitante de la critique gastronomique au XVIIIème siècle et, au-dessus de tout, l'importance accordée en interne au manger et au boire et la reconnaissance internationale de la cuisine française. Ce dernier trait est d'autant plus important que la France est un pays d'immigration à l'instar des États-Unis. Mais contrairement à ceux-ci, « notre récit national n'est pas fondé sur cette immigration, dans l'espace, mais sur la continuité d'une unité, dans le temps ».

C'est la raison pour laquelle, il ne peut y avoir de plats identitaires français selon l'auteur.

Dans les enquêtes sur les plats préférés des Français, le couscous et le magret de canard arrivent souvent en tête. Or, le premier n’est introduit en France qu'au milieu du XIXème siècle et ne devient populaire qu'un siècle plus tard tandis que le magret de canard est une invention d'André Daguin dans les années 1960...

Dans l’avant-dernier chapitre, intitulé « Puritanisme et hédonisme », le plus original à mon avis, Pascal Ory explique comment le puritanisme a façonné la culture alimentaire des pays anglo-saxons (l’Angleterre et les Etats-Unis). Il en donne deux exemples frappants : l’invention des céréales de petit-déjeuner, consommées avec du lait, pour contrer les habitudes de consommer de la viande et de l’alcool le matin, et le lancement du Coca-Cola, version édulcorée et sans alcool d’une boisson existante.

Or, contrairement à une idée largement répandue aujourd’hui, Pascal Ory ne croît pas à une montée des puritanismes en Occident. Au contraire, il pointe les progrès de l’hédonisme, notamment dans le domaine alimentaire avec par exemple le discours prônant le plaisir gustatif, la convivialité, la redécouverte d’espèces oubliées, etc. Le dernier chapitre, « L’éternel métissage », est plus convenu. L’auteur explique ainsi que le métissage culinaire concerne aussi bien les produits, les recettes que les manières de faire.

Pour autant, si le modèle alimentaire français recule sous l’effet de la mondialisation, on n’assiste pas à une déstructuration des repas comme aux Etats-Unis mais plutôt à un « éclatement entre « tribus » culinaires ». La marque d’identité française, à savoir l’importante accordée aux repas, résiste toujours.

Les entretiens se concluent sur une note positive : « L’avenir sera gastronomique, ou ne sera pas ». 

 

Ecoutez son interview par Alain Kruger dans son émission On ne parle pas la bouche pleine ! 

Florent QUELLIER - La Table des Français

 

une histoire culturelle (XVe-XIXe siècle) 

Auteur : Florent QUELLIER 

Editeur: Presses universitaires de Rennes, Presses universitaires François-Rabelais de Tours, 2013 

Billet de Marie-Claude Maddaloni.  

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Retour aux Archives de février 2014 

Dès son chapitre introductif, Florent Quellier présente le champ de son étude sur l’histoire de l’alimentation par ces mots : « Loin d’être triviale, pittoresque et anecdotique, l’étude universitaire de l’alimentation d’une société croise l’histoire sociale et économique, politique et religieuse, médicale et culturelle. »

Et s’il a choisi de la centrer sur une large époque moderne (XVe-XIXe siècles), c’est parce que cette histoire correspond à une demande sociale et qu’elle dispose de nombreuses sources disponibles autant manuscrites qu’imprimées et iconographiques. De plus, Florent Quellier, par cette démarche, tente « d’explorer et de comprendre les racines de l’actuelle exception culinaire française ».

Dans les premiers chapitres, Florent Quellier étudie l’alimentation ordinaire des masses populaires rurales françaises, en dressant un état des connaissances actuelles. Dominé par le pain quotidien, la soupe, le morceau de lard, le vin, ce régime alimentaire reste fragile, soumis aux récoltes et au « spectre lancinant de la disette ». A l’autre extrémité de l’échelle sociale, c’est « l’alimentation extraordinaire », celle des banquets et des princes, celle qui donnera naissance à une « nouvelle cuisine aristocratique, peu à peu constituée entre 1550 et 1650 » d’où émergera un nouvel art de vivre.

Florent Quellier aborde ensuite les questions concernant les rapports de l’alimentation avec les contraintes climatiques, les obligations religieuses, les cycles agraires qu’il regroupe sous une formule très évocatrice : « entre abstinence et abondance, une alimentation cyclique ». Un chapitre est consacré à ce que Florent Quellier appelle « le don, le domaine et le marché : les approvisionnements alimentaires » où il analyse en détail la montée en puissance du marché dans les approvisionnements alimentaires. Un autre chapitre s’intéresse à l’évolution du « discours médical » au cours des siècles. Florent Quellier conclut son livre en tentant de répondre à cette grande question : « Pourquoi la cuisine française jouit depuis le XVIIe siècle d’une excellente réputation en Occident ? ».

Au lecteur de découvrir toute la richesse de cet essai passionnant sur « la table des français ». Importante bibliographie.

Didier Nourrison - Crus et cuites

 

Histoire du buveur  

Auteur : Didier Nourrison 

Editeur: Perrin - 2013  

Billet de Alain Lewinger.  

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Tout en retraçant l’extension inexorable des boissons alcoolisées des comptoirs phocéens à la viticulture biodynamique, en passant par la conquête romaine, les vignobles des abbayes et des princes, la crise du phylloxera, de la cervoise à la bière industrielle, du sydre de mauvaises pommes au cidre de poiré à la fermentation contrôlée, de la distillation inventée au XIIIème siècle par Arnaud de Villeneuve aux vins brûlés du XVIème siècle, puis aux liqueurs sophistiquées du XIXème siècle, Didier Nourrisson nous décrit le développement des voies terrestres romaines, puis maritimes, fluviales, ferroviaires et autoroutières et évoque les grandes inventions, comme les amphores, puis le tonneau des Gaulois, initialement arme de guerre, les progrès de l’agriculture et des sélections des ingrédients pour la bière et le cidre, les bouteilles et les bouchons de liège, l’alambic, le recours à la publicité, puis son interdiction.

De l‘ivresse de Noé et de Loth, du Gaulois, que le XIXème siècle dépeindra ivrogne et bagarreur en reprenant les descriptions des romains vainqueurs, du moine buveur et jouisseur décrit par Rabelais, des orgies bachiques de Vélasquez, du paysan grossier se soûlant à la piquette face à l’aristocrate dégustant du champagne, de l'hypocras aux apéritifs et vins d’épices de la bourgeoisie triomphante qui se pique d'avoir "sa cave", de la fée verte de monsieur Pernod sauvant les soldats de la dysenterie algérienne, puis interdite pour donner naissance à notre pastis national, aux campagnes de modération de la fin du XXème siècle, nombreux sont les héros de la dive bouteille : Bacchus, bien sûr, mais aussi Gargantua, Gambrinus, saint Jean-Baptiste, saint Arnoult, saint Vincent (sang et vin ?), Ramponneau, Aramis, le moine Tuck, Bérurier...

Didier Nourrisson nous décrit la place prépondérante du buveur dans notre société jusqu’à être l’instigateur des émeutes de 1789 : en brisant les barrières d’octroi de Lyon, en juin, puis de Paris, les 11 et 12 juillet, le peuple, enivré de vin des tonneaux pillés, prit la Bastille dans l’excitation toute révolutionnaire de la liberté retrouvée de boire !

Alors s’amorce la plus formidable expansion des cafés, cabaretiers, débits de boissons, marchands de vins et spiritueux : bar, bistrot, bougnat, buvette, cabaret, cabaret, estaminet, troquet, zinc, boui-boui, caboulot, cambuse, mastroquet, popine et autre gargote. Jusqu’à un débit pour… 106 habitants !

C’est l’époque bénie des ripailles républicaines et d’une consommation débridée : les bouilleurs de cru seront plus de 3 millions de 1934 à 1955 ! Mais l’excès entraîne la répression et les censeurs triomphent bientôt : prohibition aux Etats-Unis, lois et réglementation de plus en plus restrictives en France. Après 1945, l’ivrogne devient « incorrigible et méprisé. » La production viticole diminue au profit de la qualité : on boit moins et mieux. L'eau du robinet et en bouteilles, les boissons gazeuses s'imposent tandis que les cocktails s'invitent dans les "party's" de l'entre-deux guerres.

Puis l'alcool et les drogues gagnent du terrain.

Que sera le buveur du XXIème siècle, issu de plus de 2 000 ans d’histoire ? Découvrez-le en dégustant ce gouleyant ouvrage de Didier Nourrisson.

Dominic Harari - The food guide to love

The food guide to love.  

Réalisateurs : Dominic Harari et Teresa de Pelegri.

Sorti en décembre 2013.

 

Billet de Vincent Chenille.  

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Retour aux Archives de février 2014 

Il s’agit bien d’un film d’exclusivité, mais sorti en catimini à Paris, dans une seule salle, l’Escurial. Ne cherchez pas sur vos programmes, il n’est resté à l’affiche qu’une semaine, du 18 au 24 décembre 2013.

Ceux qui n’ont pas pu le voir à sa sortie peuvent espérer peut-être le voir en vidéo (ou en VOD) ou sur Canal +, qui en est co-producteur. Mais rien n’est assuré. A moins qu’un festival de cinéma n’ait la bonne idée de le programmer. La raison de cette discrétion est tout à fait surprenante dans un environnement audiovisuel, où pas un jour ne passe sans qu’une chaîne généraliste ne présente en prime-time son émission cuisine.

 

Esthétiquement, le film n’a rien de honteux. Il s’agit d’une comédie, le genre le plus fréquemment associé à la gastronomie. Il parle d’un célèbre critique gastronomique irlandais, qui a écrit The food guide to love. Il ne s’agit pas d’un chef cuisinier, certes, mais The lunchbox, qui est sorti une semaine plus tôt ne traite pas non plus le point de vue du cuisinier et il est cependant sorti dans un nombre de salles convenables pour une exclusivité. The food guide to love est un film irlando-espagnol, certes encore, mais The lunchbox est un film indien. Et il y a moins de films indiens diffusés en France que d’espagnols. Coïncidence ?

