Topographie gourmande de la France - 1806

 

M. Ch. D’O - Lettre du 15 août 1806 parue dans

l'Almanach des gourmands

de Grimod de la Reynière. 

5ème année- 1807 - page 277

Billet de Patricia Moisan.  

 

Retour aux Archives des Billets

Retour aux Archives de février 2014 

En relisant de la littérature historiquement gourmande, je suis tombée sur la publication d’un courrier de lecteur qui suggérait une idée… pleine d’avenir : représenter la France géogra-phiquement par ses spécialités et productions alimentaires.

Nous sommes en 1806 et la géographie est alors très sérieuse et sans fantaisie ; oserons-nous dire ainsi que la gourmandise ouvre les esprits ? PM.

 

Paris, 15 août 1806*

« En lisant, Monsieur, dans les dernières Années de votre Almanach, les divers articles de Topographie Gourmande que vous y avez insérés, afin, sans doute, de piquer l'émulation des artistes qui habitent la province, et de faire naître parmi eux une rivalité qui ne peut que tourner au profit de l'art alimentaire, il m'est venu une idée, que je m'empresse de vous soumettre, et dont j'ose croire que l'exécution ajouterait un nouveau mérite à la Topographie alimentaire de la France, que vous avez promis de publier quelque jour.

Je voudrais donc que vous fissiez paraître une Carte Gourmande de la France, divisée comme elle l'est aujourd'hui en ses cent vingt Départements, mais dans laquelle on trouverait gravée la figure des productions alimentaires qui rendent un grand nombre de nos villes célèbres, et cela sur le point même dont elles tirent leur origine.

Ainsi, au lieu du clocher d'Amiens, on distinguerait à cette place un Pâté de canards ; à Nérac, une Terrine de perdrix rouges ; une de Foies de canards, à Toulouse ; une Dinde farcie et un Pâté de perdreaux rouges, à Périgueux ; un Pâté de veau de rivière, surmonté d'un pot de Gelée de pommes, à Rouen ; un petit pot de Groseilles sans pépin, à Bar-le-Duc ; des Pieds et du Fromage de Cochon, à Troyes ; des Marrons, au Luc ; des Mortadelles, et encore des Marrons, à Lyon ; un Pâté de foies d'oie, à Strasbourg ; un pot de Moutarde et un d'Epine-vinette, à Dijon ; une bouteille à tous les lieux célèbres par la bonté de leurs vins ; une boîte de Dragées, à Verdun ; une de Mirabelles, à Metz ; une de Cotignac, à Mâcon et à Orléans ; des Poires de rousselet, un Pain d'épice et des Nonnettes, à Rheims ; un pot de Raisiné à Montpellier ; un cabas de Figues, à Ollioules ; et un de Panses, à Roquevaire ; un Pâté d'esturgeon et des Biscuits, à Abbeville ; un pot de Crème, à Sotteville ; des Biscottes, à Bruxelles ; des Huîtres, à Marennes et à Cancale ; des Harengs, à Dieppe , etc. , etc.

Cette manière d'étudier la Géographie paraitrait fort agréable, et propagerait, dans toutes les classes de la société, la connaissance de cette science utile. Quant à la dépense qu'entrainerait l'exécution de ce projet, elle serait modique. On pourrait se procurer, à peu de frais, la planche d'une carte de la France, et faire graver, avec soin, à la place de chaque lieu, la production alimentaire dont il tire sa célébrité.

Je me chargerai bien volontiers de ce travail, pour peu que le projet vous en soit agréable, et que M. Maradan qui prend un intérêt si vif et si réel aux progrès de la Gourmandise, veuille bien former cette utile entreprise. Dans cette attente, J'ai l'honneur d’être, etc. »

 

 

*Ce texte a subi quelques petites modifications d’orthographe pour une meilleure compréhension.