Discount

 

Un supermarché contemporain  

Réalisateur: Louis-Julien Petit 

 

 

Billet de Vincent Chenille  

 

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Retour aux Archives d’avril 2015

Ce film raconte la vie d’un supermarché contemporain dans une ville du nord de la France (les maisons sont bien alignées). Et bien que l’on trouve de tout dans un supermarché, les aliments sont particulièrement mis en scène dans ce film. L’histoire est celle d’une restructuration du personnel avec l’arrivée prévue des caisses automatiques. Le point de vue social y est donc privilégié, mais la fiction n’y est pas absente. Car les employés les plus menacés par la restructuration du magasin décident de doubler leur mois (et plus) avant le licenciement, en créant un magasin discount parallèle, sur un circuit lui aussi parallèle, car il s’agit de marchandise dérobée.

Les produits dérobés font partie des invendus que le magasin détruit habituellement. L’enseigne Discount ne laisse pas glaner les passants. Les barquettes, cartons et tous produits sous emballages, ainsi que les fruits et les légumes frais, sont piétinés dans un caisson par le personnel, avant d’être aspergés d’essence. Le film, bien entendu, montre l’énorme quantité de marchandise gaspillée, mais il fait aussi un parallèle entre les aliments et le personnel mis au rebut, car il n’y a que ces personnages qui, à l’écran, accomplissent cette tache. Et l’on perçoit bien que, dans ce rebut, aliments comme êtres humains, il y a encore beaucoup de valeur ; d’où un double sentiment de gâchis. Mais les marchandises ne sont pas que des rebuts. Au moment du rangement des rayons, les employés mettent des produits de côté, et le comptable de l’établissement signalera des pertes importantes. Ce qui signifie qu’il y a « fauche ». Les voleurs seront punis, mais emprisonnés la tête haute. Car en vendant en circuit parallèle, dans un hangar, le produit de leur larcin à bas prix, ils constateront qu’en un jour ils sont capables d’obtenir leur paye d’un mois. Autrement dit : si ce sont des voleurs, il y en a de plus gros qu’eux. Leur motif de fierté est d’avoir vendu des produits à des familles dans des difficultés financières et complices de ce larcin, qui leur rendait service. Complices car, à l’arrivée de la police, personne ne dénonce les voleurs. Nous sommes donc dans une fable sociale, de gauche, où les problèmes sont liés à la machine économique et non à des questions ethniques. A ce titre, le film présente des voleurs surtout Européens, même s’il y a un Maghrébin, alors que la gérante de l’hypermarché est Arabe.

Le film offre une idée des circuits courts, même si les produits ne sont pas directement du producteur au consommateur, puisqu’il s’agit d’un circuit partiellement industriel. Mais le réseau des personnes contactées par SMS ou au porte-à-porte ainsi que le dépôt, non pas de paniers, mais de sacs plastique, est bien montré et rend l’histoire de ce magasin parallèle parfaitement crédible. Mais le point le plus important est qu’il nous montre surtout des produits de l’industrie agro-alimentaire au début du film et de plus en plus des produits frais au fur et à mesure que l’histoire avance, bien que tout le magasin soit filmé. Tout est une question de gros plans. Pourquoi cette évolution ? L’un des personnages, Christiane dit au milieu du film : « Il n’y a pas de raison à ce que les pauvres mangent de la merde ». La baisse des prix pratiquée par le magasin parallèle permet l’accès aux plus modestes à des produits frais. Ainsi, au début, le voisin mange une boîte de conserve, les employés des plats cuisinés en barquette au moment de leur pause-déjeuner, et le fils de l’une d’entre elles, de la saucisse avec des lentilles. A la fin, il s’agit de fruits et légumes. Conserves, féculents, plutôt que produits frais : le film repose sur un constat sociologique avéré. C’est pourquoi il est plus crédible que On aurait pu être amies d’Anne Le Ny, sorti il y a quelques mois, et qui plaidait également pour un accès à une alimentation de meilleure qualité pour les plus pauvres.