Le film traite de la cuisine dans son rapport au monde à travers une histoire d’amour, comme l’a fait The lunchbox sorti à la même période. Mais les questions irlando-espagnoles sont toutes autres que celles des Indiens. Contrairement à beaucoup de films, The food guide to love offre d’abord une vision positive de l’ouverture sur le monde.

C’est ainsi que naît la vocation du jeune Oliver, futur critique gastronomique. Fans de foot, ses parents l’ont emmené un jour en Espagne lors d’un match international contre l’Irlande.

S’ennuyant au football, Oliver se dirige vers le buffet, où il découvre les tapas : les gambas et surtout les escargots à l’ail. Habitué au coddle, le plat national irlandais composé de saucisse, de poitrine de porc et de pommes de terres cuites à l’eau, que ses parents portent en bandoulière tout comme leur appartenance à l’équipe nationale de football, Oliver découvre que la cuisine, ça peut avoir bon goût.

Il s’oppose alors à son père. A travers ce personnage de critique gastronomique, c’est l’international, l’ouverture aux cuisines du monde, qui s’oppose au national. Souvent déçu en amour, Oliver rencontre l’Espagnole Bibiana, dont il tombe amoureux. On devine aisément le transfert : il aime Bibiana, car il apprécie tout particulièrement la cuisine espagnole. Bibiana tombera amoureuse d’Oliver, mais pas immédiatement. Elle a des préoccupations plus sérieuses que celles d’un critique gastronomique : elle est soucieuse du Tiers-Monde.

C’est en allant à une exposition consacrée à l’immigration irlandaise au XIXème siècle que Bibiana s’attache à Oliver. La famine de pommes de terre, qui poussa les Irlandais à quitter leur pays pour se rendre aux Etats-Unis dans la première moitié du XIXe siècle, a le pouvoir de faire entrer Oliver dans la catégorie du Tiers-Monde : il est logique que ceux qui ont eu beaucoup faim n’aspirent qu’à manger. Mais Oliver et Bibiana finiront par se séparer. Oliver, poussé à la curiosité de découvrir d’autres mondes, trompera Bibiana. Celle-ci se radicalisera et son tiers-mondisme la poussera vers le végétarisme, pour ne pas prendre à ceux qui ont faim.

The food guide to love témoigne de deux visions incompatibles de la mondialisation. Celle d’Oliver, optimiste, pour qui l’autre est « un enrichissement » et celle de Bibiana, synonyme de misère et d’immigration. Il n’est sans doute pas illogique que l’Irlande et l’Espagne, deux pays particulièrement touchés par la crise financière de 2008 soient à l’origine d’un tel film.

Pour finir, dans The food guide to love, une des parties aura raison de l’autre.

Ritesh Batra - The LunchBox

 

La voix des esprits  

Billet de Vincent Chenille.  

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Retour aux Archives de janvier 2014 

Il y a deux mois, j’indiquais que les films de cuisiniers sont rares en Inde : The lunchbox de Ritesh Batra vient confirmer cet adage. Car le seul cuisinier professionnel dans ce film apparaît trente secondes et il n’a pas le rôle le plus glorieux.

Néanmoins la cuisine est bien le moteur dramatique de ce film. L’argument : Ila, une jeune épouse à Bombay, prépare le matin la gamelle de son mari. Or le livreur se trompe d’adresse et délivre le colis à un comptable, M. Fernandez, qui mange la gamelle sans scrupules, car il est persuadé au départ qu’il s’agit de la livraison du restaurant qu’il paye chaque mois pour avoir son déjeuner. De retour de son travail, le mari d’Ila dit qu’il a mangé son chou-fleur, alors qu’Ila ne lui en a pas préparé. Elle comprend donc que ce n’est pas son mari qui a vidé sa gamelle…

The lunchbox est une histoire d’amour. Ila décide de préparer la gamelle de son mari, parce que la cuisine « rapproche les cœurs ». Sa surprise sera que la personne qui apprécie le plus son ouvrage n’est pas celle qu’elle croyait.

Si son mari ne fait pas de commentaires au dîner, en revanche, M. Fernandez vide chaque jour les plats ; même si le second jour il les trouve un peu trop salés. Il lui en fait la remarque par un billet glissé en retour dans la gamelle. Car se développe entre les deux inconnus une relation épistolaire et gastronomique par gamelle interposée.

Où cette histoire d’amour dépasse le seuil privé, c’est lorsque Ila décide de préparer la gamelle de son mari, parce que celui-ci passe trop de temps sur son téléphone portable et pas assez avec elle. L’Inde, grande puissance émergente, se plaint de certains effets de la mondialisation. Il est intéressant de remarquer qu’ils concernent pour partie l’alimentation, mais qu’à la différence des grandes puissances anciennes, il n’y a pas l’angoisse de se sentir menacé par des cuisines étrangères ou industrielles. Car, dans The lunchbox, on mange indien et uniquement indien.

Non, ce qui est en cause, c’est la qualité de vie, et, en l’occurrence, le temps consacré au repas et sa sociabilité. The lunchbox se déroule dans une entreprise publique où se trouve une cantine. Mais point de cuisine dans cette cantine. Les employés y mangent leur gamelle, préparée par un parent ou par un restaurant ; et c’est une entreprise qui, en fin de matinée, vient déposer les gamelles sur les bureaux. Evidemment, la gamelle préparée par Ila est nettement meilleure que celle préparée par le restaurant. Après avoir vidé la première, Fernandez va au restaurant pour s’enquérir de la personne qui a fait la cuisine, pour la féliciter et lui dire de « continuer sur cette lancée ».

Bien sûr Ila y met tout son amour, mais le spectateur comprend que ce n’est pas uniquement cela qui différencie sa cuisine de celle du restaurant. La gamelle d’Ila est gigogne : c’est un mât constitué de quatre ou cinq plats qui s’emboîtent, dans lesquels on trouve du pain, du riz basmati, des aubergines farcies, beaucoup de légumes comme dans la cuisine indienne. A cette diversité, le restaurant n’offre que du chou-fleur.

Fernandez l’écrit à Ila : les employés indiens, bien souvent, pour prendre peu de temps, se contentent de deux bananes pour déjeuner ; fruit qui a l’avantage de caler pour la journée. La cuisine de Lina ne repose pas sur des recettes prises sur Internet, mais sur la tradition orale ; une tradition séculaire transmise par la radio, mais surtout dictée par Auntie ; Auntie est la voisine du dessus d’Ila. On ne la voit jamais, c’est juste une voix. C’est elle qui apprend à Ila à améliorer sa cuisine : quand elle doit retourner la cuisson de son pain et veiller à ne pas mettre trop d’épices. L’autre source d’inspiration d’Ila est un vieux cahier, écrit par sa grand-mère, comportant des recettes. Auntie en anglais signifie tatie. C’est la voix des ancêtres, du passé que convoque Ila, non exempte de mysticisme hindou face à l’indifférence de son mari, à la fragilité sociale et économique autour d’elle lors de la mort de son père.

Alors un jour Ila invite M. Fernandez à déjeuner au restaurant…

Sandrine Krikorian - A la table des Elites.

 

A la table des élites –Les repas privés en France de la Régence à la révolution.  

Auteur : Sandrine Krikorian  

Editeur: Le temps de l’histoire – Aix Marseille université - 2013 

Billet d'Alain Lewinger.  

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Retour aux Archives de janvier 2014 

Par l’observation minutieuse des œuvres d’art où les peintres du XVIIIe ont « photographié » la décoration des appartements, le mobilier, les services de vaisselle ainsi que les victuailles, les plats et les boissons, mais aussi les personnages, leurs poses, leurs habits, leurs manières de table, Sandrine Krikorian nous fait revivre avec un luxe de détail les habitudes et les modes alimentaires des grands de ce siècle. Elle s’appuie aussi bien évidement sur les textes qui nous sont parvenus, des menus de Choisy aux lettres de la marquise de Sévigné, sur l’architecture et la disposition des salles à manger comme celle de la table « mouvante » du « Château Neuf » du château de Choisy.

Le lecteur se faufile dans les différents temps du déjeuner, du dîner, du goûter, du souper, des collations et autres médianoches, entre Gras et Maigre, prend le thé, le café ou le chocolat en compagnie des princes, ducs et comtesses.

Les livres de comptes de la compagnie française des indes orientales permettent de découvrir que dés le XVIIe siècle, les porcelaines chinoises envahissaient  les tables des aristocrates.

Puis avec Louis XVI vient la mode de l’antique suite aux fouilles d’Herculanum : un souper grec sera servi à Marie-Antoinette.

Scène de chasse, déjeuner sur l’herbe, souper des princes à la bougie : nous voilà au cœur des plaisirs de la régence à Louis XVI, de la galanterie au libertinage.

Tandis que les peintures de noces paysannes nous entraînent dans une France plus traditionnelle.

Et l’auteure de conclure au parallélisme entre les œuvres de l’Ancien régime et les affiches publicitaires d’aujourd’hui : structurer l’image en valorisant les ingrédients.

Mouette Barboff - Pains d’hier et d’aujourd’hui

 

Notre pain quotidien 

Auteur : Mouette Barboff  

Editeur : Hoëbeke, Paris, 2006  

Billet de Patricia Moisan.  

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Retour aux Archives de janvier 2014 

Quoi de mieux que de commencer l’année avec ce produit si familier et populaire qu’il peut quelquefois être considéré comme très ordinaire.

Et pourtant… La France est riche de ses variétés de pains qui sont aussi en quelque sorte des marqueurs géographiques et historiques.

« Parler des pains régionaux, c’est une autre façon d’aborder l’histoire de France, au gré des gouvernements, des découvertes et des progrès techniques ; au-delà des gestes et des mots, certains racontent une légende, un mythe, un évènement » nous dit Mouette Barboff dans l’introduction de son livre Pains d’hier et d’aujourd’hui.

