Merlangius merlangus

Le merlan a de l’avenir !

par Bénédicte Cartelier  

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Aujourd’hui, j’ai mangé du merlan cuit au micro-ondes, la version moderne de la cuisson à la vapeur.

Le merlan n’est pas un poisson noble comme peut l’être aujourd’hui son cousin le cabillaud. Sa chair est blanche, certes, mais plus molle et son goût plus prononcé. On n’aime plus guère aujourd’hui les saveurs trop puissantes mais on raffole du mou. Le merlan a de l’avenir.

Merlan à la vapeur sonne mal en cuisine. On penserait davantage à merlan frit, à cause des yeux bien sûr mais aussi parce que la friture est populaire, comme lui. R.J. Courtine en propose trois versions dans son livre 100 merveilles de la cuisine française[1] : en colère, Colbert et en lorgnette. Comme ces appellations sont amusantes ! On croirait que la première est une déformation de la seconde et la troisième un clin d’œil (c’est le cas de le dire !) à l’expression française. Il n’en n’est rien bien sûr et voici pourquoi. Le merlan en colère est simplement frit la queue serrée entre les mâchoires. Plus délicat, le Colbert est désarrêté, pané à l’anglaise avant d’être frit mais il conserve sa queue (et sa tête !) tandis que la lorgnette l’a perdue mais a gagné deux brochettes en bois autour desquelles les filets s’enroulent de chaque côté de la tête.

A aucune des trois je n’ai goûté mais j’ai déjà vu un merlan en colère. C’était à une table d’hôtes près de Limoges. Du poisson, je n’avais vu que deux énormes yeux d’un blanc immaculé au milieu de la chair calcinée. Peut-être les morts qu’on incinère présentent-ils la même figure exorbitée ? En tout cas, les yeux de merlan frit sont une réalité.

J’imagine que les autres poissons apprêtés de manière identique ont aussi des yeux de merlan frit. Oui mais voilà, l’expression est populaire comme le merlan et le peuple n’avait guère l’occasion d’apercevoir les yeux d’un turbot frit, si toutefois un cuisinier avait eu l’audace de préparer en friture  Scophthalmus maximus, le roi du Carême. Le pochage lui convient mieux ou la cuisson au four comme dans cette recette de turbot soufflé au champagne proposée par R.J. Courtine, dans laquelle le turbot est farci d’un hachis de chair de merlan et de purée de champignons.

Du merlan pilé dans un turbot soufflé. L’ordre est rétabli mais le merlan en a perdu ses yeux. 

 



[1] Seuil, 1971.

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