Dominic Harari - The food guide to love

The food guide to love.  

Réalisateurs : Dominic Harari et Teresa de Pelegri.

Sorti en décembre 2013.

 

Billet de Vincent Chenille.  

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Il s’agit bien d’un film d’exclusivité, mais sorti en catimini à Paris, dans une seule salle, l’Escurial. Ne cherchez pas sur vos programmes, il n’est resté à l’affiche qu’une semaine, du 18 au 24 décembre 2013.

Ceux qui n’ont pas pu le voir à sa sortie peuvent espérer peut-être le voir en vidéo (ou en VOD) ou sur Canal +, qui en est co-producteur. Mais rien n’est assuré. A moins qu’un festival de cinéma n’ait la bonne idée de le programmer. La raison de cette discrétion est tout à fait surprenante dans un environnement audiovisuel, où pas un jour ne passe sans qu’une chaîne généraliste ne présente en prime-time son émission cuisine.

 

Esthétiquement, le film n’a rien de honteux. Il s’agit d’une comédie, le genre le plus fréquemment associé à la gastronomie. Il parle d’un célèbre critique gastronomique irlandais, qui a écrit The food guide to love. Il ne s’agit pas d’un chef cuisinier, certes, mais The lunchbox, qui est sorti une semaine plus tôt ne traite pas non plus le point de vue du cuisinier et il est cependant sorti dans un nombre de salles convenables pour une exclusivité. The food guide to love est un film irlando-espagnol, certes encore, mais The lunchbox est un film indien. Et il y a moins de films indiens diffusés en France que d’espagnols. Coïncidence ?

Le film traite de la cuisine dans son rapport au monde à travers une histoire d’amour, comme l’a fait The lunchbox sorti à la même période. Mais les questions irlando-espagnoles sont toutes autres que celles des Indiens. Contrairement à beaucoup de films, The food guide to love offre d’abord une vision positive de l’ouverture sur le monde.

C’est ainsi que naît la vocation du jeune Oliver, futur critique gastronomique. Fans de foot, ses parents l’ont emmené un jour en Espagne lors d’un match international contre l’Irlande.

S’ennuyant au football, Oliver se dirige vers le buffet, où il découvre les tapas : les gambas et surtout les escargots à l’ail. Habitué au coddle, le plat national irlandais composé de saucisse, de poitrine de porc et de pommes de terres cuites à l’eau, que ses parents portent en bandoulière tout comme leur appartenance à l’équipe nationale de football, Oliver découvre que la cuisine, ça peut avoir bon goût.

Il s’oppose alors à son père. A travers ce personnage de critique gastronomique, c’est l’international, l’ouverture aux cuisines du monde, qui s’oppose au national. Souvent déçu en amour, Oliver rencontre l’Espagnole Bibiana, dont il tombe amoureux. On devine aisément le transfert : il aime Bibiana, car il apprécie tout particulièrement la cuisine espagnole. Bibiana tombera amoureuse d’Oliver, mais pas immédiatement. Elle a des préoccupations plus sérieuses que celles d’un critique gastronomique : elle est soucieuse du Tiers-Monde.

C’est en allant à une exposition consacrée à l’immigration irlandaise au XIXème siècle que Bibiana s’attache à Oliver. La famine de pommes de terre, qui poussa les Irlandais à quitter leur pays pour se rendre aux Etats-Unis dans la première moitié du XIXe siècle, a le pouvoir de faire entrer Oliver dans la catégorie du Tiers-Monde : il est logique que ceux qui ont eu beaucoup faim n’aspirent qu’à manger. Mais Oliver et Bibiana finiront par se séparer. Oliver, poussé à la curiosité de découvrir d’autres mondes, trompera Bibiana. Celle-ci se radicalisera et son tiers-mondisme la poussera vers le végétarisme, pour ne pas prendre à ceux qui ont faim.

The food guide to love témoigne de deux visions incompatibles de la mondialisation. Celle d’Oliver, optimiste, pour qui l’autre est « un enrichissement » et celle de Bibiana, synonyme de misère et d’immigration. Il n’est sans doute pas illogique que l’Irlande et l’Espagne, deux pays particulièrement touchés par la crise financière de 2008 soient à l’origine d’un tel film.

Pour finir, dans The food guide to love, une des parties aura raison de l’autre.