Florent Quellier : Gourmandise, histoire d’un péché capital

Gourmandise, histoire d’un péché capital  

Auteur : Florent Quellier 

Editeur: Armand Colin  

Billet de Patricia Moisan.  

 

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Vous prendrez bien une petite gourmandise ….

Inutile de présenter une assiette, celle que l’on vous propose se déguste avec les yeux ; cette gourmandise-là est servie sur un plateau dans le but d’être regardée, expliquée, décortiquée. Terme évocateur, résonnant différemment selon chacun, il suscite généralement des réactions positives, une émotion, voire un chatouillement des sens. Mais connaissons-nous vraiment l’histoire de cette gourmandise humaine ?

C’est justement ce que Florent Quellier, historien de l’alimentation, nous raconte de façon passionnante dans cet ouvrage : présentation et sens étymologiques, rappels historiques très vivants et fourmillants de références littéraires et artistiques du Moyen-Âge jusqu’à nos jours, la gourmandise ne peut cacher sa mauvaise réputation, sous l’emprise entrecroisée de la religion, de la médecine et de la morale.

D’ailleurs, on la qualifiait plutôt de goinfrerie, un grave péché qui faisait perdre le contrôle de son corps, symbolisé par des corps épais, voire obèses, la saleté, la grossièreté. Heureusement « une honnête gourmandise », venue probablement d’Italie, s’impose à partir du 17è siècle.

L’aristocratie française trouve dans la magnificence de la table un moyen de maintenir son existence sociale. Selon Jean-Louis Flandrin, cette nouvelle gourmandise serait née du recul du joug de la médecine sur la cuisine au cours des 17è et 18è siècles.

L’imprimerie favorise l’analyse critique et changement notoire, les traités horticoles de ces époques enseignent l’art de bien savoir parler des vins et des mets. Pourtant, un courant des Lumières se montre hostile à la gourmandise dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, mais les élites françaises seront indéniablement marquées par un détour hédoniste des buts de l’alimentation.

Le 18è siècle voit fleurir les propos sérieux dans les préfaces des livres de cuisine, lesquelles peuvent devenir de véritables dissertations sur l’art culinaire, voire des manifestes. Un nouveau courant de pensée rompt effrontément d’avec la basse considération nourriture et satisfaction du ventre pour s’élever à la flatteuse association palais et cerveau ; la gourmandise devient une distinction sociale, une marque d’éducation tout autant qu'une sélection sociale. L’Homme mange pour se faire plaisir, l’art culinaire ne cherche plus à corriger la nature de l’aliment mais à aiguiser l’appétit en mariant habilement les goûts.

Une revendication s’ouvre sur les plaisirs de la bonne chère et un nouveau discours admet que la gourmandise demeure un péché de classe, mais inversé par rapport à la période médiévale. Pour ceux qui en ont les moyens, la nourriture est désormais matière à penser ; est-ce une façon plus valorisante de vivre la condition humaine ou bien un subterfuge intellectuel qui veut se détacher d’une réalité naturelle manquant d’attraits ? La gourmandise ne se pense peut-être pas, elle est une potentialité sensuelle dont chacun peut disposer, sans autre forme de jugement.

 

Riche de toutes ces informations, vous pouvez maintenant vous adonner à ce péché mignon, en toute connaissance de cause ! « Gourmandise, histoire d’un péché capital » Florent Quellier Armand Colin 2013, 211 pages NB : des phrases de ce texte sont directement extraites du livre