Il y a des livres comme ça qui vous enchantent dès le début parce que l’auteur connaît et maitrise parfaitement son sujet, invitant ici le lecteur dans l’alcôve chaude et mystérieuse de vrais fournils. Cet ouvrage peut s’appréhender de plusieurs façons : en le feuilletant d’abord comme prise de contact, le pain devient modèle et se laisse découvrir sous toutes ses formes pour le plaisir des yeux et puis il devient sujet, témoin d’une réalité professionnelle parfois difficile, pudiquement enjolivée par des façonnages poétiques. Il peut également se faire guide touristique, transportant le lecteur aux 4 coins de France, surprenant même le visiteur érudit par d’originales appellations régionales : le pain plié, le pain chapeau, la méture, le tordu, le sübrot, la tabatière et tant d’autres. Tout est aussi dans la précision des poids et des mesures : qui connait exactement combien pèsent une baguette, une faluche, une couronne, un pain polka ?

Cet aliment ancestral peut aussi avoir le verbe haut et la mémoire foisonnante pour raconter toutes les péripéties historiques qu’il a traversées et l’intervention empathique ou perfide de certains hauts dignitaires.

Tout cela peut se lire en mangeant une bonne grande tartine ; cela tombe bien, un chef étoilé suggère quatre recettes différentes, accompagnées de bons petits conseils d’un sommelier « pour répondre à la tendance actuelle de manger vite mais très bien ».

Vincent Marcilhac - Le luxe alimentaire 

 

Le luxe alimentaire : une singularité française  

Auteur : Vincent Marcilhac  

Editeur: éditions Presses universitaires de Rennes, Presses universitaires François-Rabelais de Tours  

Billet de Marie-Claude Maddaloni.  

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Cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat, appuie son cadre théorique sur le modèle défini par le sociologue Lucien Karpik dans L’économie des singularités : « le modèle de l’originalité : le produit du luxe alimentaire se définit comme unique ou rare » et « le modèle de la personnalisation : le produit du luxe alimentaire est un produit personnalisé, sur mesure ».

Mais pourquoi : « une singularité française » ? Cette prépondérance de la France s’explique entre autres par « le poids historique… lié à l’héritage de la monarchie française auquel le comité Colbert (association regroupant, en 2012, 75 maisons françaises de luxe) se réfère ».

Depuis le XVIIe siècle, la France a construit son image autour du luxe. Dans le domaine du luxe alimentaire, la publication, en 1651, du "Cuisinier français" de François de la Varenne marque le début du modèle gastronomique français mais « c’est au XIXe siècle que s’établit une véritable hégémonie française sur la scène culinaire internationale ».

La première partie de l’ouvrage analyse, en s’appuyant sur des enquêtes, des sources écrites (guides, revues spécialisées…), des questionnaires, ce qui fait la spécificité du marché du luxe alimentaire français : le mystère du produit, de sa fabrication, le pouvoir de la marque, la valeur symbolique qui en découle et qui est promesse de qualité. A cela s’ajoutent les lieux de commerce : grands restaurants où « les grands chefs sont passés du statut d’artisans à celui d’artistes reconnus et honorés » et boutiques alimentaires de luxe, lieux uniques et emblématiques.

Un luxe célébré, plus particulièrement, par Paris et les beaux quartiers de l’ouest parisien où sont installés 40 % des restaurants triplement étoilés (en 2011) et la plupart des marques alimentaires de luxe.

Pourtant, cette situation dominante est aujourd’hui menacée. Dans la deuxième partie de son ouvrage, Vincent Marcilhac, analyse les raisons de « la remise en cause de cette singularité du luxe alimentaire français » : difficultés structurelles (coûts élevés) et conjoncturelles (crises économiques, effets de mode), « menace » d’une intégration dans de grands groupes mondiaux, position dominante des grandes surfaces, ambigüité du e-commerce.

Tous ces facteurs risquent de contribuer à une « uniformisation » du luxe alimentaire français. Face à la mondialisation de la concurrence, « la valorisation patrimoniale et touristique » peut être une réponse, comme peut l’être, pour Vincent Marcilhac, « l’impérieuse nécessité de revaloriser les filières d’excellence de l’artisanat alimentaire français ».

Riche bibliographie.

Bénédict Beaugé - Plats du jour

 

 

Plats du jour, sur l’idée de nouveauté en cuisine  

Auteur : Bénédict BEAUGÉ  

Editions Métailié  

Billet de Bernard Lafon.  

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Retour aux Archives de décembre 2013  

Le titre de l’ouvrage mérite tout à fait son pluriel et son singulier, car il s’agit d’un essai sur le concept de nouveauté appliqué à la cuisine.

Le propos se construit à partir d’une chronologie culturelle dont l’acte de naissance se situe au milieu du XVIIème siècle en France, au moment où la cuisine entre dans l’Histoire et devient objet de mémoire et de savoir.

Elle y prendra toute sa place au fil du temps. On suivra ses grands noms, des plus connus à ceux qui grandissent aujourd’hui. On passera en revue les styles, les modes (cuisine nomade, cuisine moléculaire, nouvelle cuisine, cuisine futuriste, cuisine technologique…), les effets de la mondialisation ou plutôt des mondialisations. On s’interrogera sur les rapports (et apports) entre cuisine et Mode, entre cuisine et Beaux Arts, sur les statuts évolutifs des lieux de cuisine et des cuisiniers, du moins en ce qui concerne la « haute cuisine », ces derniers devenus pour nombre d’entre eux entrepreneurs, médiateurs, voire reconnus comme artistes.

Certes, on pourrait débattre plus avant sur le relativisme en cuisine qui imprègne parfois « l’entre les lignes » du texte, mais ce n’est pas l’objectif de ce menu tout à fait copieux et érudit pouvant demander à priori une solide culture du culinaire, mais restant accessible à tout curieux de la chose gourmande qui veut en savoir beaucoup plus.

Importante bibliographie de référence en fin de volume.

La lecture achevée, on reste étonné par la créativité continue de la cuisine, toujours en devenir, articulée avec celle des hommes dont elle est inséparable. Ces innovations et circulations pourraient inspirer une mise en cartes sous la forme d’un atlas.

Si celui-ci voit le jour, nul doute que le livre de Bénédict BEAUGÉ en serait un vecteur majeur.

Florent Quellier : Gourmandise, histoire d’un péché capital

Gourmandise, histoire d’un péché capital  

Auteur : Florent Quellier 

Editeur: Armand Colin  

Billet de Patricia Moisan.  

 

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Vous prendrez bien une petite gourmandise ….

Inutile de présenter une assiette, celle que l’on vous propose se déguste avec les yeux ; cette gourmandise-là est servie sur un plateau dans le but d’être regardée, expliquée, décortiquée. Terme évocateur, résonnant différemment selon chacun, il suscite généralement des réactions positives, une émotion, voire un chatouillement des sens. Mais connaissons-nous vraiment l’histoire de cette gourmandise humaine ?

C’est justement ce que Florent Quellier, historien de l’alimentation, nous raconte de façon passionnante dans cet ouvrage : présentation et sens étymologiques, rappels historiques très vivants et fourmillants de références littéraires et artistiques du Moyen-Âge jusqu’à nos jours, la gourmandise ne peut cacher sa mauvaise réputation, sous l’emprise entrecroisée de la religion, de la médecine et de la morale.

D’ailleurs, on la qualifiait plutôt de goinfrerie, un grave péché qui faisait perdre le contrôle de son corps, symbolisé par des corps épais, voire obèses, la saleté, la grossièreté. Heureusement « une honnête gourmandise », venue probablement d’Italie, s’impose à partir du 17è siècle.

L’aristocratie française trouve dans la magnificence de la table un moyen de maintenir son existence sociale. Selon Jean-Louis Flandrin, cette nouvelle gourmandise serait née du recul du joug de la médecine sur la cuisine au cours des 17è et 18è siècles.

L’imprimerie favorise l’analyse critique et changement notoire, les traités horticoles de ces époques enseignent l’art de bien savoir parler des vins et des mets. Pourtant, un courant des Lumières se montre hostile à la gourmandise dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, mais les élites françaises seront indéniablement marquées par un détour hédoniste des buts de l’alimentation.

Le 18è siècle voit fleurir les propos sérieux dans les préfaces des livres de cuisine, lesquelles peuvent devenir de véritables dissertations sur l’art culinaire, voire des manifestes. Un nouveau courant de pensée rompt effrontément d’avec la basse considération nourriture et satisfaction du ventre pour s’élever à la flatteuse association palais et cerveau ; la gourmandise devient une distinction sociale, une marque d’éducation tout autant qu'une sélection sociale. L’Homme mange pour se faire plaisir, l’art culinaire ne cherche plus à corriger la nature de l’aliment mais à aiguiser l’appétit en mariant habilement les goûts.

Une revendication s’ouvre sur les plaisirs de la bonne chère et un nouveau discours admet que la gourmandise demeure un péché de classe, mais inversé par rapport à la période médiévale. Pour ceux qui en ont les moyens, la nourriture est désormais matière à penser ; est-ce une façon plus valorisante de vivre la condition humaine ou bien un subterfuge intellectuel qui veut se détacher d’une réalité naturelle manquant d’attraits ? La gourmandise ne se pense peut-être pas, elle est une potentialité sensuelle dont chacun peut disposer, sans autre forme de jugement.

 

Riche de toutes ces informations, vous pouvez maintenant vous adonner à ce péché mignon, en toute connaissance de cause ! « Gourmandise, histoire d’un péché capital » Florent Quellier Armand Colin 2013, 211 pages NB : des phrases de ce texte sont directement extraites du livre

Gérard Allemandou: Le Cabillaud

 

Le cabillaud, dix façons de le préparer.  

Auteur : Gérard Allemandou 

Les Éditions de l'Épure  

Billet de Alain Lewinger.  

