TORIL

 

TORIL 

 

Réalisateur: Laurent Teyssier 

 

Billet de Vincent Chenille 

 

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Toril est un film qui se trouve à l’intersection de Saint-Amour et de Dough. En effet, le film témoigne de la crise agricole, comme dans Saint-Amour, mais cette fois du côté des maraîchers. Jean-Jacques Lucas produit des abricots, des aubergines, des carottes, des melons. Mais ses abricots ont gelé et les ventes ne sont pas au rendez-vous pour ses autres fruits et légumes cultivés sous serre. Il n’a pas pu payer l’entrepôt qu’il loue pour stocker sa production depuis plus d’un an. Au début du film, il est menacé de saisie de son stock, de fermeture de l’entrepôt. Alors il prend son fusil et il se tire une balle.

 

Il en réchappera. Pendant sa convalescence, c’est Philippe, l’un de ses deux fils, qui viendra s’occuper de ses fruits et légumes. Et il aura à cœur de rembourser les dettes de son père et lui permettre de conserver son hangar. Pour cela, il utilisera un moyen peu orthodoxe, qui le rapproche du film Dough. Il se mettra en cheville avec un trafiquant de drogue et il vendra du cannabis sous couvert d’aubergines et de tomates. A la vente, les cours seront bien meilleurs. Cette idée, Philippe l’avait appliquée à lui-même, puisqu’il avait planté de la marijuana sur une partie de sa propre exploitation.

 

L’autre fils ne peut pas aider le père, il est dans la restauration. Le film ne s’attache pas trop à l’aspect culinaire du restaurant. Il utilise des courgettes cultivées par le père, et l’on sait qu’il fait de la nouvelle cuisine. Mais les informations sont surtout d’ordre économique. Il ne peut pas aider son père, parce que les affaires ne vont pas très fort. Il emploie des intérimaires et est souvent obligé de faire lui-même la plonge. Tout cela, parce que les clients « regardent leur porte-monnaie ». La copine de Philippe, qui travaille dans une pizzéria, s’en sort mieux.

 

Le père n’est pas le seul agriculteur à problème. Un reportage TV diffusé dans un bar nous montre un arboriculteur contraint d’arracher ses arbres fruitiers (qui avaient mis dix ans à donner des fruits) parce qu’il n’a plus les moyens d’acheter les produits nécessaires à leur entretien. A la fin du film, le père fera de même. Le film offre donc une image de la chaîne alimentaire contrainte à la débrouille, voire à la criminalité, pour survivre du fait du fonctionnement du marché. Il n’offre pas de solution pérenne. Comme dans Dough, elle ne peut passer par la criminalité. C’est la providence qui offre une fin pas trop catastrophique. Le père vend ses terres à son voisin et conserve le mas. Mais la providence peut-elle être toujours au rendez-vous ?

 

Elle permet en tout cas au père de se réconcilier avec ses fils. C’est pour ne pas les perdre qu’il vend ses terres, alors qu’il se plaignait de ne pas être aidé, que l’exploitation ne soit pas reprise par ses fils. Une fin affectueuse, heureuse, à défaut d’en avoir une économiquement viable. Le fossé père-fils, si présent dans les films traitant de cuisine et d’alimentation depuis un an, est comblé dans ce film mais ni l’un ni l’autre n’offrent de voie d’avenir.