Le commerce du bétail charolais

 

Histoire d’une filière viande

XIXème – XXème siècles  

Auteur : Dominique FAYARD  

Editeur: Presses Universitaires de Rennes - Presses Universitaires François Rabelais de Tours. Collection « Table des hommes ». 2014 

 

Billet de Bernard LAFON  

 

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Retour aux Archives de décembre 2014

Très difficile dans l’espace imparti de rendre compte d’un ouvrage de plus de 300 pages, fruit d’un travail universitaire qui aura duré 10 ans, portant sur un aspect de l’histoire rurale peu connu, à savoir la construction d’une filière. L’étude, sur deux siècles, a pour sujet l’une des plus réputées d’entre elles : le charolais et un lieu d’excellence, le Brionnais*, dans le département de Saône et Loire, pays où l’on « cultive le bifteck » et son fameux marché de Saint Christophe en Brionnais. Singulier, le Brionnais réunit de nombreux facteurs favorables : qualité des sols, abondance et diversité des herbages (on parle de crus comme pour le vin), hydrographie et climat propices, mais aussi situations sociales particulières : le droit de clôture et la liberté de culture existaient bien avant le Code Rural de 1791.

 

Ce creuset vit naître et s’éteindre au fil du temps :  les emboucheurs qui engraissaient du bétail, acquis maigre et revendu gras, les maquignons, négociants faisant commerce de bovins, les grossistes (ou chevillards). Apparition de groupements de producteurs, de filières d’export dans la seconde moitié du 20ème siècle. Chacun étant lié à une activité dominante, mais non exclusive.

 

Ce livre, tiré d’une thèse de doctorat récompensée par la mention « très honorable », nous conte par le menu (sa lisibilité est l’un des mérites de l’ouvrage) les causes et les conséquences du passage du gras au maigre : de l’embouche, qui répondait à la demande des centres urbains et industriels au 19ème siècle, à l’élevage allaitant envoyant des bovins maigres dans des pays engraisseurs (Italie, Espagne, Grèce), les incertitudes et les crises, l’arrivée des groupements de producteurs, la création d’une filière qualité **. L’émergence de grandes sociétés exportatrices est plus récente, la SICAREV, installée à Roanne, également fournisseur de centrales d’achat (Casino, Carrefour, Auchan, Leclerc) en est un bel exemple.

 

Ces mutations, liées majoritairement à l’évolution de la demande, aux progrès technologiques et à la politique d’ensemble de la Politique Agricole Commune (PAC) ne furent pas fondamentalement bouleversantes. Ce monde agricole a gardé son caractère multiforme, où les complémentarités dominent encore, ainsi que quelques permanences, tel le marché de Saint Christophe en Brionnais, devenu un lieu de tourisme de masse, qui témoigne de la faculté d’adaptation et de renouvellement de structures anciennes (création du marché au cadran)***.

On peut cependant s’interroger sur l’avenir, l’auteure estimant que la concentration toujours plus grande de la filière met en péril le commerce du bétail, plus que jamais dépendant des fluctuations économiques où l’argent règne en maître.

L’ouvrage, grâce notamment au recours à des sources orales et à des enquêtes de terrain, obligatoire au vu de la minceur des archives imprimées, se lit comme une enquête et s’adresse tout autant aux spécialistes qu’à un public non averti. Nombreuses illustrations choisies en collaboration avec notre ami Marc COMBIER.

Un livre incontournable pour appréhender l’histoire d’une viande qui a fait et fait toujours les beaux jours de nos assiettes.

 

*Coordonnée par l’auteure, une demande d’inscription du pays Brionnais Charolais au patrimoine mondial de l’UNESCO est en cours d’élaboration.

**voir la contribution de Dominique FAYARD : « Du pré à l’assiette, l’AOC « bœuf de Charolles » : une viande typique produite dans un territoire d’exception » Papilles n° 39.

*** En 1994, le Conseil National des Arts Culinaires classe le marché parmi les 100 sites remarquables du goût en France.