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Retour aux Archives de décembre 2013  

Gérard, mais quelle idée d’écrire ce petit recueil de recettes sur un des poissons les plus renommés en Europe sinon dans le monde ? Ta réponse est aussi simple que courte : à travers 10 recettes, montrer au grand public que notre époque n'a pas l'apanage de l'invention culinaire car depuis toujours les cuisiniers, objets de nos études sur l’histoire de la gastronomie, ont été créatifs et parfois en toute simplicité.

Alors, de Taillevent à nos jours, pour mettre facilement l’histoire dans votre assiette, à vos fourneaux !

 

NB : Gérard Allemandou est le président de l'association Bibliothèques gourmandes

La bouteille de vin, histoire d’une révolution

 

 

La bouteille de vin, histoire d’une révolution  

Auteur : Jean - Robert PITTE .  

Editeur : Tallandier

Billet de Bernard Lafon.  

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Le propos de l’auteur est clairement annoncé : mettre en valeur le rôle essentiel des bouteilles dans l’histoire moderne et contemporaine du vin ou comment les bouteilles ont révolutionné le monde du vin. Pour ce faire, il nous invite à voyager dans le temps et dans l’espace des diverses géographies qui ont constitué ce monde à travers un miroir appelé la bouteille et ses formes qui ont de bien lointaines origines. Pour résumer à la hache ce qui fait l’objet d’amples développements dans cet ouvrage : à l’outre, à l’amphore, au tonneau, la bouteille en verre (ou plutôt un récipient en verre) s’installe durablement au temps de la Rome impériale, mais ne sert qu’à contenir le vin. Ce récipient prend au 16ème siècle le nom de bouteille et sert peu à peu à conserver et à faire vieillir le vin. Le premier vignoble qui expédie ses vins en bouteilles de verre épais est celui de CHIRÂZ en Perse au 17ème siècle. L’innovation majeure vint d’Angleterre, NEWCASTLE fut pendant les 17ème et 18ème siècles la principale région verrière du monde en produisant des bouteilles en verre épais et noir, de taille régulière, bien adaptées aux besoins des marchands de vin. L’invention du bouchon suit dans la foulée : les anglais redécouvrent le liège, mettent au point le bouchon et son corollaire la vis à bouteille, devenue le tire-bouchon. On pouvait désormais coucher les bouteilles, uniformiser leur poids et contenance. Sans bouteille et sans bouchon, pas de champagne, pas de grands crus du bordelais. Les plus connues : la frontignane, la bordelaise, la champenoise, la bourguignonne, l’anglaise font souche en Europe et ailleurs où s'inventent néanmoins des modèles spécifiques. Leur forme, leur couleur participent pleinement à la révolution industrielle du 19ème siècle, associant dans le progrès des techniques, bien décrites par l’auteur, verrerie, viticulture et leurs retombées sur le négoce, les modes de consommation et d’expression artistique. En somme, cette étude est un pendant indispensable à la grande histoire culturelle du vin, pendant qui existait de manière éparse jusqu’à cette synthèse très réussie. Riche iconographie, bibliographie complète mais une seule carte, que l’on peut juger insuffisante pour visualiser la qualité du propos et les pérégrinations de la Dive bouteille dont le succès ne se dément pas : 30 milliards de bouteilles débouchées chaque année dans le monde. A votre santé !

Venise, les recettes culte

Venise, les recettes culte.  

Auteur : Laura Zavan  

Editeur : Marabout

Signalé par Anik Buj.  

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Laura Zavan
Laura Zavan

Originaire de Trévise, à un saut de puce de Venise, Laura vit en France depuis 20 ans. Auteure et styliste culinaire et membre de l'association De Honesta Voluptate, Laura compte à son actif une douzaine d'ouvrages de cuisine italienne. Dans ses livres, elle nous transmet sa passion pour le bon produit et une cuisine simple, naturelle et savoureuse. Laura s’inspire des recettes de la tradition italienne et les adapte aux exigences d’aujourd’hui. Elle a publié chez Marabout, Ma little Italy, qui a reçu le prix La Mazille International 2006, réédité avec une nouvelle édition en 2013, Les Basiques Italiens, Les Basiques Pasta, et parmi la collection petits plats : Mon risotto !, Pizza Maison, Les ravioli de Laura et son nouveau livre paru le 23 octobre 2013 : Venise, les recettes culte, un livre de 110 recettes, avec ses adresses préférées et des promenades gourmandes.

Le biscuit et son marché

Olibet, Lu et les autres marques depuis 1850.  

Auteur : Olivier Londeix.  

Editeur : Presses Universitaires de Rennes et Presses Universitaires François-Rabelais.  

Billet de Marie-Claude Maddaloni.  

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Le biscuit, voilà bien l’objet alimentaire qui accompagne toute notre vie : le goûter du petit, le thé du grand, le petit creux à tout âge.

Le Petit Beurre ! Qui ne l’a pas savouré, en commençant par croquer les quatre coins ? Mais derrière cette belle histoire du biscuit, il y en a une autre, plus compliquée, celle de sa production et de son marché. C’est sur cette histoire passionnante que porte l’ouvrage d’Olivier Londeix. Cette histoire, elle commence dans les années 1840-1850 avec les débuts de la biscuiterie industrielle, dont « les progrès, à l’origine britanniques, sont considérables ».

En 1868, le rapporteur de l’Exposition universelle constate avec regret que « En France, l’usage de plus en plus répandu du thé a introduit celui des biscuits anglais ; mais jusqu’à présent, on n’en a fabriqué chez nous qu’en quantité insignifiante et ce sont nos voisins qui pourvoient à notre consommation…Nous pourrions produire cet article à de meilleures conditions que [l’Angleterre] et non seulement exclure le produit anglais de notre propre marché, mais même lui faire concurrence sur les marchés de dehors. » Le défi est lancé. La percée de la biscuiterie Olibet, fondée par la famille du même nom à Bordeaux, est donc « emblématique » de la naissance de la biscuiterie industrielle française, grâce à la mécanisation de la fabrication. A la fin du siècle, la biscuiterie Olibet reste en tête, mais est talonnée par LU (Lefèvre-Utile), de Nantes, Pernot de Dijon et, dans une moindre mesure, par Brun de Grenoble, Belin de Bagnolet. On assiste, alors, à une « prolifération des opérateurs » sur un marché qui reste malgré tout dominé jusqu’à la fin du siècle par la pâtisserie artisanale. Les plus grands s’affirment par la « réclame » créative (par exemple, Alfons Mucha pour LU) pour faire naître auprès du public le besoin de la marque. C’est la grande époque des boîtes ornementales.

Pour Olivier Londeix, « la Grande Guerre semblerait n’être qu’une parenthèse » pour les grandes biscuiteries. En revanche, l’entre-deux-guerres « donne lieu à des manœuvres de concentration capitalistiques ». Pour la Seconde Guerre, l’auteur pose la question « de l’étendue et de la légalité des bénéfices engrangés par les biscuitiers français après la défaite de 1940 ». Dans les deux dernières grandes parties de l’ouvrage : « Le choc de l’unification des marchés français et européen (1945-1974) » et « De la disparition d’Olibet à la naissance de Danone (1974-1994) », Olivier Londeix étudie très précisément, en s’appuyant sur le parcours d’Olibet, les grands bouleversements de cette deuxième moitié du XXe siècle, avec l’irrésistible ascension de la grande distribution, la naissance de nouvelles stratégies commerciales, la valorisation de la libre concurrence, « l’intrusion des capitaux américains en France », « les nouvelles logiques de groupe ». A l’exemple de Danone, « la marque /entreprise apprend ainsi à se vendre aux actionnaires mondiaux : le 20 novembre 1997 Danone est introduite à la bourse de New York ».

Importante bibliographie.

Le goût des desserts

Une anthologie sur le thème des desserts .  

Textes choisis et présentés par Fabienne Gambrelle  

Editeur: Mercure de France.  

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Pâtisseries, gâteaux, tartes, crèmes, blancs-mangers, sabayons, glaces… Pourquoi raffolons-nous des desserts ? Leur aspect, leurs parfums et leurs saveurs procurent un plaisir sensuel, qui enchante tous les sens, la vue, l’odorat, le toucher, le goût, et même l’ouïe lorsqu’ils croustillent… Nous aimons aussi les desserts pour leur caractère extraordinaire : anniversaire, mariage, Noël, Épiphanie n’existent guère sans le gâteau, la bûche ou la galette. Monumentale apothéose ou modeste terminaison, le dessert apporte une note festive. Les desserts offrent aussi l’occasion d’effectuer un voyage dans le temps, ils nous entraînent dans le monde de l’enfance, délicieux ou douloureux, ressuscité en un instant : une bouchée peut déclencher l’apparition de tout un univers... Balade gourmande et sucrée en compagnie de Gustave Flaubert, Marcel Proust, Guy de Maupassant, Victor Hugo, Thomas Mann, Boris Vian, Italo Calvino, Michel Tournier, Muriel Barbery, Charles Juliet, Chantal Thomas, Philippe Delerm, et bien d’autres…

Fluide Glacial

Avec son dénigrement systématique des systèmes, son humour noir décapant, l’équipe de LINDINGRE nous entraîne dans un univers délirant d’absurdité, de drôlerie et de remise en place d’idées préconçues. Une salade bien rafraîchissante pour tous ceux qui ne veulent pas sombrer dans la routine des habitudes culinaires, mais pas que.

De la transmission familiale du savoir-faire  aux machines à plier les bananes, on décrit un monde où règnent food truck, wok, et autres wraps, où les livres sont plus mangés que dévorés, l’addition comestible mais dure à avaler : tout le monde en prend pour son grade, du critique gastronomique au restaurateur, des Show TV aux tics modernes des consommateurs : chacun y retrouvera les siens. Voilà qui fait chaud au coeur en ces temps de fluide glacial.

