L’île des miam-nimaux

 

Tempête de boulettes géantes 2  

Film d’animation de Cody Cameron et Kris Pearn 

 

Billet de Vincent Chenille.  

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Retour aux Archives d’avril 2014 

Le film est la suite de Tempête de boulettes géantes, réalisé en 2009 par Phil Lord et Chris Miller. Mais pour les amateurs du premier épisode, cette fois-ci, il n’y a ni tempête ni pluie de boulettes géantes ; pas de surenchère spectaculaire donc de ce côté-là. Cependant, il s’agit bien d’une suite, car on y retrouve les personnages principaux, l’inventeur Flint Lockwood et la météorologue Sam Sparks, après la chute des aliments géants.

Depuis ce début se sont développées, à partir des aliments géants, de nouvelles espèces comme le calamar babouin, les pommes de terre hippopotame, les bananes volailles. Mais le film n’est pas une alarme contre les manipulations génétiques, même si certains personnages de l’histoire se montrent prompts à vouloir les exterminer. Sam Sparks montre que cette nouveauté crée une grande diversité, et donc une grande richesse. De ce point de vue, l’anthropomorphisme des végétaux et des animaux présente la faculté de concilier les végétariens et les carnassiers dans un vaste domaine des espèces vivantes ; et donc d’habituer les enfants, qui sont le public privilégié pour ce dessin animé, à accepter aussi bien la viande que les légumes (même si les personnages principaux privilégient les gâteaux, le café et le chocolat !).

Mais voilà ! Le Pr Chester V veut exterminer ces nouvelles espèces. Il ne s’agit pourtant pas d’un plaidoyer écologique en faveur de la protection des espèces. Car dans les espèces menacées par Chester, il y a le cheeseburger araignée. La protection souhaitée n’est donc pas seulement naturelle, mais culturelle. Chester V, à l’aide de ses grands aspirateurs, veut récupérer ces nouvelles espèces pour les broyer et les intégrer à sa nouvelle barre alimentaire 8.0. Et c’est là que le bât blesse, car le propos semble remettre en cause l’industrie agro-alimentaire dans son ensemble. Et si l’on suit la logique de ce propos, il ne faut pas toucher à ces espèces, et par conséquent ne rien manger : absurde.

Or le propos n’est pas celui-là. Le sujet se révèle en une fraction de seconde, lorsque Chester veut se débarrasser de Flint Lockwood, de Sam Sparks et de tous leurs amis dans la broyeuse pour confectionner la barre alimentaire 8.0. Et s’il veut s’approprier ces nouvelles espèces, c’est parce qu’elles ont un goût bon et nouveau. C’est la définition même de l’utilisation d’arômes dans l’industrie alimentaire. Un bon goût qui peut cacher de l’aliment d’origine humaine (l’idée se trouve confortée par l’anthropomorphisme des espèces). Ce sont les filières alimentaires pour les produits élaborés de l’industrie agro-alimentaire qui sont donc en question. Une idée tout à fait défendable, et qui peut trouver un large écho chez nous, après l’affaire du bœuf Spanghero. Et, de fait, cette crise a eu pour effet de détourner le public de l’industrie alimentaire, des plats cuisinés, de tout ce qui peut paraître obscur à force d’avoir été broyé.

Mais cette idée est bien mal défendue, tant le propos dans le film entretient la confusion. Le débat est subtil et il ne peut se résumer en des formulations manichéennes du type protection des espèces et extermination, ni nature contre industrie. C’est un débat que des enfants peuvent comprendre pourtant. Mais une présentation manichéenne a toutes les chances d’obscurcir ce débat. Or le mode de narration du film est dans une présentation manichéenne, car sa forme est inspirée de l’heroic fantasy, très en vogue, avec du côté des gentils Flint Lockwood et ses amis, et de l’autre, le méchant Chester V, inventeur de la barre alimentaire 8.0 et clone des dirigeants d’Apple, firme concurrente de Sony. Sony étant producteur de Tempête de boulettes géantes