Didier Nourrison - Crus et cuites

 

Histoire du buveur  

Auteur : Didier Nourrison 

Editeur: Perrin - 2013  

Billet de Alain Lewinger.  

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Tout en retraçant l’extension inexorable des boissons alcoolisées des comptoirs phocéens à la viticulture biodynamique, en passant par la conquête romaine, les vignobles des abbayes et des princes, la crise du phylloxera, de la cervoise à la bière industrielle, du sydre de mauvaises pommes au cidre de poiré à la fermentation contrôlée, de la distillation inventée au XIIIème siècle par Arnaud de Villeneuve aux vins brûlés du XVIème siècle, puis aux liqueurs sophistiquées du XIXème siècle, Didier Nourrisson nous décrit le développement des voies terrestres romaines, puis maritimes, fluviales, ferroviaires et autoroutières et évoque les grandes inventions, comme les amphores, puis le tonneau des Gaulois, initialement arme de guerre, les progrès de l’agriculture et des sélections des ingrédients pour la bière et le cidre, les bouteilles et les bouchons de liège, l’alambic, le recours à la publicité, puis son interdiction.

De l‘ivresse de Noé et de Loth, du Gaulois, que le XIXème siècle dépeindra ivrogne et bagarreur en reprenant les descriptions des romains vainqueurs, du moine buveur et jouisseur décrit par Rabelais, des orgies bachiques de Vélasquez, du paysan grossier se soûlant à la piquette face à l’aristocrate dégustant du champagne, de l'hypocras aux apéritifs et vins d’épices de la bourgeoisie triomphante qui se pique d'avoir "sa cave", de la fée verte de monsieur Pernod sauvant les soldats de la dysenterie algérienne, puis interdite pour donner naissance à notre pastis national, aux campagnes de modération de la fin du XXème siècle, nombreux sont les héros de la dive bouteille : Bacchus, bien sûr, mais aussi Gargantua, Gambrinus, saint Jean-Baptiste, saint Arnoult, saint Vincent (sang et vin ?), Ramponneau, Aramis, le moine Tuck, Bérurier...

Didier Nourrisson nous décrit la place prépondérante du buveur dans notre société jusqu’à être l’instigateur des émeutes de 1789 : en brisant les barrières d’octroi de Lyon, en juin, puis de Paris, les 11 et 12 juillet, le peuple, enivré de vin des tonneaux pillés, prit la Bastille dans l’excitation toute révolutionnaire de la liberté retrouvée de boire !

Alors s’amorce la plus formidable expansion des cafés, cabaretiers, débits de boissons, marchands de vins et spiritueux : bar, bistrot, bougnat, buvette, cabaret, cabaret, estaminet, troquet, zinc, boui-boui, caboulot, cambuse, mastroquet, popine et autre gargote. Jusqu’à un débit pour… 106 habitants !

C’est l’époque bénie des ripailles républicaines et d’une consommation débridée : les bouilleurs de cru seront plus de 3 millions de 1934 à 1955 ! Mais l’excès entraîne la répression et les censeurs triomphent bientôt : prohibition aux Etats-Unis, lois et réglementation de plus en plus restrictives en France. Après 1945, l’ivrogne devient « incorrigible et méprisé. » La production viticole diminue au profit de la qualité : on boit moins et mieux. L'eau du robinet et en bouteilles, les boissons gazeuses s'imposent tandis que les cocktails s'invitent dans les "party's" de l'entre-deux guerres.

Puis l'alcool et les drogues gagnent du terrain.

Que sera le buveur du XXIème siècle, issu de plus de 2 000 ans d’histoire ? Découvrez-le en dégustant ce gouleyant ouvrage de Didier Nourrisson.