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D’amour et d’eau fraîche

L'embrasement, un film de Francis Lawrence  

Billet de Vincent Chenille 

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Ce 27 novembre sort sur les écrans L’embrasement, le second volet de la récente trilogie romanesque (écrite par Suzanne Collins), puis cinématographique, Hunger games.

Cette saga futuriste narre les aventures d’un couple adolescent, Katnees et Peeta, dans un futur américain, où les états se sont confondus dans une seule entité, Panem, expression latine du pain associée aux jeux du cirque. Panem ne nourrit pas son monde, la faim y domine, mais elle alimente la richesse et le pouvoir du district central baptisé Capitol (Rome oblige).

Soixante-quinze ans avant les faits, une révolte de la faim a eu lieu. Elle s’est terminée dans le sang, puisque le treizième district a été rayé de la carte. Depuis lors, pour fêter ce sanglant événement, le Capitol organise tous les ans les jeux de la faim. De jeunes représentants de chaque district et des deux sexes sont envoyés à ces jeux pour une lutte à mort.

Le gagnant remporte le droit de manger à sa faim jusqu’à la fin de sa vie.

Film apocalyptique de Francis Lawrence, qui avait justement réalisé Je suis une légende avec ses quelques survivants humains, Hunger games marque un tournant au cinéma, en montrant la possibilité de famine en Occident. Jusqu’à présent, la faim dans le cinéma de fiction se situait dans un ailleurs géographique (l’Afrique, par exemple, dans Le prix du danger d’Yves Boisset) ou découlait de situations exceptionnelles (un naufrage dans Seul au monde de Robert Zemeckis). La situation est aussi exceptionnelle dans Hunger games, mais elle est globale et non individuelle. Il y a eu une montée des eaux à l’échelle du continent, et le méchant baptisé Mr Snow est l’expression du changement climatique qui inonde les sols. Sensible au réchauffement climatique, Hunger games exprime aussi toute la misère sociale issue de la crise des subprimes.

Même au moment de la crise de 1929, le cinéma n’avait été aussi prompt et radical dans son expression. La scène de soupe populaire dans le King Kong de Cooper et Schoedsack (1933) était très brève et Les aventures de Robin des bois et sa révolte des affamés n’était sorti que dix ans après la crise. Cependant avec Hunger games, nous nous situons dans une philosophie adolescente où l’amour empêche d’avoir faim. Le couple de héros ne joue pas le jeu en ne s'entretuant pas, alors que l’ancien vainqueur des jeux, Haytnick Abernathy, est devenu alcoolique, c’est-à-dire rongé de remords.

Exposition gourmande à Anvers

Exposition de Marie-Paule BENOIT-BASSET 

A la galerie La galerie NASSAU 42 FINE ARTS,

Nassaustraat 42, 2000 Anvers, Quartier: Het Eilandje

du 15 novembre au 19 Janvier 2014,

Vernissage 24 Novembre de 14h à18h 

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Marie-Paule est une fidèle adhérente de notre association; elle réside à Vichy où elle peint avec passion et talent des personnages étranges, à la fois contemporains et moyenageux, verres à la main et entourés de pâtisseries.

Mangerons-nous encore ensemble demain ?

Les alimentations particulières

de Claude Fischler

Odile Jacob, 2013, 267 pages

par Bénédicte Cartelier

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Les actes du colloque « Les alimentations particulières » organisé par l'Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (OCHA) à Paris les 19 et 20 janvier 2012 viennent de paraître aux Éditions Odile Jacob sous la direction de Claude Fischler, sociologue et directeur de recherche au CNRS, sous le titre Les alimentations particulières, Mangerons-nous encore ensemble demain?

Cet ouvrage rassemble les contributions de dix-sept chercheurs internationaux de plusieurs disciplines scientifiques (médecine, économie, histoire, sociologie, psychologie...) regroupées en quatre parties (Allergies et intolérances, Les régimes sélectifs, Les régimes restrictifs, Convivialité, Commensalité et individualismes?) pour tenter d'analyser l'individualisation croissante de l'alimentation observée dans les sociétés contemporaines.

Dans son introduction, Claude Fischler rappelle que l'alimentation est habituellement collective et il souligne l'importance du rôle des repas pris en commun dans la socialisation des individus. Un hôte invité à partager un repas doit faire honneur aux plats proposés et refuser de la nourriture revient à refuser la relation. Or, de plus en plus, celui qui reçoit doit faire face aux exigences de ses invités: allergies alimentaires, intolérance au lactose, intolérance au gluten, régimes divers... Une part croissante de la population des pays développés revendique ainsi une alimentation particulière.

Pourquoi une telle évolution? Méfiance collective à l'égard de l'alimentation industrielle après les récents scandales agro-alimentaires, autonomisation croissante des individus, obsession de la santé et de la minceur, préoccupations liées à l'écologie? Les raisons sont multiples et complexes.

Parmi les dix-sept articles, je retiendrai notamment celui de l'historien Florent Quellier qui montre comment, dans la France d'Ancien Régime, la liberté des choix alimentaires des individus étaient fortement contrainte par la naissance, l'alternance maigre-gras imposée par l’Église catholique et par le problème de l'approvisionnement dans une économie de pénurie, autant de contraintes qui ont disparu de la société contemporaine. Autre point de vue historique, celui du Canadien Harvey Levenstein qui montre que, si la peur alimentaire est une composante essentielle de la condition humaine, les solutions ont d'abord été collectives et nationales avant de devenir, depuis une quarantaine d'années, de plus en plus individuelles.

Même si la plupart des contributions tendent à démontrer la pertinence de l'observation initiale d'une individualisation croissante des pratiques alimentaires, la conclusion de l'ouvrage est beaucoup plus nuancée. Non, nous ne mangerons pas nécessairement seuls demain, surtout dans des pays comme la France dans lesquels les modèles traditionnels résistent mieux. Mais il faudra sans doute inventer de nouvelles formes de commensalité, suffisamment souples mais suffisamment ritualisées pour permettre à chacun de se retrouver ensemble à la table commune.

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Les tribulations d’un gastronome chinois en France

La baguette et la fourchette

de Yu Zhou

Fayard, 2012, 192 pages

par Ségolène Lefèvre

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Sous-titré « les tribulations d’un gastronome chinois en France »,  « La Baguette et la Fourchette » de Yu Zhou est un livre remarquable.

Yu Zhou s’y exerce à un va-et-vient entre deux gastronomies aussi réputées l’une que l’autre avec leurs mystères si déroutants pour les non-initiés. La cuisine est un des meilleurs moyens de découvrir la culture de l’autre, Yu Zhou explique donc les différences culturelles existant entre la France et la Chine à travers l’art culinaire.

Certains chapitres nous entrainent à la découverte de la gastronomie chinoise, d’autres expliquent la manière de manger, les chansons de table et les livres de cuisine, d’autres encore s’emploient à comparer les gastronomies chinoise et française dans ce qu’elles ont de plus significatif.

Les tribulations de ce gastronome chinois explorent la gastronomie en profondeur. Découpé en petits chapitres, le livre est d’une lecture aisée et les dessins très fins d’Anne-Sophie Gousset illustrent agréablement le propos de l’auteur.

Autres cuisines japonaises

Le Club des Gourmets

choix des textes et présentations par Ryoko Sekiguchi

éditions POL , 2013

par Arlette Ramay-Clément.

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Dix nouvelles nous révèlent un visage insolite de la gastronomie japonaise, des mots que l'on ne saisit pas avec le bout des baguettes mais que l'on reçoit en pleine bouche, à pleines gorgées, avec l'intensité du saké.

Chacun des auteurs, sur le mode de la fiction, nous livre une expérience personnelle, empreinte de sa propre philosophie. Les récits de ces bols alimentaires, cet «acte de manger», selon Ryoko Sekiguchi qui en fit la sélection, ponctuent le sens donné à la vie par 10 gourmets littéraires. Chacun conte son histoire de cuisine par des narrations de scènes truculentes, piquantes aux sens propre et figuré du terme : dont l'incroyable aventure parisienne d'un canard à la Tour d'Argent ! Du XIIe siècle à nos jours, de manière souvent très inattendue, ces augustes littéraires maîtrisent l'art de nous faire savourer jusqu'à «100 curiosités au tofu» sans indigestion mais avec poésie.

Au delà du régal, du rire au second degré, ce livre pourrait être un petit traité de sociologie japonaise.

Du rififi au Ritz

Meurtre au Ritz

(Phébus, Le Livre de poche, 2013)

par Monique Calinon.

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Ne dit-on pas « lire avec gourmandise » ? Eh bien, allez à la rencontre des polars historico-gastronomiques de Michèle Barrière… Nous venons de nous régaler de Meurtre au Ritz (Phébus, Le Livre de poche, 2013), nouvel épisode de la saga Savoisy. Michèle Barrière, membre du conseil scientifique de Slowfood France, de l’association De Honesta Voluptate, fondée sur le séminaire de l’historien Jean-Louis Flandrin, parcourt les époques en furetant dans les cuisines, les salles de banquet, les estaminets, les palaces. Un mélange épicé, mais d’un bel équilibre, d’intrigues meurtrières et de grand savoir culinaire et d‘histoire du goût. Le petit dernier, Meurtre au Ritz, nous fait suivre Quentin Savoisy, tout jeune critique gastronomique, parmi les fourneaux de son parrain… le grand Auguste Escoffier, en pleine ouverture du dernier palace de César Ritz, à Paris, celui qui portera son nom. L’affaire Dreyfus bat son plein, l’anarchisme et les ligues droitières européennes aussi. Antisémitisme, tentatives de déstabilisation des états, tout nous est livré sur un plateau d’argent aux armes du grand palace, pour notre plus grande curiosité de retrouver les arrière-cuisines du temps, les menus d’époque et une foisonnante, et souvent bien sombre, tranche de vie, qui va du plus grand luxe des capitales de tout le vieux continent jusqu’au terrible tableau des tueurs de la Villette.

