Dans les mailles du filet

 

  

Une exposition au Musée de la Marine à Paris  

 

Billet de Marie-Claude Maddaloni,

composé à partir des textes de l’exposition  

 

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Dans les mailles du filet, c'est dans un premier temps, l’histoire de la Grande pêche, la pêche lointaine à la morue, dans les eaux de Terre-Neuve, du Labrador, de l’Islande et du Groenland : cinq siècles d'une incroyable aventure technique, économique et humaine pour exploiter une ressource longtemps apparue comme une manne intarissable. C’est l’histoire de milliers de marins partis chaque année dans des conditions difficiles et périlleuses.

C’est ainsi, qu’en introduction, est présenté le thème de cette exposition passionnante.

Elle rappellera à certains le célèbre roman de Pierre Loti Pêcheur d’Islande, paru en 1886 : « …des poissons innombrables, des myriades et des myriades, tous pareils, glissant doucement dans la même direction, comme ayant un but dans leur perpétuel voyage. C’étaient les morues qui exécutaient leurs évolutions d’ensemble, toutes en long dans le même sens…agitées d’un tremblement rapide, qui donnait un air de fluidité à cet amas de vies silencieuses. » « La pêche allait assez vite ; en regardant dans l’eau reposée, on voyait très bien la chose se faire : les morues venir mordre, d’un mouvement glouton…Et, de minute en minute, vite, à deux mains, les pêcheurs rentraient leur ligne, - rejetant la bête à qui devait l’éventrer et l’aplatir. » « La brise soufflait sur ce conciliabule de bateaux, comme éprouvant le besoin de l’éparpiller, d’en débarrasser la mer ; et ils commençaient à se disperser, à fuir comme une armée en déroute…Les lames se faisaient toujours plus hautes, plus follement hautes…Il en tombait de lourdes masses sur le pont, avec un bruit claquant, et alors la Marie vibrait tout entière comme de douleur. »

Pierre Loti avait écrit à un armateur de Paimpol, L. Huchet du Guermeur, pour avoir des informations. Celui-ci lui répondit en 1885 : « Nos bateaux, pendant toute la première pêche [fin février – mi-mai], restent groupés et communiquent assez souvent entre eux ; mais pendant la deuxième pêche, [fin mai – mi-septembre] ils sont beaucoup plus au large, et ils se dispersent à cause de la brume qui est très intense ».

 

Pourquoi partir si loin ?

La morue est là-bas une ressource abondante, et malgré les dangers, une campagne est souvent rémunératrice.

La morue, salée ou séchée, se conserve facilement et permet de respecter l’ordonnance des quelques cent quarante jours maigres (sans viande) par an fixés par l’Église. Elle devient indispensable dans l’alimentation des populations de l’Europe de l’Ouest.

C’est ainsi que l’on peut lire dans le Traité des aliments de Caresme de Nicolas Andry de Boisregard (J.-B. Coignard, Paris, 1713) : « La morhue, autrement appelée moluë du nom des isles d’où elle vient…ce poisson se mange frais ou sec…la moluë est…le bœuf des jours maigres. C’est un fort bon manger…La meilleure est celle de Terre-Neuve. »

 

Après quatre siècles de pêche à la voile, depuis des trois-mâts ou des goélettes, l’ère des chalutiers s’ouvre avec le 20e siècle. La productivité augmente et conduit peu à peu à une surexploitation de la ressource et à la fin de la grande pêche dans la seconde moitié du siècle à Terre-Neuve.

 

Quelques histoires de recettes.

Les accras de morue. Les accras de morue sont originaires des Antilles, où les esclaves les consommaient. Les navires français en provenance de Nouvelle-France venaient là accoster pour échanger du poisson salé, du blé et des fourrures contre du tabac, de la mélasse et du sucre, qu’ils rapportaient par la suite en métropole ; on parle du commerce triangulaire de Nouvelle-France.

L’estofinado de l’Aveyron. L’estofinado est une spécialité de l’Aveyron, région qui se trouve pourtant à des dizaines de kilomètres de la mer. La présence de morue dans ce plat local s’explique par les échanges commerciaux qui se sont mis en place, dès le 18e siècle, sur le Lot : des gabarres descendaient le fleuve chargées de vin et de charbon, pour embarquer à Bordeaux des morues séchée