Les accros à la pâtisserie ont leur magazine

Fou de Pâtisserie  

Numéro 1 - septembre 2013 - 130 pages - 5 €  

bimestriel

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Ce premier numéro, fait appel au savoir faire de nombreux pâtissiers célébres: Christophe Michalak, Jacques Génin, Christophe Roussel, Benoit Couvrand, Hugues Pouget, Pascal Lac, etc.

 

A s'en lècher les babines !

Manger ensemble

Les cahiers européens de l'imaginaire rendent hommage à tous les mangeurs de la fin des temps dans le numéro de mars 2013

par Alain Lewinger

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mars 2013
mars 2013

Voici bien une tâche impossible que de rendre compte de cette impressionnante revue de 360 pages aux articles si riches et variés !

Pas moins de soixante-dix contributeurs, dont les textes ou illustrations sont répartis sur 10 chapitres: A table !, Ecosophie, Cum Panem, L'assiette exponentielle, Alouette gentille ..., Cannibales, Circum-Navegacão, Le repas des dieux, Super size me et Dionosos.

Pour preuve, quelques titres pris au hasard dans chaque thème parmi des dizaines d'autres aussi fascinants :

On ne parle pas la bouche pleine: Julia Grillmayr, doctorante en littérature comparée et philosophie à l' université de Wien explique le Corps sans Organe de Deleuze.

Petite introduction à la Papillosophie:  Edgar Morin nous conte la "combibendalité".

Pourquoi prend-on nos assiettes en photos ? Michaël Dandrieux, directeur éditorial des cahiers explique ce phénomène de société.

La fondue chinoise: Fong-Ming-Yang nous enseigne une pratique conviale vieille de 3000 ans.

La fin du cochon, photographiée, heureusement en Noir & Blanc, par le coutelier et salaisonnier Manu Chavassieux.

NYOTAIMORI : Alexandra Decraene décrit le déjeuner rituel sur de jeunes vierges.

Les festins interdits, un état d'orgasme perpétuel: Bertrand Vidal, docteur en sociologie de l'imaginaire à l'université de Montpellier, s'intéresse aux peurs contemporaines.

Manger au moyen-âge: Anne Paupert rappelle la place de la nourriture dans les rituels magiques à travers Les évangiles des quenouilles et le Ménagier de Paris.

L'"endieusement" du monde, entre croire et boire: Patrick Tacussel, professeur de sociologie à l'université de Montpellier, nous parle des tabous liés à l'alcool et au vin dans les trois religions monothèistes.

Sous le titre Mange ton cinéma, plusieurs auteurs nous font revivre les grands moments des films culinaires cultes comme la Grande Bouffe, L'empire de sens, Le festin de Babette,..

"Ô Dionysos, apparais-nous ! Wajdi Mouawad, met en scène Bernard Cantat dans un extrait de Sophocle, Electra (414 av. J.-C.).

 

Manger ensemble, c'est s'exposer à l'altérité, à l'extase, à la perte dans la communauté (Michel Maffesoli)

Voilà des auteurs bienvenus dans  PAPILLES !

Un chef à suivre

Une série télévisée sur le monde des cuisiniers

par Vincent Chenille.

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Ce mois-ci débute le tournage de la série « La brigade » ou « Les chefs », selon différentes sources d’information. Après les talk shows et la téléréalité, la cuisine va donc aussi se décliner sur le petit écran sous la forme d’une série télévisée. C’est « presque » une première en France. De fait, il y avait eu, en 1980, la série « Petit déjeuner compris » avec Pierre Mondy et Marie-Christine Barrault, mais qui relatait la chronique générale d’un hôtel et pas spécifiquement de la vie des cuisines. Sera-ce « La brigade » ? Le clin d’œil est aux séries, qui sont souvent policières, alors qu’il s’agira bien entendu d’une brigade de cuisines. Mais comme les intrigues seront sociétales et donc pas principalement policières, peut-être que le titre « Les chefs » sera choisi pour éviter toute confusion (afin que les consommateurs ne se sentent pas leurrés sur la marchandise) !

 

Le lieu sera un grand palace parisien et six épisodes de cinquante-deux minutes vont y être tournés. Le casting sera étoilé aussi, avec Annie Cordy, Jean-François Stévenin, la chanteuse Juliette et, en tête d’affiche, Clovis Cornillac, dans le rôle du grand chef récompensé. Les sources rappellent que Clovis Cornillac vient de Lyon, cité ô combien gastronomique, comme pour justifier du choix du casting. Pourquoi ce petit plus ajouté à un acteur dont le talent n’a pas besoin de se justifier ? Remarquons qu’avec lui et la chanteuse Juliette, le casting sera tout en rondeurs. C’est notable, car contrairement à ce que l’on peut croire, si les gros ont fréquemment été des mangeurs à l’écran (Gérard Depardieu dans le rôle d’Obélix, Jean Richard dans celui de Bérurier), ils sont minoritaires dans les rôles de chefs cuisiniers. Il y a des exceptions notables, comme Raoul Delfosse dans « Le grand restaurant », Michel Aumont dans « Au petit Marguery » ou bien sûr Jean Gabin dans « Voici le temps des assassins ». Mais les minces et les maigres ont été plus importants en nombre et pour incarner l’emploi. Songeons à Louis de Funès dans « Le gentleman d’Epsom », à Pierre Richard dans « Les mille et une recettes du cuisinier amoureux », à Bourvil et Fernandel dans « La cuisine au beurre » ou encore à Yves Montand dans « Le diable par la queue ».

Claude Fischler, invité par Alain Kruger sur France Culture

On ne mange pas la bouche pleine -

Emission d'Alain Kruger

diffusée 15/09/2013 sur France Culture

par Bénédicte Cartelier   

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Claude Fischler était l'invité de l'émission "On ne parle pas la bouche pleine!" d'Alain Kruger diffusée dimanche dernier sur France Culture de 12h à 12h30 sur le thème "la pensée magique à table".

Son dernier ouvrage sur les alimentations particulière a été cité de même qu'un autre, à paraître, intitulé "Manger: mode d'emploi ?".

Si vous avez l'occasion de réécouter cette émission en podcast, n'hésitez pas, elle était intéressante.

Qu’allons-nous manger ?

L’ère culinaire, 15 questions sur l’alimentation

Article de la revue Sciences Humaines N° 2515 (juillet/août 2013)

par Patricia Moisan

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La première question soulevée est de définir au préalable ce que manger veut dire, Claude Fischler pose d’emblée le cadre du problème :

« Les effets littéralement restaurants de l’acte alimentaire sont biologiques et symboliques à la fois. Ils sont aussi individuels et collectifs.(…)

L’alimentation est réglée par le social et sert à le régler puisqu’elle peut aussi bien, parfois en même temps, rassembler, exclure, hiérarchiser et/ou rendre indépendant.(…) Il faut aussi s’interroger sur ce que ne pas manger veut dire.(…)

L’alimentation est la plus intime de toutes les formes de consommation : nous faisons en effet pénétrer l’aliment dans notre corps et il devient ainsi notre propre substance ». Le lien entre alimentation et identité est fort et pour cela «  il faut que nous sachions ce que nous mangeons sous peine de ne plus savoir ce que nous sommes ».

Un autre sociologue pose la question de savoir si c’est la cuisine qui a fait l’Homme, car  « avec la cuisson des aliments, l’évolution humaine a franchi un nouveau cap ». Il y a un lien certain entre alimentation et développement cognitif.

Une précision géographique nous rappelle «  qu’à travers l’histoire tumultueuse de la rencontre des peuples, quelques grands centres  gastronomiques se sont constitués en évoquant les cuisines Indiennes, Méditerranéennes, Chinoises, Américaines ». En France,  «  la véritable gastronomie n’émerge qu’à partir du XVIIe, s’affirmant à la fois comme une nouvelle façon de cuisiner et une intellectualisation de l’art culinaire. Mais l’histoire de la cuisine est quelquefois idéalisée, oubliant facilement les dégâts humains  d’une colonisation.

 Notre époque  n’échappe pas non plus aux problèmes de l’alimentation et l’industrie agro-alimentaire n’est plus vraiment en odeur de sainteté ; «  les anthropologues ont aidé les industriels à comprendre ce que manger veut dire. Les chimistes, les biologistes et les nutritionnistes leur ont appris à savoir comment les appétences se créent. L’industrie s’est emparée de ce savoir et l’a transformé en business » dit Gilles Fumey. Et si « malbouffe », (terme rentré dans le Petit Robert en 2001) il y a, «  comment lutter ?  Il faudrait agir de façon cohérente sur plusieurs leviers » mais se pose en même temps le problème des libertés individuelles. D’autant plus que l’idéal est à la minceur, symbole de «  devoir moral, performance individuelle, contrôle de soi, dynamisme ».

Parallèlement, la non alimentation choisie ou subie est également bien présente : interdits religieux, phobies, dégoûts, pauvreté, famine ; les nombreux voire récents scandales alimentaires ne rassurent pas non plus les consommateurs qui se tournent alors de façon plus fréquente vers les produits bio. Et pour remotiver tout le monde, rien ne vaut une bonne petite émission télé sur la cuisine qui « remet au goût du jour le fait maison et les saveurs retrouvées des bons produits de nos régions ».

 

Jean-Pierre Poulain conclut le dossier en déclarant «  le grand enjeu des années à venir sera d’articuler les nouvelles recommandations individuelles aux dimensions collectives de l’alimentation ». 

Panthéon de la gastronomie

Thuriès Magazine : la rubrique mensuelle du Dr Hervé ROBERT, adhèrent des Bibliothèques Gourmandes

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Sa rubrique évoque la vie et l’œuvre des grands noms de la cuisine et de la gastronomie.

 

Numéro 247, Mars 2013 : Antonin Carême

Numéro 248, Avril 2013 : Jean Anthelme Brillat-Savarin

Numéro 249, Mai 2013 : Alexandre Balthazar Laurent Grimod de la Reynière

Numéro 250, Juin 2013 : Marcus Gavius Apicius

Numéro 251, Juillet-Août 2013 : L’odyssée des Menier, chocolatiers

Numéro 252, Septembre 2013 : Antoine Augustin Parmentier

A paraître :

Numéro 253, Octobre 2013 : Jules Gouffé

Numéro 254, Novembre 2013 : Dom Pérignonet

Ultérieurement : Taillevent, François Vatel, Curnonsky, Prosper Montagné…

 

Le Dr Hervé ROBERT est médecin nutritionniste et enseignant en nutrition à la Faculté de Médecine de Paris-XIII. Passionné d’histoire de l’alimentation, il anime, avec Katherine KHODOROWSKY, « La Marmite à Malices », un club de gastronomie qui, outre ses dégustations et dîners-conférences, organise des expositions et des animations littéraires et théâtrales pour glorifier l’art des mets et l’art des mots.

Mail : contact@marmiteamalices.com

Restauration à table

1 Français sur 3 choisit un restaurant par habitude

vu sur le site http://www.lhotellerie-restauration.fr  

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La dernière étude de NPD Group révèle que l'habitude, l'ambiance et la qualité de la nourriture demeurent des critères de choix bien plus importants que le prix.

Parmi les principaux critères déterminant le choix d'un restaurant chez les français, l'habitude arrive en premier plan avec près d'un tiers des visites dans les établissements traditionnels liées à ce facteur. Toujours selon la dernière étude de NPD Group, l'ambiance et la qualité de la nourriture sont respectivement citées en deuxième et troisième position. Tandis que le critère prix n'est cité que par un français sur dix ; soit trois fois moins que l'habitude et deux fois moins que l'ambiance. Ainsi, on note que l'habitude est importante pour une visite sur deux lorsque les Français déjeunent seuls le midi en semaine. Par contre, la qualité de la nourriture entre davantage en jeu pour les dîners entre amis le weekend (soit une visite sur quatre). « Grâce aux 14 000 Français interrogés par mois par NPD, notre étude démontre que malgré les conditions économiques actuelles, le critère prix n'est pas celui qui compte le plus dans le choix des établissements de restauration traditionnelle. Justement, aller au restaurant devenant une occasion plus rare, le client français va favoriser un établissement qu'il connaît et qui va lui apporter des garanties de qualité » commente Christine Tartanson, directrice de la division Foodservice de NPD Group. Et de constater : « Lorsque le consommateur Français a trouvé un établissement qui le satisfait, il aura tendance à y retourner indépendamment d'autres critères de sélection tels que le prix par exemple – une bonne nouvelle pour les restaurateurs qui peuvent compter sur une clientèle établie moins volatile que dans les autres pays européens. » Pas les mêmes critères pour la restauration rapide Selon le panel CREST de NPD Group, cette hiérarchie des critères de choix varie lorsque les Français fréquentent la restauration rapide (sandwicheries, boulangeries, fastfoods, cafétérias et autres formules rapides). Si l'habitude reste primordiale comme en restauration à table, le prix passe en deuxième position (à la place de l'ambiance en restauration à table). Et critère spécifique pour ce circuit, l'impulsion intervient en troisième position. Prix et impulsion entrent donc en jeu pour près de 1 visite sur 5. « Alors que le débat actuel est axé sur le 'fait maison' et la qualité, l'étude NPD des comportements quotidiens des Français permet de nuancer le tableau. Elle démontre qu'il ne faut pas négliger le poids de facteurs plus subjectifs comme l'habitude ou l'ambiance recherchée » conclut Christine Tartanson. H.B.

Des recettes et des hommes

Le magazine 180°C a sorti son premier numéro !

par Alain Lewinger   

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Voici un magazine culinaire de qualité ! Jugez en au sommaire: Interview de Pierre Caillet, chef normand; plats monochromes d'Éric Trochon; MOF; le marché des produits de saison; les super-produits de l'île de Quéménès et de la famille Winocour; quelques recettes faciles sans QUICHE ni CAKE; les menus des transatlantiques de l'historien Bruno Fuligni; La galerie de Peter Lippmann, photographe culinaire; le vignoble du Domaine du Loup Blanc; le chocolat; le bamix; la page des blogeurs culinaires; une sélection des meilleurs livres de cuisine étrangers et des critiques gastroniques sur les restaurants ayant fait le buzz comme le Noma à Copenhague ou la Grenouillère en région parisienne.

192 pages de plaisir, de beauté et d'intelligence

Je n'aime toujours pas le fromage

Pour ceux qui n’aiment pas le fromage !

de Frédérick Grasser Hermé, Les éditions de l'Épure 

par Bénédict Cartelier

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J’ai acheté récemment un livre intitulé Pour ceux qui n’aiment pas le fromage. Je l’ai acheté sans l’ouvrir, parce que c’est mon cas. A ma décharge, pour l’ouvrir, il aurait fallu couper les feuillets. Caprice d’éditeur ou stratégie, peu importe. 

Quelle déception ! Le livre ne contient que des recettes. Évidemment j’aurais dû m’en douter : « Dix façons de le préparer » est le titre de la collection. J’aurais dû aussi me méfier car je n’aime pas non plus l’inconséquence et plusieurs titres de cette collection sont consacrés à des fromages : la cancoillotte, le maroilles, la mozzarella, le roquefort, le fromage de chèvre… J’en oublie. 

Dix façons de le préparer mais aucune raison de l’aimer. Avais-je vraiment souhaité d’être convaincue d’aimer le fromage, moi qui le déteste depuis l’enfance et qui fais profession, depuis, de le détester, tout comme la couleur verte même si cela paraît n’avoir aucun rapport ? (il n’existe à ma connaissance aucun fromage vert bien que l’auteur affirme le contraire sans d’ailleurs en citer un seul. Elle ajoute qu’on peut même le manger bleu, ce qui est l’évidence et précise « couleur tellement insolite dans les aliments » et là, je me dis qu’elle n’a jamais dû manger de sardines grillées…). 

Quand je dis ne pas aimer le fromage depuis l’enfance, je pèche par excès. 

Je me souviens ainsi avoir goûté passionnément le comté jusque tard dans mon adolescence. J’aimais cette pâte dense, légèrement granuleuse qu’il me fallait mâcher longuement et qui me laissait sur la langue une saveur un peu âcre, légèrement piquante. Quand j’ouvrais le paquet, l’odeur pénétrait mes narines, une odeur forte, âcre, puissante. La respirer suffisait quelque fois à me rassasier. Au fond, c’est peut-être ainsi que tout a commencé. D'abord le fromage, le pain ensuite sans doute et puis le reste. L’odeur du pain est si puissante qu’elle se suffit à elle-même. Nul besoin de manger le pain pour en sentir le goût. Rares sont les aliments qui se livrent ainsi tout entiers dans leur odeur. 

Quand j’y réfléchis, sentir au lieu de manger présentait beaucoup d’avantages pour moi à l’époque. J’épargnais mon estomac toujours sensible et je n’avais pas à souffrir des lenteurs de la digestion. Ma bouche restait propre. Surtout, je gardais intact le désir de manger que je pouvais satisfaire à l’infini.

Je ne sais plus lequel j’ai mangé en premier, du comté ou du beaufort mais je me souviens parfaitement du jour où je compris qu’il existait un fromage supérieur au comté. Je commençais à établir mes hiérarchies, qui ne devaient plus guère bouger par la suite et d’autant moins que j’ai toujours été très timorée en matière alimentaire. Je serais capable par défi de manger à peu près n’importe quoi mais au fond de moi demeure ancrée une néophobie tenace qui me tient éloignée de toute nourriture étrangère, l’étrangèreté dût-elle se limiter à un format de pâte inconnu de moi ou à une nouvelle marque de faisselle. Ainsi, très tôt, j’étais capable de distinguer le comté du gruyère ou de l’emmental même si je confondais encore ces deux-là dans la même détestation. Ils me rappelaient trop les sandwichs avalés au bord de l’autoroute, lorsque nous partions en vacances au début de l’été. J’avais toujours mal au cœur en voiture et quand j’ouvrais les sandwichs préparés par ma mère le matin même « pour passer les restes », avec ces tranches de fromages poinçonnées recouvertes de fines gouttelettes d’eau et ces deux épais rectangles de beurre, cela me révulsait. Les fourrés récupéraient le fromage mais je devais racler consciencieusement le beurre du pain de dessous avec un coin du pain de dessus, après quoi j’inversais. J’avalais le reste péniblement. J’avais à peine terminé qu’il fallait repartir. J’étais la dernière comme d’habitude mais, miracle de la jeunesse, une heure après, j’avais de nouveau faim.

Quand j’ai dit ne pas aimer le fromage, j’aurais dû ajouter « affiné », le fromage affiné. Car les autres, les fromages frais, je crois les aimer tous, du moins tous ceux que je connais, une quinzaine à peu près. Tous, hormis les chèvre. A cause de l’odeur, dans les deux cas. Les fromages frais ne sentent pas. Pour les goûter, il faut les manger. Mais les chèvre, même frais, ont une odeur. Comme les roux (je parle des humains). Une odeur qui me déplaît, une odeur de laine mouillée, acide mais très puissante alors que la vache, le lait de vache, lorsqu’il est cru ne sent que l’animal. Pasteurisé, il ne sent presque rien.

Alors, j’aime les fromages frais, les fromages battus ou moulés en faisselle, le fromage à la pie - enfant, j’entendais « fromage à la pis » mais je voyais en même temps une pie noire et blanche, du même noir et du même blanc que ceux des vaches de Normandie qui figuraient sur mes bouteilles de lait – le caillé, de vache ou de brebis, la brousse provençale et le brocciu corse et tous les italiens, ricotta, mozzarella, burrata. C’est bien plus tard, en franchissant la Loire, que j’ai connu le précieux fontainebleau dans sa fine gaze blanche, le cottage cheese granuleux, le gros-suisse, cousin du petit et le demi-sel… Une quinzaine, tout au plus.

Alors, il me vint une idée. Puisque j’avais acheté un livre sur le fromage, je rechercherai les fromages frais que je ne connaissais pas. Mais « Dix façons de le préparer », c’était seulement dix fromages, bien que l’auteur ait un peu triché en utilisant parfois deux fromages dans une même recette, et je les connaissais déjà. J’en avais même déjà goûté certains. Fourme d’Ambert, crème de gruyère, fontainebleau, aligot, bleu crémeux de Haute-Loire, carré frais, ricotta, petits-suisses, mozzarella, camembert au lait cru, mimolette vieille. Douze en tout, ils étaient douze, comme les apôtres. C’était trop peu. Je décidai alors d’appliquer mon idée première à ma table des calories qui, j’avais eu déjà l’occasion de le remarquer, recelait quantité de produits que je ne connaissais pas et dont la plupart devait être soit des fromages soit des alcools, n’étant ferrée ni des premiers ni des seconds. Pour plus de commodité, je décidai de procéder par lettre alphabétique, de A comme Abondance à Z comme … Vieux-Lille (aucun fromage commençant par l’une des quatre dernières lettres de l’alphabet, ma table les ignore, peut-être à bon droit, je ne suis pas experte, je l’ai dit. J’aurais dû le regretter, je m’en réjouis au contraire comme une invitation à ne pas être exhaustive). 

Évidemment, il eût été plus simple d’utiliser un dictionnaire des fromages, il n’en manque pas sur le marché et certains sont très bien faits. Mais quel intérêt? Je préfère traquer la pépite. De la sorte, j’en apprends autant sur les fromages que sur le reste. 

Je ne livrerai pas ici le produit entier de ma récolte, ce serait fastidieux, mais rien qu’à la lettre A, je constate que le baron peut être d’agneau et pas seulement de lapin ou de saumon et je pense immédiatement à la longe de porc qui peut aussi être de thon. Plus loin, je découvre une liste impressionnante d’agrumes parmi lesquels des étrangers, le chadec, l’ugli, le tangelo et la tangerine tandis que mon préféré, le citron caviar, ne s’y trouve pas et pourtant Microcitrus aurait fait un juste pendant au Citrus maxima.  Il y a aussi les aromates, les anis, faux (l’aneth), vert ou étoilé (badiane), la livèche, le maceron et le tussilage et la liste s’allonge de tous les synonymes, farigoule et serpolet, origan et marjolaine, sarriette et poivre d’âne… 

Revenons à nos fromages. Ceux de la lettre A sont rares malgré le nom du premier d’entre eux : abondance, aisy cendré, aligot, appenzell, asiago, azeito. Tous au lait de vache sauf le portugais, au lait de brebis. Et aucun fromage frais. Oserais-je dire que j’ai parfois confondu les alcools et les fromages ? A la lettre A, j’ai dû ainsi ôter l’arak et l’angostura…. 

Parmi les pépites fraîches, le cachat est sans doute la plus grosse qui m’a heureusement conduite jusqu’à Virgile (ou au pseudo-Virgile et à son poème décrivant la fabrication du moretum, un fromage de brebis pilé, probablement du cachat si l’on suit une vieille traduction, mêlé d’ail, d’herbes hachées, d’huile d’olive et de vinaigre). J’aimerais aussi goûter le metton avec lequel on fait la cancoillotte mais non celle-ci à cause du beurre qu’on y met et de l’ail. Je goûterais encore volontiers le crémet nantais et la jonchée niortaise, la caillebotte à cause du peintre même si le nom de celui-ci n’a aucun rapport avec celui-là. Si Caillebotte reste pour moi le peintre des raboteurs de parquets, ces parquets à claires-voies qu’on nomme caillebotis sur lesquels les fromages sont mis à égoutter, la caillebotte hélas n’a que faire des caillebotis. Vainement j’ai cherché le lusignan que je connais indirectement par le tourteau fromager mais j’ai trouvé la cervelle de canut que je n’ai jamais goûtée, à cause du nom bien sûr mais aussi de l’huile qu’elle contient et de l’ail encore. 

Finalement, j’aurais beaucoup appris avec ces « dix façons de le préparer », beaucoup appris mais pas convaincue d’aimer le fromage et encore moins de le cuisiner.

Invignez- vous !

 Jacques Dupont nous entraîne dans la lutte contre le parti hygiéniste : allons enfants...

par Alain Lewinger

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Éditions Grasset
Éditions Grasset

Jacques Dupont nous invite à une réflexion sur le mode de fonctionnement de nos institutions, le vin et l’interdiction absolue de sa publicité détaillée dans la loi EVIN n’étant peut-être qu’une illustration d’un système. Jacques Dupont connaît parfaitement les rouages de cette association des forcenés antialcooliques, fondée en 1872 par une bourgeoisie plus préoccupée d’exploiter la force des travailleurs et de produire de la chair à canon pour l’armée française que du bien-être des ouvriers maintenus dans la misère.

Il nous rappelle de ne pas confondre les causes et les conséquences : l’alcool – et non le vin – sera la drogue qui soulagera les conditions inacceptables dans lesquelles le système social plongera le monde ouvrier.

 

Habilement, leurs successeurs, l’ANPAA, pourfendeurs tout azimut, oublieront de parler de prohibition après l’échec américain : ils demanderont, à l’instar des ligues de vertu des pays anglo-saxons, l’augmentation des taxes – ce à quoi un parlementaire moyen ne saurait résister – et des restrictions sur les lieux et horaires de vente – pas encore chez nous – et sur l’ interdiction de la publicité et de la promotion, ce que nous partageons avec seulement 4 autres pays, régis par des tabous alimentaires religieux. Et sans faire de différence entre l’alcool et le vin.

Or, nous affirme Jacques Dupont, la seule solution à l’alcoolisme passe par l'éducation et nous avons la chance extraordinaire d’une tradition vinicole française permettant d’éclairer nos jeunes afin qu’ils ne sombrent ni dans l’alcool ni dans d’autres addictions.

Tout autour de nous, nous connaissons des adolescents dont les distractions du samedi soir ne sauraient débuter sans l’absorption de quelque alcool transparent dont on ne connaît pas toujours la provenance. Sans parler des journées d’intégration universitaire qui ne sont que prétextes à beuveries sans retenue.

Jacques Dupont lance donc cet appel : Invignez-vous contre la pensée unique et formez les bataillons contre les « moralisateurs hystériques », inconscients de l’avenir de notre pays à force de vivre « avec modération ». L’alcool tue, mais le refus des réalités, davantage.

A table ... le menu !

Le dernier ouvrage de Patrick Rambourg paru aux Éditions René Champion me laisse sur ma faim...

par Gérard Allemandou

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Patrick Rambourg qui, depuis 2008, tient une rubrique récurrente dans PAPILLES, traitant des menus,  a récemment livré un petit ouvrage  « A table... le menu ! ».

Le format livre de poche surprend autant que la forme très universitaire de l'ouvrage, avec ses chapitres numérotés, alourdis pour chacun d'un sommaire et d'une pléthore de notes - 133 exactement, renvoyées en fin d'ouvrage ce qui n'en  facilite guère la lecture. Le texte, savant et fourni, est surchargé de trop d'encadrés bien inopportuns, parfois même coupés sur deux pages. 

On apprend énormément sur le menu, ce support assez longtemps oublié des historiens, et que Patrick Rambourg a su mettre avec opportunité en évidence. 

Tout est dit sur le contenu, mais, hélas, on ne trouve que trois reproductions - en noir et blanc, dont une vraiment trop petite, de ces objets dont l'importance esthétique, artistique même, n'est pourtant pas niée par l'auteur. Comme nous aurions aimé voir la reproduction du menu du déjeuner offert préparé par Paul Bocuse pour Giscard d'Estaing en 1975, conservé à la Bibliothèque de Dijon. Nous restons un peu sur notre faim, comme face à la parfaite description d'un plat auquel nous n'aurions pas le droit de toucher...

Les corps culinaires

De l'appareil photo comme ustensile de cuisine.

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Depuis 18 ans, Isabelle Rozemblaum, auteur photographe indépendant culinaire, pionnière en numérisation de photos argentiques, bloggeuse des premiers jours, veut aborder la cuisine en prenant désormais en compte une modernité propre au XXIe siècle. Si ses toutes premières prises de vue ravivent toujours ses premières sensations gustatives de la cuisine du Yiddishland de sa grand-mère, elle publie en 2002 Maroc d'Alain Jaouhari et Cuisines de Femmes avec Cécile Maslakian, travaille avec Guy Martin, Michel Guérard, Alain Passard, André et Arnaud Daguin. Passant de la nature morte au reportage en cuisine, elle découpe les corps morts à consommer par les corps vivants des cuisiniers et des convives de mondes dont elle découvre pour nous l'intimité de leurs us et coutumes: gestes de cuisiniers, éplucher, trancher, cadrer, shooter: de l'appareil photo comme ustensile de cuisine.

Bilingue français -anglais, cet ouvrage publié en 2013 chez D-Fictions, 285 pages - a également fait l'objet d'une publication numérique.

 Voir son blog

Billet posté par Alain Lewinger


se / me / nous / nourrir

L'aliment mérite bien que lui soit consacré un magazine

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Telle est l'ambition affichée par ce tout nouveau magazine consacré à nos papilles: en nous régalant d'une mise en bouche de photos humoristiques, en élevant une ode au brie, en nous décrivant des aliments connus mais peu couramment utilisés dans nos cuisines quotidiennes comme la livèche ou le curcuma, en rappelant l'histoire des vignobles de Condrieu et j'en passe, ce nouveau magazine de belle facture nous fait voyager et rêver aux pays du goût. 7€

Billet posté par Alain Lewinger